Une Page dAmour | Page 5

Emile Zola
intervalles. L'enfant ��tait tomb��e dans une prostration qui parut de nouveau inqui��ter le m��decin. Il l'avait couch��e, la t��te tr��s haute, la couverture ramen��e sous le menton, et pendant pr��s d'une heure il demeura l��, �� la veiller, paraissant attendre le son normal de la respiration. De l'autre c?t�� du lit, H��l��ne attendait ��galement, sans bouger.
Peu �� peu, une grande paix se fit sur la face de Jeanne. La lampe l'��clairait d'une lumi��re blonde. Son visage reprenait son ovale adorable, un peu allong��, d'une grace et d'une finesse de ch��vre. Ses beaux yeux ferm��s avaient de larges paupi��res bleuatres et transparentes, sous lesquelles on devinait l'��clat sombre du regard. Son nez mince souffla l��g��rement, sa bouche un peu grande eut un sourire vague. Et elle dormait ainsi, sur la nappe de ses cheveux ��tal��s, d'un noir d'encre.
--Cette fois, c'est fini, dit le m��decin �� demi-voix. Et il se tourna, rangeant ses flacons, s'appr��tant �� partir. H��l��ne s'approcha, suppliante.
--Oh! monsieur, murmura-t-elle, ne me quittez pas. Attendez quelques minutes. Si des acc��s se produisaient encore.... C'est vous qui l'avez sauv��e.
Il fit signe qu'il n'y avait plus rien �� craindre. Pourtant, il resta, voulant la rassurer. Elle avait envoy�� Rosalie se coucher. Bient?t, le jour parut, un jour doux et gris sur la neige qui blanchissait les toitures. Le docteur alla fermer la fen��tre. Et tous deux ��chang��rent de rares paroles, au milieu du grand silence, �� voix tr��s-basse.
--Elle n'a rien de grave, je vous assure, disait-il. Seulement, �� son age, il faut beaucoup de soins.... Veillez surtout �� ce qu'elle m��ne une vie ��gale, heureuse, sans secousse.
Au bout d'un instant, H��l��ne dit �� son tour:
--Elle est si d��licate, si nerveuse.... Je ne suis pas toujours ma?tresse d'elle. Pour des mis��res, elle a des joies et des tristesses qui m'inqui��tent, tant elles sont vives.... Elle m'aime avec une passion, une jalousie qui la font sangloter, lorsque je caresse un autre enfant.
Il hocha la t��te, en r��p��tant:
--Oui, oui, d��licate, nerveuse, jalouse.... C'est le docteur Bodin qui la soigne, n'est-ce pas? Je causerai d'elle avec lui. Nous arr��terons un traitement ��nergique. Elle est �� l'��poque o�� la sant�� d'une femme se d��cide.
En le voyant si d��vou��, H��l��ne eut un ��lan de reconnaissance.
--Ah! monsieur, que je vous remercie de toute la peine que vous avez prise!
Puis, ayant ��lev�� la voix, elle vint se pencher au-dessus du lit, de peur d'avoir r��veill�� Jeanne. L'enfant dormait, toute rose, avec son vague sourire aux l��vres. Dans la chambre calm��e, une langueur flottait. Une somnolence recueillie et comme soulag��e avait repris les tentures, les meubles, les v��tements ��pars. Tout se noyait et se d��lassait dans le petit jour entrant par les deux fen��tres.
H��l��ne, de nouveau, demeurait debout dans la ruelle. Le docteur se tenait �� l'autre bord du lit. Et, entre eux, il y avait Jeanne, sommeillant avec son l��ger souffle.
--Son p��re ��tait souvent malade, reprit doucement H��l��ne, revenant �� l'interrogatoire. Moi, je me suis toujours bien port��e.
Le docteur, qui ne l'avait point encore regard��e, leva les yeux, et ne put s'emp��cher de sourire, tant il la trouvait saine et forte. Elle sourit aussi, de son bon sourire tranquille. Sa belle sant�� la rendait heureuse.
Cependant, il ne la quittait pas du regard. Jamais il n'avait vu une beaut�� plus correcte. Grande, magnifique, elle ��tait une Junon chataine, d'un chatain dor�� �� reflets blonds. Quand elle tournait lentement la t��te, son profil prenait une puret�� grave de statue. Ses yeux gris et ses dents blanches lui ��clairaient toute la face. Elle avait un menton rond, un peu fort, qui lui donnait un air raisonnable et ferme. Mais ce qui ��tonnait le docteur, c'��tait la nudit�� superbe de cette m��re. Le chale avait encore gliss��, la gorge se d��couvrait, les bras restaient nus. Une grosse natte, couleur d'or bruni, coulait sur l'��paule et se perdait entre les seins. Et, dans son jupon mal attach��, ��chevel��e et en d��sordre, elle gardait une majest��, une hauteur d'honn��tet�� et de pudeur qui la laissait chaste sous ce regard d'homme, o�� montait un grand trouble.
Elle-m��me, un instant, l'examina. Le docteur Deberle ��tait un homme de trente-cinq ans, �� la figure ras��e, un peu longue, l'oeil fin, les l��vres minces. Comme elle le regardait, elle s'aper?ut �� son tour qu'il avait le cou nu. Et ils rest��rent ainsi face �� face, avec la petite Jeanne endormie entre eux. Mais cet espace, tout �� l'heure immense, semblait se resserrer. L'enfant avait un trop l��ger souffle. Alors, H��l��ne, d'une main lente, remonta son chale et s'enveloppa, tandis que le docteur boutonnait le col de son veston.
--Maman, maman, balbutia Jeanne dans son sommeil.
Elle s'��veillait. Quand elle eut les yeux ouverts, elle vit le m��decin et s'inqui��ta.
--Qui est-ce? qui est-ce? demandait-elle.
Mais sa m��re la baisait.
--Dors, ma ch��rie, tu as ��t�� un peu souffrante.... C'est un ami.
L'enfant paraissait surprise. Elle ne se
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