Zadig | Page 6

Voltaire
chien. Des sillons l��gers et longs, imprim��s sur de petites ��minences de sable entre les traces des pattes, m'ont fait conna?tre que c'��tait une chienne dont les mamelles ��taient pendantes, et qu'ainsi elle avait fait des petits il y a peu de jours. D'autres traces en un sens diff��rent, qui paraissaient toujours avoir ras�� la surface du sable �� c?t�� des pattes de devant, m'ont appris qu'elle avait les oreilles tr��s longues; et comme j'ai remarqu�� que le sable ��tait toujours moins creus�� par une patte que par les trois autres, j'ai compris que la chienne de notre auguste reine ��tait un peu boiteuse, si je l'ose dire.
?A l'��gard du cheval du roi des rois, vous saurez que, me promenant dans les routes de ce bois, j'ai aper?u les marques des fers d'un cheval; elles ��taient toutes �� ��gales distances. Voil��, ai-je dit, un cheval qui a un galop parfait. La poussi��re des arbres, dans une route ��troite qui n'a que sept pieds de large, ��tait un peu enlev��e �� droite et �� gauche, �� trois pieds et demi du milieu de la route. Ce cheval, ai-je dit, a une queue de trois pieds et demi, qui, par ses mouvements de droite et de gauche, a balay�� cette poussi��re. J'ai vu sous les arbres qui formaient un berceau de cinq pieds de haut, les feuilles des branches nouvellement tomb��es; et j'ai connu que ce cheval y avait touch��, et qu'ainsi il avait cinq pieds de haut. Quant �� son mors, il doit ��tre d'or �� vingt-trois carats; car il en a frott�� les bossettes contre une pierre que j'ai reconnue ��tre une pierre de touche, et dont j'ai fait l'essai. J'ai jug�� enfin par les marques que ses fers ont laiss��es sur des cailloux, d'une autre esp��ce, qu'il ��tait ferr�� d'argent �� onze deniers de fin.?
Tous les juges admir��rent le profond et subtil discernement de Zadig; la nouvelle en vint jusqu'au roi et �� la reine. On ne parlait que de Zadig dans les antichambres, dans la chambre, et dans le cabinet; et quoique plusieurs mages opinassent qu'on devait le br?ler comme sorcier, le roi ordonna qu'on lui rend?t l'amende des quatre cents onces d'or �� laquelle il avait ��t�� condamn��. Le greffier, les huissiers, les procureurs, vinrent chez lui en grand appareil lui rapporter ses quatre cents onces; ils en retinrent seulement trois cent quatre-vingt-dix-huit pour les frais de justice, et leurs valets demand��rent des honoraires.
Zadig vit combien il ��tait dangereux quelquefois d'��tre trop savant, et se promit bien, �� la premi��re occasion, de ne point dire ce qu'il avait vu.
Cette occasion se trouva bient?t. Un prisonnier d'��tat s'��chappa; il passa sous les fen��tres de sa maison. On interrogea Zadig, il ne r��pondit rien; mais on lui prouva qu'il avait regard�� par la fen��tre. Il fut condamn�� pour ce crime �� cinq cents onces d'or, et il remercia ses juges de leur indulgence, selon la coutume de Babylone.
Grand Dieu! dit-il en lui-m��me, qu'on est �� plaindre quand on se prom��ne dans un bois o�� la chienne de la reine et le cheval du roi ont pass��! qu'il est dangereux de se mettre �� la fen��tre! et qu'il est difficile d'��tre heureux dans cette vie!

CHAPITRE IV.
L'envieux.
Zadig voulut se consoler, par la philosophie et par l'amiti��, des maux que lui avait faits la fortune. Il avait, dans un faubourg de Babylone, une maison orn��e avec go?t, o�� il rassemblait tous les arts et tous les plaisirs dignes d'un honn��te homme. Le matin sa biblioth��que ��tait ouverte �� tous les savants; le soir, sa table l'��tait �� la bonne compagnie; mais il connut bient?t combien les savants sont dangereux; il s'��leva une grande dispute sur une loi de Zoroastre, qui d��fendait de manger du griffon. Comment d��fendre le griffon, disaient les uns, si cet animal n'existe pas? Il faut bien qu'il existe, disaient les autres, puisque Zoroastre ne veut pas qu'on en mange. Zadig voulut les accorder, en leur disant, S'il y a des griffons, n'en mangeons point; s'il n'y en a point, nous en mangerons encore moins; et par l�� nous ob��irons tous �� Zoroastre.
Un savant qui avait compos�� treize volumes sur les propri��t��s du griffon, et qui de plus ��tait grand th��urgite, se hata d'aller accuser Zadig devant un archimage nomm�� Y��bor[1], le plus sot des Chald��ens, et partant le plus fanatique. Cet homme aurait fait empaler Zadig pour la plus grande gloire du soleil, et en aurait r��cit�� le br��viaire de Zoroastre d'un ton plus satisfait. L'ami Cador (un ami vaut mieux que cent pr��tres) alla trouver le vieux Y��bor, et lui dit:
Vivent le soleil et les griffons! gardez-vous bien de punir Zadig: c'est un saint; il a des griffons dans sa basse-cour, et il n'en mange point; et son accusateur est un h��r��tique qui ose soutenir que les
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 37
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.