Une Page dAmour | Page 3

Emile Zola
Jeanne; une domestique, au bout d'une ��ternit��, vint lui r��pondre que le docteur ��tait aupr��s d'une femme en couches. H��l��ne resta stupide sur le trottoir. Elle ne connaissait pas d'autre docteur dans Passy. Pendant un instant, elle battit les rues, regardant les maisons. Un petit vent glac�� soufflait; elle marchait avec ses pantoufles dans une neige l��g��re, tomb��e le soir. Et elle avait toujours devant elle sa fille, avec cette pens��e d'angoisse qu'elle la tuait en ne trouvant pas tout de suite un m��decin. Alors, comme elle remontait la rue Vineuse, elle se pendit �� une sonnette. Elle allait toujours demander; on lui donnerait peut-��tre une adresse. Elle sonna de nouveau, parce qu'on ne se hatait pas. Le vent plaquait son mince jupon sur ses jambes, et les m��ches de ses cheveux s'envolaient.
Enfin, un domestique vint ouvrir et lui dit que le docteur Deberle ��tait couch��. Elle avait sonn�� chez un docteur, le ciel ne l'abandonnait donc pas! Alors, elle poussa le domestique pour entrer. Elle r��p��tait:
--Mon enfant, mon enfant se meurt!... Dites-lui qu'il vienne.
C'��tait un petit h?tel plein de tentures. Elle monta ainsi un ��tage, luttant contre le domestique, r��pondant �� toutes les observations que son enfant se mourait. Arriv��e dans une pi��ce, elle voulut bien attendre. Mais, d��s qu'elle entendit �� c?t�� le m��decin se lever, elle s'approcha, elle parla �� travers la porte.
--Tout de suite, monsieur, je vous en supplie.... Mon enfant se meurt!
Et, lorsque le m��decin parut en veston, sans cravate, elle l'entra?na, elle ne le laissa pas se v��tir davantage. Lui, l'avait reconnue. Elle habitait la maison voisine et ��tait sa locataire. Aussi, quand il lui fit traverser un jardin pour raccourcir en passant par une porte de communication qui existait entre les deux demeures, eut-elle un brusque r��veil de m��moire.
--C'est vrai, murmura-t-elle, vous ��tes m��decin, et je le savais.... Voyez-vous, je suis devenue folle.... D��p��chons-nous.
Dans l'escalier, elle voulut qu'il passat le premier. Elle n'e?t pas amen�� Dieu chez elle d'une fa?on plus d��vote. En haut, Rosalie ��tait rest��e pr��s de Jeanne, et elle avait allum�� la lampe pos��e sur le gu��ridon. D��s que le m��decin entra, il prit cette lampe, il ��claira vivement l'enfant, qui gardait une rigidit�� douloureuse; seulement, la t��te avait gliss��, de rapides crispations couraient sur la face. Pendant une minute, il ne dit rien, les l��vres pinc��es. H��l��ne, anxieusement, le regardait. Quand il aper?ut ce regard de m��re qui l'implorait, il murmura:
--Ce ne sera rien.... Mais il ne faut pas la laisser ici. Elle a besoin d'air.
H��l��ne, d'un geste fort, l'emporta sur son ��paule. Elle aurait bais�� les mains du m��decin pour sa bonne parole, et une douceur coulait en elle. Mais �� peine eut-elle pos�� Jeanne dans son grand lit, que ce pauvre petit corps de fillette fut agit�� de violentes convulsions. Le m��decin avait enlev�� l'abat-jour de la lampe, une clart�� blanche emplissait la pi��ce. Il alla entrouvrir une fen��tre, ordonna �� Rosalie de tirer le lit hors des rideaux. H��l��ne, reprise par l'angoisse, balbutiait:
--Mais elle se meurt, monsieur!... Voyez donc, voyez donc!... Je ne la reconnais plus!
Il ne r��pondait pas, suivait l'acc��s d'un regard attentif. Puis, il dit:
--Passez dans l'alc?ve, tenez-lui les mains pour qu'elle ne s'��gratigne pas.... L��, doucement, sans violence.... Ne vous inqui��tez pas, il faut que la crise suive son cours.
Et tous deux, pench��s au-dessus du lit, ils maintenaient Jeanne, dont les membres se d��tendaient avec des secousses brusques. Le m��decin avait boutonn�� son veston pour cacher son cou nu. H��l��ne ��tait rest��e envelopp��e dans le chale qu'elle avait jet�� sur ses ��paules. Mais Jeanne, en se d��battant, tira un coin du chale, d��boutonna le haut du veston. Ils ne s'en aper?urent point. Ni l'un ni l'autre ne se voyait.
Cependant, l'acc��s se calma. La petite parut tomber dans un grand affaissement. Bien qu'il rassurat la m��re sur l'issue de la crise, le docteur restait pr��occup��. Il regardait toujours la malade, il finit par poser des questions br��ves �� H��l��ne, demeur��e debout dans la ruelle.
--Quel age a l'enfant?
--Onze ans et demi, monsieur.
Il y eut un silence. Il hochait la t��te, se baissait pour soulever la paupi��re ferm��e de Jeanne et regarder la muqueuse. Puis, il continua son interrogatoire, sans lever les yeux sur H��l��ne.
--A-t-elle eu des convulsions ��tant jeune?
--Oui, monsieur, mais ces convulsions ont disparu vers l'age de six ans.... Elle est tr��s-d��licate. Depuis quelques jours, je la voyais mal �� son aise. Elle avait des crampes, des absences.
--Connaissez-vous des maladies nerveuses dans votre famille?
--Je ne sais pas.... Ma m��re est morte de la poitrine.
Elle h��sitait, prise d'une honte, ne voulant pas avouer une a?eule enferm��e dans une maison d'ali��n��s. Toute son ascendance ��tait tragique.
--Prenez garde, dit vivement le m��decin, voici un nouvel acc��s.
Jeanne venait d'ouvrir les yeux. Un instant, elle regarda autour d'elle, d'un air ��gar��, sans prononcer une parole. Puis, son regard devint
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