aucune poule à lait.
LARIGOT, _na?vement_.--Rien qu'un demi-verre suffirait, cependant. Sur cent poules, on en trouvera bien quelques-unes de laitières, je pense!
Et les deux hommes se mirent en quête de _poules à lait_. Ils étaient allés dans quelques maisons sans rien trouver quand Philéas, se frappant le front, s'écria en se pin?ant les lèvres:
--Que nous sommes bêtes! allons nous informer près de M. de Marsy. Il conna?t ces choses-là; il nous renseignera tout de suite.
--C'est ?a, dit Larigot enchanté; c'est une bonne idée. Allons lui demander des renseignements.
La surprise et les rires de M. de Marsy et de sa famille montrèrent au pauvre Larigot son erreur grotesque.
M. de Marsy lui expliqua alors ce qu'était un lait de poule et Larigot, très vexé de sa bêtise, retourna fabriquer la fameuse boisson, tandis que le malin Philéas, se frottant les mains, allait raconter à son ami Canonet l'erreur de Larigot et ses recherches ridicules.
[Illustration 06.png]
Enfin les deux chantres se déclarèrent prêts et, montant chacun sur un tonneau, se placèrent l'un en face de l'autre.
Entre eux était Saindoux qui, chargé de diriger la lutte, se tenait debout d'un air fier et majestueux.
PHILéAS.--Mesdames et Messieurs, nous voilà tous ici pour juger ces deux talents; ils désirent savoir lequel chante le mieux. écoutez bien et pensez qu'il ne faut rien décider précipitamment. Canonet, commencez; donnez-nous un échantillon de votre belle voix!
Un silence profond s'établit et Canonet entonna un psaume avec des variations composées par lui. Sa voix formidable retentissait avec l'éclat du tonnerre.
Le public extasié applaudit avec frénésie.
Canonet salua et regarda son ennemi d'un air triomphant.
Mais Rossignol commen?a à son tour un motet à roulades et fit de tels prodiges dans un autre genre, grace à des sons aigus, suraigus, à des roulades prodigieuses, et à des trilles de toutes sortes, que l'enthousiasme fut porté à son comble. Rossignol rassuré contempla d'un air de pitié la terrible basse.
Canonet était jaloux et furieux; aussi, au signal de Philéas, sa voix partit-elle comme un ouragan décha?né. Il hurla un Magnificat de sa composition avec un luxe de poumons tel que les vitres des maisons en tremblaient.
Rossignol répondit au Magnificat par un cantique où il épuisa tous les trésors de sa vocalise; il lan?a des sons tellement aigus, que Canonet, hors de lui en voyant le triomphe lui échapper de nouveau, entonna pour couvrir la voix de son adversaire un O Filii et Filiae...
La scène devint alors impossible à décrire. Canonet mugissait; Rossignol glapissait; leurs amis communs se disaient des sottises et se battaient pour leur champion. La foule criait, en applaudissant à tout hasard!...
Tout à coup, on entendit Rossignol faire un formidable _couic_, puis s'arrêter tout court en gesticulant...
Canonet étonné se tut et tout le monde contempla avec stupéfaction le ténor furieux qui, la bouche grande ouverte, faisait des grimaces abominables et tirait la langue, sans pouvoir ni chanter, ni parler.
PHILéAS, _effaré_.--Qu'est-ce que tu as, Rossignol? tu es effrayant à voir, mon pauvre gar?on!
ROSSIGNOL, _désolé_.--Couic!... couic!... coui... i... ik!!
--Là! j'étais bien s?r qu'il arriverait quelqu'accident, s'écria le docteur Boutié, en sortant de la foule et courant à Rossignol; vous vous êtes brisé le larynx, imprudent, avec vos folies de chant forcé!
ROSSIGNOL, _effrayé_.--Couic! couic!... i... ik!...
LE DOCTEUR.--Venez, je vais vous donner un traitement à suivre, car votre état est facheux et réclame des soins immédiats.
ROSSIGNOL, tristement.--Couic!...
Et le docteur emmena Rossignol, consterné et repentant.
Canonet, qui avait bon coeur, était atterré de la fin malheureuse de la lutte; son chagrin réuni aux oeufs crus lui tourna le coeur...
--Le malheureux! disait ensuite Philéas désolé. Il n'a rien voulu garder!
Chacun retourna chez soi en causant de cette scène émouvante; on plaignait le pauvre Rossignol; on louait la voix mugissante de Canonet.
Les enfants et leurs parents revinrent à Vély; tout en s'apitoyant sur la voix cassée du ténor, on ne pouvait s'empêcher de rire de la figure qu'il avait faite.
CHAPITRE II
LA CORRESPONDANCE DE PHILéAS
Mme de Marsy, son mari, ses enfants et M. Noa, précepteur, étaient établis un jour au bosquet, quand le facteur arriva. Mme de Marsy se mit à lire la _Mode illustrée_, charmant et utile journal dirigé par une femme du premier mérite. Jeanne s'empara de sa ?Gazette de la poupée?; Paul, de son journal ?Polichinel? et Fran?oise du ?Thé dans le monde des chats?.
Pendant ce temps, M. de Marsy lisait attentivement une longue liste qui lui était arrivée sous enveloppe: il paraissait étonné et poussa enfin une exclamation de surprise qui fit lever les têtes des lecteurs.
Mme DE MARSY.--Qu'est-ce que c'est, mon ami? qu'y a-t-il de nouveau?
PAUL, riant.--Il doit y avoir du Philéas, là-dessous.
M. DE MARSY.--Je crois que tu dis vrai, Paul; je vais lui faire dire de venir voir cette nouvelle et singulière liste que l'on m'adresse encore, je ne sais pourquoi.
Mme DE MARSY.--Pouvons-nous savoir ce qu'elle renferme?
M. DE MARSY.--Sans doute, car elle ne contient aucune lettre confidentielle, mais simplement
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