qu'on appelle un bourg dans le pays.
Rien n'��gale le repos de ces campagnes ignor��es. L�� n'ont p��n��tr�� ni le luxe, ni les arts, ni la manie savante des recherches, ni le monstre �� cent bras qu'on appelle industrie. Les r��volutions s'y sont �� peine fait sentir, et la derni��re guerre dont le sol garde une imperceptible trace est celle des huguenots contre les catholiques; encore la tradition en est rest��e si incertaine et si pale que, si vous interrogiez les habitants, ils vous r��pondraient que ces choses se sont pass��es il y a au moins deux mille ans; car la principale vertu de cette race de cultivateurs, c'est l'insouciance en mati��re d'antiquit��s. Vous pouvez parcourir ses domaines, prier devant ses saints, boire �� ses puits, sans jamais courir le risque d'entendre la chronique f��odale oblig��e, ou la l��gende miraculeuse de rigueur. Le caract��re grave et silencieux du paysan n'est pas un des moindres charmes de cette contr��e. Rien ne l'��tonne, rien ne l'attire. Votre pr��sence fortuite dans son sentier ne lui fera pas m��me d��tourner la t��te, et si vous lui demandez le chemin d'une ville ou d'une ferme, toute sa r��ponse consistera dans un sourire de complaisance, comme pour vous prouver qu'il n'est pas dupe de votre fac��tie. Le paysan du Berri ne con?oit pas qu'on marche sans bien savoir o�� l'on va. �� peine son chien daignera-t-il aboyer apr��s vous; ses enfants se cacheront derri��re la haie pour ��chapper �� vos regards ou �� vos questions, et le plus petit d'entre eux, s'il n'a pu suivre ses fr��res en d��route, se laissera tomber de peur dans le foss�� en criant de toutes ses forces. Mais la figure la plus impassible sera celle d'un grand boeuf blanc, doyen in��vitable de tous les paturages, qui, vous regardant fixement du milieu du buisson, semblera tenir en respect toute la famille moins grave et moins bienveillante des taureaux effarouch��s.
�� part cette premi��re froideur �� l'abord de l'��tranger, le laboureur de ce pays est bon et hospitalier, comme ses ombrages paisibles, comme ses pr��s aromatiques.
Une partie de terrain comprise entre deux petites rivi��res est particuli��rement remarquable par les teintes vigoureuses et sombres de sa v��g��tation, qui lui ont fait donner le nom de _Vall��e-Noire_. Elle n'est peupl��e que de chaumi��res ��parses et de quelques fermes d'un bon revenu. Celle qu'on appelle Grangeneuve est fort consid��rable; mais la simplicit�� de son aspect n'offre rien qui alt��re celle du paysage. Une avenue d'��rables y conduit, et, tout au pied des batiments rustiques, l'Indre, qui n'est dans cet endroit qu'un joli ruisseau, se prom��ne doucement au milieu des joncs et des iris jaunes de la prairie.
Le 1er mai est pour les habitants de la Vall��e-Noire un jour de d��placement et de f��te. �� l'extr��mit�� du vallon, c'est-��-dire �� deux lieues environ de la partie centrale o�� est situ�� Grangeneuve, se tient une de ces f��tes champ��tres qui, en tous pays, attirent et r��unissent tous les habitants des environs, depuis le sous-pr��fet du d��partement jusqu'�� la jolie grisette qui a pliss��, la veille, le jabot administratif; depuis la noble chatelaine jusqu'au petit _patour_ (c'est le mot du pays) qui nourrit sa ch��vre et son mouton aux d��pens des haies seigneuriales. Tout cela mange sur l'herbe, danse sur l'herbe, avec plus ou moins d'app��tit, plus ou moins de plaisir; tout cela vient pour se montrer en cal��che ou sur un ane, en cornette ou en chapeau de paille d'Italie, en sabots de bois de peuplier ou en souliers de satin turc, en robe de soie ou en jupe de droguet. C'est un beau jour pour les jolies filles, un jour de haute et basse justice pour la beaut��, quand, �� la lumi��re in��vitable du plein soleil, les graces un peu probl��matiques des salons sont appel��es au concours vis-��-vis des fra?ches sant��s, des ��clatantes jeunesses du village; alors que l'ar��opage masculin est compos�� de juges de tout rang, et que les parties sont en pr��sence au son du violon, �� travers la poussi��re, sous le feu des regards. Bien des triomphes ��quitables, bien des r��parations m��rit��es, bien des jugements longtemps en litige, signalent dans les annales de la coquetterie le jour de la f��te champ��tre, et le 1er mai ��tait l��, comme partout, un grand sujet de rivalit�� secr��te entre les dames de la ville voisine et les paysannes endimanch��es de la Vall��e-Noire.
Mais ce fut �� Grangeneuve que s'organisa d��s le matin le plus redoutable arsenal de cette s��duction na?ve. C'��tait dans une grande chambre basse, ��clair��e par des crois��es �� petit vitrage; les murs ��taient rev��tus d'un panier assez ��clatant de couleur, qui jurait avec les solives noircies du plafond, les portes en plein ch��ne et le bahut grossier. Dans ce local imparfaitement d��cor��, o�� d'assez beaux meubles modernes faisaient ressortir la rusticit�� classique de sa premi��re condition,
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