Une Page dAmour | Page 8

Emile Zola
des Petites-Maries, �� Marseille; l'opposition ent��t��e de la famille Grandjean, une riche famille de raffineurs, que la pauvret�� de la jeune fille exasp��rait; et des noces tristes et furtives, apr��s les sommations l��gales, et leur vie pr��caire, jusqu'au jour o�� un oncle, en mourant, leur avait l��gu�� dix mille francs de rente environ. C'��tait alors que Grandjean, qui nourrissait une haine contre Marseille, avait d��cid�� qu'ils viendraient s'installer �� Paris.
--A quel age vous ��tes-vous donc mari��e? demanda encore madame Deberle.
--A dix-sept ans.
--Vous deviez ��tre bien belle.
La conversation tomba. H��l��ne n'avait point paru entendre.
--Madame Manguelin, annon?a le valet.
Une jeune femme parut, discr��te et g��n��e. Madame Deberle se leva �� peine. C'��tait une de ses prot��g��es qui venait la remercier d'un service. Elle resta au plus quelques minutes, et se retira, avec une r��v��rence.
Alors, madame Deberle reprit l'entretien, en parlant de l'abb�� Jouve, que toutes deux connaissaient. C'��tait un humble desservant de Notre-Dame-de-Grace, la paroisse de Passy; mais sa charit�� faisait de lui le pr��tre le plus aim�� et le plus ��cout�� du quartier.
--Oh! une onction! murmura-t-elle avec une mine d��vote.
--Il a ��t�� tr��s-bon pour nous, dit H��l��ne. Mon mari l'avait connu autrefois, �� Marseille.... D��s qu'il a su mon malheur, il s'est charg�� de tout. C'est lui qui nous a install��es �� Passy.
--N'a-t-il pas un fr��re? demanda Juliette.
--Oui, sa m��re s'��tait remari��e.... M. Rambaud connaissait ��galement mon mari.... Il a fond��, rue de Rambuteau, une grande sp��cialit�� d'huiles et de produits du Midi, et il gagne, je crois, beaucoup d'argent.
Puis, elle ajouta avec gaiet��:
--L'abb�� et son fr��re sont toute ma cour.
Jeanne, qui s'ennuyait sur le bord de sa chaise, regardait sa m��re d'un air d'impatience. Son fin visage de ch��vre souffrait, comme si elle e?t regrett�� tout ce qu'on disait l��; et elle semblait, par instants, flairer les parfums lourds et violents du salon, jetant des coups d'oeil obliques sur les meubles, m��fiante, avertie de vagues dangers par son exquise sensibilit��. Puis, elle reportait ses regards sur sa m��re avec une adoration tyrannique.
Madame Deberle s'aper?ut du malaise de l'enfant.
--Voil��, dit-elle, une petite demoiselle qui s'ennuie d'��tre raisonnable comme une grande personne.... Tenez, il y a des livres d'images sur ce gu��ridon.
Jeanne alla prendre un album; mais ses regards, par-dessus le livre, se coulaient vers sa m��re, d'une fa?on suppliante. H��l��ne, gagn��e par le milieu de bonne grace o�� elle se trouvait, ne bougeait pas; elle ��tait de sang calme et restait volontiers assise, pendant des heures. Pourtant, comme le valet annon?ait coup sur coup trois dames, madame Berthier, madame de Guiraud et madame Levasseur, elle crut devoir se lever. Mais madame Deberle s'��cria:
--Restez donc, il faut que je vous montre mon fils.
Le cercle s'��largissait devant la chemin��e. Toutes ces dames parlaient �� la fois. Il y en avait une qui se disait cass��e; et elle racontait que, depuis cinq jours, elle ne s'��tait pas couch��e avant quatre heures du matin. Une autre se plaignait am��rement des nourrices; on n'en trouvait plus une qui f?t honn��te. Puis, la conversation tomba sur les couturi��res. Madame Deberle soutint qu'une femme ne pouvait pas bien habiller; il fallait un homme. Cependant, deux dames chuchotaient �� demi-voix, et comme un silence se faisait, on entendit trois ou quatre mots: toutes se mirent �� rire, en s'��ventant d'une main languissante.
--Monsieur Malignon, annon?a le domestique.
Un grand jeune homme entra, mis tr��s-correctement. Il fut salu�� par de l��g��res exclamations. Madame Deberle, sans se lever, lui tendit la main, en disant:
--Eh bien! hier, au Vaudeville?
--Infect! cria-t-il,
--Comment, infect!... Elle est merveilleuse, quand elle empoigna son corsage et qu'elle renverse la t��te....
--Laissez donc! c'est r��pugnant de r��alisme.
Alors, on discuta. R��alisme ��tait bien vite dit. Mais le jeune homme ne voulait pas du tout du r��alisme.
--Dans rien, entendez-vous! disait-il en haussant la voix, dans rien! ?a d��grade l'art.
?a finirait par voir de jolies choses sur les planches! Pourquoi No?mi ne poussait-elle pas les suites jusqu'au bout? Et il ��baucha un geste qui scandalisa toutes ces dames. Fit l'horreur! Mais madame Deberle ayant plac�� sa phrase sur l'effet prodigieux que l'actrice produisait, et madame Levasseur ayant racont�� qu'une dame avait perdu connaissance au balcon, on convint que c'��tait un grand succ��s. Ce mot arr��ta net la discussion.
Le jeune homme, dans un fauteuil, s'allongeait au milieu des jupes ��tal��es. Il paraissait tr��s-intime chez le docteur. Il avait pris machinalement une fleur dans une jardini��re et la machonnait. Madame Deberle lui demanda:
--Est-ce que vous avez lu le roman....?
Mais il ne la laissa pas achever et r��pondit d'un air sup��rieur:
--Je ne lis que deux romans par an.
Quant �� l'exposition du cercle des Arts, elle ne valait vraiment pas qu'on se d��rangeat. Puis, tous les sujets de conversation du jour ��tant ��puis��s, il vint s'accouder au petit canap�� de Juliette, avec laquelle il ��changea quelques mots �� voix basse, pendant que les autres dames causaient vivement entre elles.
--Tiens!
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