d'ex��cuter rien d'utile et de solide; et, s'ils ne lui t��moignaient pas le peu de cas qu'ils faisaient de lui, c'est qu'ils ��taient forc��s de lui accorder une v��ritable bravoure physique et une grande fermet�� de ressentiments. En revanche, la famille Lh��ry, simple et bienveillante qu'elle ��tait, n'h��sitait pas �� l'��lever au premier rang pour l'esprit et le savoir. Aveugles pour ses d��fauts, ces braves gens ne voyaient dans leur neveu qu'un jeune homme trop riche d'imagination et de connaissances pour go?ter le repos de l'esprit. Cependant B��n��dict, �� vingt-deux ans, n'avait point acquis ce qu'on appelle une instruction positive. �� Paris, tour �� tour poss��d�� de l'amour des arts et des sciences, il ne s'��tait enrichi d'aucune sp��cialit��. Il avait travaill�� beaucoup; mais il s'��tait arr��t�� lorsque la pratique devenait n��cessaire. Il avait senti le d��go?t au moment o�� les autres recueillent le fruit de leurs peines. Pour lui, l'amour de l'��tude finissait l�� o�� la n��cessit�� du m��tier commen?ait. Les tr��sors de l'art et de la science une fois conquis, il ne s'��tait plus senti la constance ��go?ste d'en faire l'application �� ses int��r��ts propres; et, comme il ne savait pas ��tre utile �� lui-m��me, chacun disait en le voyant inoccup��: ?�� quoi est-il bon??
De tout temps sa cousine lui avait ��t�� destin��e en mariage; c'��tait la meilleure r��ponse qu'on p?t faire aux envieux qui accusaient les Lh��ry d'avoir laiss�� corrompre leur coeur autant que leur esprit par les richesses. Il est bien vrai que leur bon sens, ce bon sens des paysans, ordinairement si s?r et si droit, avait re?u une rude atteinte au sein de la prosp��rit��. Ils avaient cess�� d'estimer les vertus simples et modestes, et, apr��s de vains efforts pour les d��truire en eux-m��mes, ils avaient tout fait pour en ��touffer le germe chez leurs enfants; mais ils n'avaient pas cess�� de les ch��rir presque ��galement, et en travaillant �� leur perte ils avaient cru travailler �� leur bonheur.
Cette ��ducation avait assez bien fructifi�� pour le malheur de l'un et de l'autre. Ath��na?s, comme une cire molle et flexible, avait pris dans un pensionnat d'Orl��ans tous les d��fauts des jeunes provinciales: la vanit��, l'ambition, l'envie, la petitesse. Cependant la bont�� du coeur ��tait en elle comme un h��ritage sacr�� transmis par sa m��re, et les influences du dehors n'avaient pu l'��touffer. Il y avait donc beaucoup �� esp��rer pour elle des le?ons de l'exp��rience et de l'avenir.
Le mal ��tait plus grand chez B��n��dict. Au lieu d'engourdir les sentiments g��n��reux, l'��ducation les avait d��velopp��s outre mesure, et les avait chang��s en irritation douloureuse et f��brile. Ce caract��re ardent, cette ame impressionnable, auraient eu besoin d'un ordre d'id��es calmantes, de principes r��pressifs. Peut-��tre m��me que le travail des champs, la fatigue du corps, eussent avantageusement employ�� l'exc��s de force qui fermentait dans cette organisation ��nergique. Les lumi��res de la civilisation, qui ont d��velopp�� tant de qualit��s pr��cieuses, en ont vici�� peut-��tre autant. C'est un malheur des g��n��rations plac��es entre celles qui ne savent rien et celles qui sauront assez: elles savent trop.
Lh��ry et sa femme ne pouvaient comprendre le malheur de cette situation. Ils se refusaient �� le pressentir, et, n'imaginant pas d'autres f��licit��s que celles qu'ils pouvaient dispenser, ils se vantaient na?vement d'avoir la puissance consolatrice des ennuis de B��n��dict: c'��tait, selon eux, une bonne ferme, une jolie fermi��re, et une dot de deux cent mille francs comptants pour entrer en m��nage. Mais B��n��dict ��tait insensible �� ces flatteries de leur affection. L'argent excitait en lui ce m��pris profond, enthousiaste exag��ration d'une jeunesse souvent trop prompte �� changer de principes et �� plier un genou converti devant le dieu de l'univers. B��n��dict se sentait d��vor�� d'une ambition secr��te; mais ce n'��tait pas celle-l��: c'��tait celle de son age, celle des choses qui flattent l'amour-propre d'une mani��re plus noble.
Le but particulier de cette attente vague et p��nible, il l'ignorait encore. Il avait cru deux ou trois fois la reconna?tre aux vives fantaisies qui s'��taient empar��es de son imagination. Ces fantaisies s'��taient ��vanouies sans lui avoir apport�� de jouissances durables. Maintenant il la sentait toujours comme un mal ennemi renferm�� dans son sein, et jamais elle ne l'avait tortur�� si cruellement qu'alors qu'il savait moins �� quoi la faire servir. L'ennui, ce mal horrible qui s'est attach�� �� la g��n��ration pr��sente plus qu'�� toute autre ��poque de l'histoire sociale, avait envahi la destin��e de B��n��dict dans sa fleur; il s'��tendait comme un nuage noir sur tout son avenir. Il avait d��j�� fl��tri la plus pr��cieuse facult�� de son age, l'esp��rance.
�� Paris, la solitude l'avait rebut��. Toute pr��f��rable �� la soci��t�� qu'elle lui semblait, il l'avait trouv��e, au fond de sa petite chambre d'��tudiant, trop solennelle, trop dangereuse pour des facult��s aussi actives que l'��taient les siennes. Sa sant�� en avait souffert, et ses bons parents effray��s l'avaient
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