Valentine | Page 3

George Sand
une belle fille de seize ans, debout devant le cadre dor�� et d��coup�� d'une vieille glace qui semblait se pencher vers elle pour l'admirer, mettait la derni��re main �� une toilette plus riche qu'��l��gante. Mais Ath��na?s, l'h��riti��re unique du bon fermier, ��tait si jeune, si rose, si r��jouissante �� voir, qu'elle semblait encore gracieuse et naturelle dans ses atours d'emprunt. Tandis qu'elle arrangeait les plis de sa robe de tulle, madame sa m��re, accroupie devant la porte, et les manches retrouss��es jusqu'au coude, pr��parait, dans un grand chaudron, je ne sais quelle mixture d'eau et de son, autour de laquelle une demi-brigade de canards se tenait en bon ordre dans une attentive extase. Un rayon de soleil vif et joyeux entrait par cette porte ouverte, et venait tomber sur la jeune fille par��e, vermeille et mignonne, si diff��rente de sa m��re, repl��te, hal��e, v��tue de bure.
�� l'autre bout de la chambre, un jeune homme habill�� de noir, assis n��gligemment sur un canap��, contemplait Ath��na?s en silence. Mais son visage n'exprimait pas cette joie expansive, enfantine, que trahissaient tous les mouvements de la jeune fille. Parfois m��me une l��g��re expression d'ironie et de piti�� semblait animer sa bouche grande, mince et mobile.
M. Lh��ry, ou plut?t le p��re Lh��ry, comme l'appelaient encore par habitude les paysans dont il avait ��t�� longtemps l'��gal et le compagnon, chauffait paisiblement ses tibias chauss��s de bas blancs, au feu de javelles qui br?lait en toutes saisons dans la chemin��e, selon l'usage des campagnes. C'��tait un brave homme encore vert, qui portait des culottes ray��es, un grand gilet �� fleurs, une veste longue et une queue. La queue est un vestige pr��cieux des temps pass��s, qui s'efface chaque jour de plus en plus du sol de la France. Le Berri ayant moins souffert que toute autre province des envahissements de la civilisation, cette coiffure y r��gne encore sur quelques habitu��s fid��les, dans la classe des cultivateurs demi-bourgeois, demi-rustres. C'��tait, dans leur jeunesse, le premier pas vers les habitudes aristocratiques, et ils croiraient d��roger aujourd'hui s'ils privaient leur chef de cette distinction sociale. M. Lh��ry avait d��fendu la sienne contre les attaques ironiques de sa fille, et c'��tait peut-��tre, dans toute la vie d'Ath��na?s, la seule de ses volont��s �� laquelle ce p��re tendre n'e?t pas acquiesc��.
--Allons donc, maman! dit Ath��na?s en arrangeant la boucle d'or de sa ceinture de moire, as-tu fini de donner �� manger �� tes canards? Tu n'es pas encore habill��e? Nous ne partirons jamais!
--Patience, patience, petite! dit la m��re Lh��ry en distribuant avec une noble impartialit�� la pature �� ses volatiles; pendant le temps qu'on mettra Mignon �� la patache, j'aurai tout celui de m'arranger. Ah! dame! il ne m'en faut pas tant qu'�� toi, ma fille! Je ne suis plus jeune; et, quand je l'��tais, je n'avais pas comme toi le loisir et le moyen de me faire belle. Je ne passais pas deux heures �� ma toilette, da!
--Est-ce que c'est un reproche que vous me faites? dit Ath��na?s d'un air boudeur.
--Non, ma fille, non, r��pondit la vieille. Amuse-toi, fais-toi brave, mon enfant; tu as de la fortune, profite du travail de tes parents. Nous sommes trop vieux �� pr��sent pour en jouir, nous autres... Et puis, quand on a pris l'habitude d'��tre gueux, on ne s'en d��fait plus. Moi qui pourrais me faire servir pour mon argent, ?a m'est impossible; c'est plus fort que moi, il faut toujours que tout soit fait par moi-m��me dans la maison. Mais toi, fais la dame, ma fille; tu as ��t�� ��lev��e pour ?a: c'est l'intention de ton p��re; tu n'es pas pour le nez d'un valet de charrue, et le mari que tu auras sera bien aise de te trouver la main blanche, hein?
Madame Lh��ry, en achevant d'essuyer son chaudron et de d��biter ce discours plus affectueux que sens��, fit une grimace au jeune homme en mani��re de sourire. Celui-ci affecta de n'y pas faire attention, et le p��re Lh��ry, qui contemplait les boucles de ses souliers dans cet ��tat de b��ate stupidit�� si doux au paysan qui se repose, leva ses yeux �� demi ferm��s vers son futur gendre, comme pour jouir de sa satisfaction. Mais le futur gendre, pour ��chapper �� ces pr��venances muettes, se leva, changea de place, et dit enfin �� madame Lh��ry:
?Ma tante, voulez-vous que j'aille pr��parer la voiture?
--Va, mon enfant, va si tu veux. Je ne te ferai pas attendre,? r��pondit la bonne femme.
Le neveu allait sortir quand une cinqui��me personne entra, qui, par son air et son costume, contrastait singuli��rement avec les habitants de la ferme.

II.
C'��tait une femme petite et mince qui, au premier abord, semblait ag��e de vingt-cinq ans; mais, en la voyant de pr��s, on pouvait lui en accorder trente sans craindre d'��tre trop lib��ral envers elle. Sa taille fluette et bien prise avait encore
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