on ne conno?t bien l��embarras que lorsqu��on l����prouve soi-m��me. Apr��s tout, comme j��ai remarqu�� que tout bien consid��r��, ces messieurs prennent to?jours le parti d��avouer de bonne grace, j��avoue donc aussi qu���� peine j��eus fait cent pas dans ce profond souterrain, en suivant to?jours le rocher qui servoit de mur, que saisi d��horreur de me voir dans un lieu si affreux sans s?avoir par quelle issu? j��en pourrois sortir, je me laissai tomber de foiblesse, et presque sans connoissance. Il m��en resta cependant assez pour me souvenir que dans une situation �� peu pr��s semblable, le c��lebre Cleveland avoit eu l��esprit de s��endormir; et trouvant l��exp��dient assez bon, je ne balan?ai pas �� l��imiter. Mais apr��s un tel aveu, il est bien juste que je me d��dommage par quelque trait qui fasse honneur �� mon courage. Je me relevai donc bien-t?t apr��s, et consid��rant qu��il falloit me r��soudre �� p��rir dans ces profondes t��nebres des entrailles de la terre, ou trouver le moyen d��en sortir, je r��solus de continuer ma route jusqu��o�� elle me pourroit conduire. Qu��on se repr��sente un homme marchant sans lumiere dans un boyau ��troit de la terre �� deux lieu?s peut-��tre de profondeur, oblig�� souvent de ramper, de se replier, de se glisser comme un serpent dans des passages serr��s, sans pouvoir avancer qu��en tatant de la main, et qu��en sondant du pied le terrain.
Telle ��toit ma situation, et on aura sans doute de la peine �� en imaginer une plus affreuse. Le souvenir de cette avanture me fait encore tant d��horreur, que j��en abr��ge le r��cit. Mais ce que je ne puis m��emp��cher de dire, c��est que je n��ai jamais mieux reconnu qu��alors la v��rit�� de ce que j��ai v? dans tous les romans, qu��on n��est jamais plus pr��s d��obtenir le bien qu��on d��sire, qu��au moment que l��on en paro?t le plus ��loign��: car voici ce qui m��arriva. Apr��s avoir march�� long-tems de la fa?on que je viens de raconter, je crus que je commen?ois �� appercevoir quelque foible lumiere. J��eus peine d��abord �� me le persuader, et je l��attribuai �� un effet de mon imagination inqui��te et troubl��e. Cependant j��apper?us bien-t?t que cette lumiere augmentoit sensiblement, et je n��en p?s plus douter, lorsque je vis que je commen?ois �� distinguer les objets. ? quelle joye je ressentis dans ce moment! Tout mon corps en tressaillit, et je ne connois point de termes capables de l��exprimer. Je ne comprends pas encore comment ce passage subit d��une extr��me tristesse �� un si grand exc��s de joye, ne me causa pas une r��volution dangereuse. Quoiqu��il en soit, voyant que le jour augmentoit to?jours, et jugeant que la sortie que je cherchois ne devoit pas ��tre ��loign��e, je doublai le pas, ou pl?t?t je courus avec empressement pour y arriver. Je la trouvai en effet, et je vis... le dirai-je? O��i, je vis les choses les plus ��tonnantes, les plus admirables, les plus charmantes qu��on puisse voir. Je vis en un mot le pays des romans. C��est ce que je vais raconter dans le chapitre suivant.
CHAPITRE 2
Entr��e du Prince Fan-F��r��din dans la romancie. Description et histoire naturelle du pays.
La pl?part des voyageurs aiment �� vanter la beaut�� des pays qu��ils ont parcourus, et comme la simple v��rit�� ne leur fourniroit pas assez de merveilleux, ils sont oblig��s d��avoir recours �� la fiction. Pour moi loin de vouloir exagg��rer, je voudrois aucontraire pouvoir dissimuler une partie des merveilles que j��ai vu?s, dans la crainte o�� je suis qu��on ne se d��fie de la sinc��rit�� de ma relation. Mais faisant r��flexion qu��il n��est pas permis de supprimer la v��rit�� pour ��viter le soup?on de mensonge, je prends g��n��reusement le parti qui convient �� tout historien sincere, qui est de raconter les faits dans la plus exacte v��rit��, sans aucun int��r��t de parti, sans exagg��ration, et sans d��guisement. Je pr��vois que les esprits forts s��obstineront dans leur incr��dulit��; mais leur incr��dulit�� m��me leur tiendra lieu de punition, tandis que les esprits raisonnables auront la satisfaction d��apprendre mille choses curieuses qu��ils ignoroient. Je reprends donc la suite de mon r��cit.
A peine fus-je arriv�� �� la sortie du chemin souterrain, que jettant les yeux sur la vaste campagne qui s��offroit �� mes regards, je fus frapp�� d��un ��tonnement que je ne puis mieux comparer qu���� l��admiration o�� seroit un aveugle n�� qui ouvriroit les yeux pour la premiere fois: cette comparaison est d��autant plus juste, que tous les objets me parurent nouveaux, et tels que je n��avois rien v? de semblable. C����toient �� la v��rit�� des bois, des rivieres, des fontaines; je distinguois des prairies, des collines, des vergers; mais toutes ces choses sont si diff��rentes de tout ce que dans ce pays-ci nous appellons du m��me nom, qu��on peut dire avec v��rit�� que nous n��en avons que le nom et l��ombre. La
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