et les gentilshommes, la cour
ne l’entend pas; mais Mazarin avait eu l’imprudence de s’attaquer aux
magistrats! il avait vendu douze brevets de maître des requêtes, et,
comme les officiers payaient leurs charges fort cher, et que l’adjonction
de ces douze nouveaux confrères devait en faire baisser le prix, les
anciens s’étaient réunis, avaient juré sur les Évangiles de ne point
souffrir cette augmentation et de résister à toutes les persécutions de la
cour, se promettant les uns aux autres qu’au cas où l’un d’eux, par cette
rébellion, perdrait sa charge, ils se cotiseraient pour lui en rembourser
le prix.
Or, voici ce qui était arrivé de ces deux côtés:
Le 7 de janvier, sept à huit cents marchands de Paris s’étaient
assemblés et mutinés à propos d’une nouvelle taxe qu’on voulait
imposer aux propriétaires de maisons, et ils avaient député dix d’entre
eux pour parler au duc d’Orléans, qui, selon sa vieille habitude, faisait
de la popularité. Le duc d’Orléans les avait reçus, et ils lui avaient
déclaré qu’ils étaient décidés à ne point payer cette nouvelle taxe,
dussent-ils se défendre à main armée contre les gens du roi qui
viendraient pour la percevoir. Le duc d’Orléans les avait écoutés avec
une grande complaisance, leur avait fait espérer quelque modération,
leur avait promis d’en parler à la reine et les avait congédiés avec le
mot ordinaire des princes: «On verra.»
De leur côté, le 9, les maîtres des requêtes étaient venus trouver le
cardinal, et l’un d’eux, qui portait la parole pour tous les autres, lui
avait parlé avec tant de fermeté et de hardiesse, que le cardinal en avait
été tout étonné; aussi les avait-il renvoyés en disant comme le duc
d’Orléans, que l’on verrait.
Alors, pour voir, on avait assemblé le conseil et l’on avait envoyé
chercher le surintendant des finances d’Emery.
Ce d’Emery était fort détesté du peuple, d’abord parce qu’il était
surintendant des finances, et que tout surintendant des finances doit être
détesté; ensuite, il faut le dire, parce qu’il méritait quelque peu de
l’être.
C’était le fils d’un banquier de Lyon qui s’appelait Particelli, et qui,
ayant changé de nom à la suite de sa banqueroute, se faisait appeler
d’Emery. Le cardinal de Richelieu, qui avait reconnu en lui un grand
mérite financier, l’avait présenté au roi Louis XIII sous le nom de M.
d’Emery, et voulant le faire nommer intendant des finances, il lui en
disait grand bien.
-- À merveille! avait répondu le roi, et je suis aise que vous me parliez
de M. d’Emery pour cette place qui veut un honnête homme. On
m’avait dit que vous poussiez ce coquin de Particelli, et j’avais peur
que vous ne me forçassiez à le prendre.
-- Sire! répondit le cardinal, que Votre Majesté se rassure, le Particelli
dont elle parle a été pendu.
-- Ah! tant mieux! s’écria le roi, ce n’est donc pas pour rien que l’on
m’a appelé Louis Le Juste.
Et il signa la nomination de M. d’Emery.
C’était ce même d’Emery qui était devenu surintendant des finances.
On l’avait envoyé chercher de la part du ministre, et il était accouru
tout pâle et tout effaré, disant que son fils avait manqué d’être assassiné
le jour même sur la place du Palais: la foule l’avait rencontré et lui
avait reproché le luxe de sa femme, qui avait un appartement tendu de
velours rouge avec des crépines d’or. C’était la fille de Nicolas Le
Camus, secrétaire en 1617, lequel était venu à Paris avec vingt livres et
qui, tout en se réservant quarante mille livres de rente, venait de
partager neuf millions entre ses enfants.
Le fils d’Emery avait manqué d’être étouffé, un des émeutiers ayant
proposé de le presser jusqu’à ce qu’il eût rendu l’or qu’il dévorait. Le
conseil n’avait rien décidé ce jour-là, le surintendant étant trop occupé
de cet événement pour avoir la tête bien libre.
Le lendemain, le premier président Mathieu Molé, dont le courage dans
toutes ces affaires, dit le cardinal de Retz, égala celui de M. le duc de
Beaufort et celui de M. le prince de Condé, c’est-à- dire des deux
hommes qui passaient pour les plus braves de France; le lendemain, le
premier président, disons-nous, avait été attaqué à son tour; le peuple le
menaçait de se prendre à lui des maux qu’on lui voulait faire; mais le
premier président avait répondu avec son calme habituel, sans
s’émouvoir et sans s’étonner, que si les perturbateurs n’obéissaient pas
aux volontés du roi, il allait faire dresser des potences dans les places
pour faire pendre à l’instant même les plus mutins d’entre eux. Ce à
quoi ceux-ci avaient répondu qu’ils ne demandaient pas mieux que de
voir dresser des potences, et qu’elles serviraient à pendre les mauvais
juges qui achetaient la faveur de la cour au prix
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