était au plus haut degré de son activité, et il lui
survécut au moins dix années. Quel dommage que les hasards de la vie
ne l'aient pas conduit en Galilée! Que ne nous eût-il pas appris!
Josèphe, écrivant surtout pour les païens, n'a pas dans son style la
même sincérité. Ses courtes notices sur Jésus, sur Jean-Baptiste, sur
Juda le Gaulonite, sont sèches et sans couleur. On sent qu'il cherche à
présenter ces mouvements si profondément juifs de caractère et d'esprit
sous une forme qui soit intelligible aux Grecs et aux Romains. Je crois
le passage sur Jésus[9] authentique. Il est parfaitement dans le goût de
Josèphe, et si cet historien a fait mention de Jésus, c'est bien comme
cela qu'il a dû en parler. On sent seulement qu'une main chrétienne a
retouché le morceau, y a ajouté quelques mots sans lesquels il eût été
presque blasphématoire[10], a peut-être retranché ou modifié quelques
expressions[11]. Il faut se rappeler que la fortune littéraire de Josèphe
se fit par les chrétiens, lesquels adoptèrent ses écrits comme des
documents essentiels de leur histoire sacrée. Il s'en fit, probablement au
IIe siècle, une édition corrigée selon les idées chrétiennes[12]. En tout
cas, ce qui constitue l'immense intérêt de Josèphe pour le sujet qui nous
occupe, ce sont les vives lumières qu'il jette sur le temps. Grâce à lui,
Hérode, Hérodiade, Antipas, Philippe, Anne, Caïphe, Pilate sont des
personnages que nous touchons du doigt et que nous voyons vivre
devant nous avec une frappante réalité.
Les Apocryphes de l'Ancien Testament, surtout la partie juive des vers
sibyllins et le Livre d'Hénoch, joints au Livre de Daniel, qui est, lui
aussi, un véritable apocryphe, ont une importance capitale pour
l'histoire du développement des théories messianiques et pour
l'intelligence des conceptions de Jésus sur le royaume de Dieu. Le
Livre d'Hénoch, en particulier, lequel était fort lu dans l'entourage de
Jésus[13], nous donne la clef de l'expression de «Fils de l'homme» et
des idées qui s'y rattachaient. L'âge de ces différents livres, grâce aux
travaux de MM. Alexandre, Ewald, Dillmann, Reuss, est maintenant
hors de doute. Tout le monde est d'accord pour placer la rédaction des
plus importants d'entre eux au IIe et au Ier siècle avant Jésus-Christ. La
date du Livre de Daniel est plus certaine encore. Le caractère des deux
langues dans lesquelles il est écrit; l'usage de mots grecs; l'annonce
claire, déterminée, datée, d'événements qui vont jusqu'au temps
d'Antiochus Épiphane; les fausses images qui y sont tracées de la
vieille Babylonie; la couleur générale du livre, qui ne rappelle en rien
les écrits de la captivité, qui répond au contraire par une foule
d'analogies aux croyances, aux moeurs, au tour d'imagination de
l'époque des Séleucides; le tour apocalyptique des visions; la place du
livre dans le canon hébreu hors de la série des prophètes; l'omission de
Daniel dans les panégyriques du chapitre XLIX de l'_Ecclésiastique_,
où son rang était comme indiqué; bien d'autres preuves qui ont été cent
fois déduites, ne permettent pas de douter que le Livre de Daniel ne soit
le fruit de la grande exaltation produite chez les Juifs par la persécution
d'Antiochus. Ce n'est pas dans la vieille littérature prophétique qu'il faut
classer ce livre, mais bien en tête de la littérature apocalyptique, comme
premier modèle d'un genre de composition où devaient prendre place
après lui les divers poèmes sibyllins, le Livre d'Hénoch, l'Apocalypse
de Jean, l'Ascension d'Isaïe, le quatrième livre d'Esdras.
Dans l'histoire des origines chrétiennes, on a jusqu'ici beaucoup trop
négligé le Talmud. Je pense, avec M. Geiger, que la vraie notion des
circonstances où se produisit Jésus doit être cherchée dans cette
compilation bizarre, où tant de précieux renseignements sont mêlés à la
plus insignifiante scolastique. La théologie chrétienne et la théologie
juive ayant suivi au fond deux marches parallèles, l'histoire de l'une ne
peut bien être comprise sans l'histoire de l'autre. D'innombrables détails
matériels des évangiles trouvent, d'ailleurs, leur commentaire dans le
Talmud. Les vastes recueils latins de Lightfoot, de Schoettgen, de
Buxtorf, d'Otho, contenaient déjà à cet égard une foule de
renseignements. Je me suis imposé de vérifier dans l'original toutes les
citations que j'ai admises, sans en excepter une seule. La collaboration
que m'a prêtée pour cette partie de mon travail un savant israélite, M.
Neubauer, très-versé dans la littérature talmudique, m'a permis d'aller
plus loin et d'éclaircir les parties les plus délicates de mon sujet par
quelques nouveaux rapprochements. La distinction des époques est ici
fort importante, la rédaction du Talmud s'étendant de l'an 200 à l'an 500
à peu près. Nous y avons porté autant de discernement qu'il est possible
dans l'état actuel de ces études. Des dates si récentes exciteront
quelques craintes chez les personnes habituées à n'accorder de valeur à
un document que pour l'époque même où il a été écrit. Mais
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