lapins ont le pied fendu, et ne sont point immondes. Eh bien! dit Y��bor en branlant sa t��te chauve, il faut empaler Zadig pour avoir mal pens�� des griffons, et l'autre pour avoir mal parl�� des lapins. Cador apaisa l'affaire par le moyen d'une fille d'honneur �� laquelle il avait fait un enfant, et qui avait beaucoup de cr��dit dans le coll��ge des mages. Personne ne fut empal��; de quoi plusieurs docteurs murmur��rent, et en pr��sag��rent la d��cadence de Babylone. Zadig s'��cria: A quoi tient le bonheur! tout me pers��cute dans ce monde, jusqu'aux ��tres qui n'existent pas. Il maudit les savants, et ne voulut plus vivre qu'en bonne compagnie.
[1] Anagramme de Boyer, th��atin, confesseur de d��votes titr��es, ��v��que par leurs intrigues, qui n'avaient pu r��ussir �� le faire sup��rieur de son couvent; puis pr��cepteur du dauphin, et enfin ministre de la feuille, par le conseil du cardinal de Fleury, qui, comme tous les hommes m��diocres, aimait �� faire donner les places �� des hommes incapables de les remplir, mais aussi incapables de se rendre dangereux. Ce Boyer ��tait un fanatique imb��cile qui pers��cuta M. de Voltaire dans plus d'une occasion. K.
Il rassemblait chez lui les plus honn��tes gens de Babylone, et les dames les plus aimables; il donnait des soupers d��licats, souvent pr��c��d��s de concerts, et anim��s par des conversations charmantes dont il avait su bannir l'empressement de montrer de l'esprit, qui est la plus s?re mani��re de n'en point avoir, et de gater la soci��t�� la plus brillante. Ni le choix de ses amis, ni celui des mets, n'��taient faits par la vanit��; car en tout il pr��f��rait l'��tre au para?tre, et par l�� il s'attirait la consid��ration v��ritable, �� laquelle il ne pr��tendait pas.
Vis-��-vis sa maison demeurait Arimaze, personnage dont la m��chante ame ��tait peinte sur sa grossi��re physionomie. Il ��tait rong�� de fiel et bouffi d'orgueil, et pour comble, c'��tait un bel esprit ennuyeux. N'ayant jamais pu r��ussir dans le monde, il se vengeait par en m��dire[2]. Tout riche qu'il ��tait, il avait de la peine �� rassembler chez lui des flatteurs. Le bruit des chars qui entraient le soir chez Zadig l'importunait, le bruit de ses louanges l'irritait davantage. Il allait quelquefois chez Zadig, et se mettait �� table sans ��tre pri��: il y corrompait toute la joie de la soci��t��, comme on dit que les harpies infectent les viandes qu'elles touchent. Il lui arriva un jour de vouloir donner une f��te �� une dame qui, au lieu de la recevoir, alla souper chez Zadig. Un autre jour, causant avec lui dans le palais, ils abord��rent un ministre qui pria Zadig �� souper, et ne pria point Arimaze. Les plus implacables haines n'ont pas souvent des fondements plus importants. Cet homme, qu'on appelait l'Envieux dans Babylone, voulut perdre Zadig, parcequ'on l'appelait l'Heureux. L'occasion de faire du mal se trouve cent fois par jour, et celle de faire du bien, une fois dans l'ann��e, comme dit Zoroastre.
[2] Imitation d'une phrase de Montaigne, cit��e p. 119 du tome XXVII. B.
L'Envieux alla chez Zadig, qui se promenait dans ses jardins avec deux amis et une dame �� laquelle il disait souvent des choses galantes, sans autre intention que celle de les dire. La conversation roulait sur une guerre que le roi venait de terminer heureusement contre le prince d'Hyrcanie, son vassal. Zadig, qui avait signal�� son courage dans cette courte guerre, louait beaucoup le roi, et encore plus la dame. Il prit ses tablettes, et ��crivit quatre vers qu'il fit sur-le-champ, et qu'il donna �� lire �� cette belle personne. Ses amis le pri��rent de leur en faire part: la modestie, ou plut?t un amour-propre bien entendu, l'en emp��cha. Il savait que des vers impromptus ne sont jamais bons que pour celle en l'honneur de qui ils sont faits: il brisa en deux la feuille des tablettes sur laquelle il venait d'��crire, et jeta les deux moiti��s dans un buisson de roses, o�� on les chercha inutilement. Une petite pluie survint; on regagna la maison. L'Envieux, qui resta dans le jardin, chercha tant, qu'il trouva un morceau de la feuille. Elle avait ��t�� tellement rompue, que chaque moiti�� de vers qui remplissait la ligne fesait un sens, et m��me un vers d'une plus petite mesure; mais, par un hasard encore plus ��trange, ces petits vers se trouvaient former un sens qui contenait les injures les plus horribles contre le roi; on y lisait:
Par les plus grands forfaits Sur le tr?ne affermi, Dans la publique paix C'est le seul ennemi.
L'Envieux fut heureux pour la premi��re fois de sa vie. Il avait entre les mains de quoi perdre un homme vertueux et aimable. Plein de cette cruelle joie, il fit parvenir jusqu'au roi cette satire ��crite de la main de Zadig: on le fit mettre en prison, lui, ses deux
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