rappel�� aupr��s d'eux. Il y ��tait depuis un mois, et d��j�� son teint avait repris le ton vigoureux de la sant��, mais son coeur ��tait plus agit�� que jamais. La po��sie des champs, �� laquelle il ��tait si sensible, portait jusqu'au d��lire l'ardeur de ces besoins ignor��s qui le rongeaient. Sa vie de famille, si bienfaisante et si douce dans les premiers jours, chaque fois qu'il venait en faire l'essai, lui ��tait devenue d��j�� plus fastidieuse que de coutume. Il ne se sentait aucun go?t pour Ath��na?s. Elle ��tait trop au-dessous des chim��res de sa pens��e, et l'id��e de se fixer au sein de ces habitudes extravagantes ou triviales dont sa famille offrait le contraste et l'assemblage lui ��tait odieuse. Son coeur s'ouvrait bien �� la tendresse et �� la reconnaissance; mais ces sentiments ��taient pour lui la source de combats et de remords perp��tuels. Il ne pouvait se d��fendre d'une ironie int��rieure, implacable et cruelle, �� la vue de toutes ces petitesses qui l'entouraient, de ce m��lange de parcimonie et de prodigalit�� qui rendent si ridicules les moeurs des parvenus. M. et Mme Lh��ry, �� la fois paternels et despotiques, donnaient le dimanche d'excellent vin �� leurs laboureurs; dans la semaine ils leur reprochaient le filet de vinaigre qu'ils mettaient dans leur eau. Ils accordaient avec empressement �� leur fille un superbe piano, une toilette en bois de citronnier, des livres richement reli��s; ils la grondaient pour un fagot de trop qu'elle faisait jeter dans l'atre. Chez eux, ils se faisaient petits et pauvres pour inspirer �� leurs serviteurs le z��le et l'��conomie; au dehors, ils s'enflaient avec orgueil, et eussent regard�� comme une insulte le moindre doute sur leur opulence. Eux, si bons, si charitables, si faciles �� gagner, ils avaient r��ussi, �� force de sottise, �� se faire d��tester de tous leurs voisins, encore plus sots et plus vains qu'eux.
Voila les d��fauts que B��n��dict ne pouvait endurer. La jeunesse est apre et intol��rante pour la vieillesse, bien plus que celle-ci ne l'est envers elle. Cependant, au milieu de son d��couragement, des mouvements vagues et confus ��taient venus jeter quelques ��clairs d'espoir sur sa vie. Louise, madame ou mademoiselle Louise (on l'appelait ��galement de ces deux noms), ��tait venue s'installer �� Grangeneuve depuis environ trois semaines. D'abord, la diff��rence de leurs ages avait rendu cette liaison calme et impr��voyante; quelques pr��ventions de B��n��dict, d��favorables �� Louise qu'il voyait pour la premi��re fois depuis douze ans, s'��taient effac��es dans le charme pur et attachant de son commerce. Leurs go?ts, leur instruction, leurs sympathies, les avaient rapidement rapproch��s, et Louise, �� la faveur de son age, de ses malheurs et de ses vertus, avait pris un ascendant complet sur l'esprit de son jeune ami. Mais les douceurs de cette intimit�� furent de courte dur��e. B��n��dict, toujours prompt �� d��passer le but, toujours avide de diviniser ses admirations et d'empoisonner ses joies par leur exc��s, s'imagina qu'il ��tait amoureux de Louise, qu'elle ��tait la femme selon son coeur, et qu'il ne pourrait plus vivre l�� o�� elle ne serait pas. Ce fut l'erreur d'un jour. La froideur avec laquelle Louise accueillit ses aveux timides lui inspira plus de d��pit que de douleur. Dans son ressentiment, il l'accusa int��rieurement d'orgueil et de s��cheresse. Puis il se sentit d��sarm�� par le souvenir des malheurs de Louise, et s'avoua qu'elle ��tait digne de respect autant que de piti��. Deux ou trois fois encore il sentit se ranimer aupr��s d'elle ces imp��tueuses aspirations d'une ame trop passionn��e pour l'amiti��; mais Louise sut le calmer. Elle n'y employa point la raison qui s'��gare en transigeant; son exp��rience lui apprit �� se m��fier de la compassion; elle ne lui en t��moigna aucune, et quoique la duret�� f?t loin de son ame, elle la fit servir �� la gu��rison de ce jeune homme. L'��motion que B��n��dict avait t��moign��e le matin, durant leur entretien, avait ��t�� comme sa derni��re tentative de r��volte. Maintenant il se repentait de sa folie, et, enfonc�� dans ses r��flexions, il sentait �� son inqui��tude toujours croissante, que le moment n'��tait pas venu pour lui d'aimer exclusivement quelque chose ou quelqu'un.
Madame Lh��ry rompit le silence par une remarque frivole:
--Tu vas tacher tes gants avec ces fleurs, dit-elle �� sa fille. Rappelle-toi donc que madame disait l'autre jour devant toi: ?On reconna?t toujours une personne du commun en province �� ses pieds et �� ses mains.? Elle ne faisait pas attention, la ch��re dame, que nous pouvions prendre cela pour nous, au moins!
--Je crois bien, au contraire, qu'elle le disait expr��s pour nous. Ma pauvre maman, tu connais bien peu madame de Raimbault, si tu penses qu'elle regretterait de nous avoir fait un affront.
--Un affront! reprit madame Lh��ry avec aigreur. Elle aurait voulu nous _faire affront!_ Je voudrais bien voir cela! Ah! bien oui! Est-ce que

Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.