Une Page dAmour | Page 7

Emile Zola
de lait. Elle ��tait petite, potel��e, lente et gracieuse. Dans tout cet or, sous l'��paisse coiffure sombre qu'elle portait, son teint pale se dorait d'un reflet vermeil. H��l��ne la trouva r��ellement adorable.
--C'est affreux, les convulsions, avait repris madame Deberle. Mon petit Lucien en a eu, mais dans le premier age.... Comme vous avez d? ��tre inqui��te, madame! Enfin, cette ch��re enfant parait tout �� fait bien, maintenant.
Et, en tra?nant les phrases, elle regardait H��l��ne �� son tour, surprise et ravie de sa grande beaut��. Jamais elle n'avait vu une femme d'un air plus royal, dans ces v��tements noirs qui drapaient la haute et s��v��re figure de la veuve. Son admiration se traduisait par un sourire involontaire, tandis qu'elle ��changeait un coup d'oeil avec mademoiselle Aur��lie. Toutes deux l'examinaient d'une fa?on si na?vement charm��e, que celle-ci eut comme elles un l��ger sourire.
Alors, madame Deberle s'allongea doucement dans son canap��, et prenant l'��ventail pendu �� sa ceinture:
--Vous n'��tiez pas hier �� la premi��re du Vaudeville, madame?
--Je ne vais jamais au th��atre, r��pondit H��l��ne.
--Oh! la petite No?mi a ��t�� merveilleuse, merveilleuse!... Elle meurt avec un r��alisme!... Elle empoigne son corsage comme ?a, elle renverse la t��te, elle devient toute verte.... L'effet a ��t�� prodigieux.
Pendant un instant, elle discuta le jeu de l'actrice, qu'elle d��fendait d'ailleurs. Puis, elle passa aux autres bruits de Paris, une exposition de tableaux o�� elle avait vu des toiles inou?es, un roman stupide pour lequel on faisait beaucoup de r��clame, une aventure risqu��e, dont elle parla �� mots couverts avec mademoiselle Aur��lie. Et elle allait ainsi d'un sujet �� un autre, sans fatigue, la voix prompte, vivant l�� dedans comme dans un air qui lui ��tait propre. H��l��ne, ��trang��re �� ce monde, se contentait d'��couter et pla?ait de temps �� autre un mot, une r��ponse br��ve.
La porte s'ouvrit, le valet annon?a:
--Madame de Chermette.... Madame Tissot....
Deux dames entr��rent, en grande toilette. Madame Deberle s'avan?a vivement; et la tra?ne de sa robe de soie noire, tr��s-charg��e de garnitures, ��tait si longue, qu'elle l'��cartait d'un coup de talon, chaque fois qu'elle tournait sur elle-m��me. Pendant un instant, ce fut un bruit rapide de voix fl?t��es.
--Que vous ��tes aimables!... Je ne vous vois jamais....
--Nous venons pour cette loterie, vous savez?
--Parfaitement, parfaitement.
--Oh! nous ne pouvons nous asseoir. Nous avons encore vingt maisons �� faire.
--Voyons, vous n'allez pas vous sauver.
Et les deux dames finirent par se poser au bord d'un canap��. Alors, les voix fl?t��es repartirent, plus aigu?s.
--Hein? hier, au Vaudeville?
--Oh! Superbe!
--Vous savez qu'elle se d��grafe et qu'elle rabat ses cheveux. Tout l'effet est l��.
--On pr��tend qu'elle avale quelque chose pour devenir verte.
--Non, non, les mouvements sont calcul��s.... Mais il fallait les trouver d'abord.
--C'est prodigieux.
Les deux dames s'��taient lev��es. Elles disparurent. Le salon retomba dans sa paix chaude. Sur la chemin��e, des jacinthes exhalaient un parfum tr��s-p��n��trant. Un instant, on entendit venir du jardin la violente querelle d'une bande de moineaux qui s'abattaient sur une pelouse. Madame Deberle, avant de se rasseoir, alla tirer le store de tulle brod�� d'une fen��tre, en face d'elle; et elle reprit sa place, dans l'or plus doux du salon.
--Je vous demande pardon, dit-elle, on est envahi....
Et, tr��s-affectueuse, elle causa pos��ment avec H��l��ne. Elle paraissait conna?tre en partie son histoire, sans doute par les bavardages de la maison, qui lui appartenait. Avec une hardiesse pleine de tact, et o�� semblait entrer beaucoup d'amiti��, elle lui parla de son mari, de cette mort affreuse dans un h?tel, l'h?tel du Var, rue de Richelieu.
--Et vous d��barquiez, n'est-ce pas? Vous n'��tiez jamais venue �� Paris.... Ce doit ��tre atroce, ce deuil chez des inconnus, au lendemain d'un long voyage, et lorsqu'on ne sait encore o�� poser le pied. H��l��ne hochait la t��te lentement. Oui, elle avait pass�� des heures bien terribles. La maladie qui devait emporter son mari s'��tait brusquement d��clar��e, le lendemain de leur arriv��e, au moment o�� ils allaient sortir ensemble. Elle ne connaissait pas une rue, elle ignorait m��me dans quel quartier elle se trouvait; et, pendant huit jours, elle ��tait rest��e enferm��e avec le moribond, entendant Paris entier gronder sous sa fen��tre, se sentant seule, abandonn��e, perdue, comme au fond d'une solitude. Lorsque, pour la premi��re fois, elle avait remis les pieds sur le trottoir, elle ��tait veuve. La pens��e de cette grande chambre nue, emplie de bouteilles �� potion, et o�� les malles n'��taient pas m��me d��faites, lui donnait encore un frisson.
--Votre mari, m'a-t-on dit, avait presque le double de votre age? demanda madame Deberle d'un air de profond int��r��t, pendant que mademoiselle Aur��lie tendait les deux oreilles, pour ne rien perdre.
--Mais non, r��pondit H��l��ne, il avait �� peine six ans de plus que moi.
Et elle se laissa aller �� conter l'histoire de son mariage, en quelques phrases: le grand amour que son mari avait con?u pour elle, lorsqu'elle habitait avec son p��re, le chapelier Mouret, la rue
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 131
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.