Une Confédération Orientale comme solution de la Question dOrient (1905) | Page 7

Un Latin
nationalités chrétiennes des Balkans le refusent définitivement aux
Turcs; mais peuvent-elles du moins se l'accorder réciproquement, sous réserve d'une
condition supérieure effaçant ce qui divise pour ne laisser subsister que ce qui unit? Si
nous en doutions, et si la condition supérieure ne nous apparaissait pas clairement, nous
nous bornerions comme tant d'autres à des voeux stériles: tel n'est pas l'objet de ce travail.

En ce qui concerne les questions ethnographiques de la Péninsule,--et, cela soit dit en
passant, si l'ethnographie est cause d'innombrables erreurs dans l'étude du passé, son
application aux choses de notre temps est autrement dangereuse,--on a pu constater que
les solutions présentées dépendent le plus souvent de la nationalité ou des sympathies
avérées des polémistes. Quant aux Turcs, ils ont englobé sous le nom de roumis[8] les
divers peuples chrétiens soumis à leur domination, tous appartenant au rite orthodoxe,
qu'ils relèvent du patriarcat grec de Constantinople, des évéchés serbes d'Uskub et de
Prissrend, ou de l'exarchat bulgare, depuis que cette dernière nationalité a constitué à part
son Église, que le synode oecuménique considère arbitrairement comme schismatique.
[Note 8: Après la conquête de Constantinople, les vainqueurs, fiers d'avoir détruit
l'empire romain, appelèrent les chrétiens subjugués romei, ou plus simplement, roumi.]
Nous ne prétendons ni entrer dans des détails de statistique, ni discuter les polémiques
acharnées qui se sont déchaînées entre écrivains allemands, slaves, hongrois et roumains,
au sujet de la permanence des éléments issus des colonies romaines dans la Dacie trajane
et la péninsule balkanique. Aussi bien que pour les races germaniques et slaves du nord,
par exemple, il est bien difficile d'établir exactement la véritable origine ethnique des
peuples classifiés aujourd'hui comme Slaves, Grecs, etc.[9].
[Note 9: «Nulle part la nationalité n'est unique... La France, l'État le plus national de
l'Europe après l'Italie, renferme elle-même des éléments hétérogènes, les Bretons et les
Basques. L'Empire allemand a des Polonais, des Vendes, des Danois et des Français.»
(BLÜNTSHLI, la Politique.)]
Les populations du massif des Balkans et du Pinde se sont plus ou moins mélangées, et si
l'on compare anthropologiquement bon nombre des habitants dits Grecs, Roumains ou
Slaves de la Macédoine et de l'Épire, on est bien porté à croire qu'ils formaient à l'origine
un même peuple, dont, par la suite, les éléments se seraient ici grécisés, là roumanisés,
ailleurs slavisés.
Et une frontière politique n'embarrasse pas cette théorie. Si anciennement la péninsule
hellénique était occupée par une ou plusieurs races venues de la Méditerranée, il est
permis de soutenir que les ancêtres des sujets du roi Georges furent originaires, en
majeure partie du moins, des Balkans et surtout du Pinde. De telle sorte, c'est le rameau
qui voudrait passer pour le tronc.
La classification des peuples est généralement basée sur la langue qu'ils parlent. Cette
règle souffre exception; dans tous les cas, elle ne saurait être appliquée à certaines parties
de la Macédoine et de l'Épire[10]. Il ne faut pas oublier, en effet, que la langue grecque
étant devenue d'un usage presque universel en Orient pour l'enseignement religieux et
scolaire aussi bien que pour les relations commerciales, cette circonstance n'implique pas
du tout que les différentes nationalités aient renoncé à leurs idiomes particuliers; parfois,
au contraire, elles les ont jalousement conservés à travers les siècles.
[Note 10: Aujourd'hui, pas plus la Macédoine que l'Albanie et l'Épire ne sont des
expressions géographiques officielles, car la première de ces provinces est comprise dans

les vilayets de Salonique, de Monastir et d'Uskub, et la seconde dans les vilayets de
Scutari, de Janina, de Monastir et d'Uskub.]
Qu'on nous permette de citer un exemple pris au delà du Danube, celui des anciennes
principautés de Valachie et de Moldavie. Anciennement, le slavon y était employé depuis
un temps immémorial comme langue du culte et de l'administration, absolument comme
le latin chez les peuples occidentaux du moyen âge. Vers le quinzième siècle, les moines
grecs ou hellénisés commencèrent à se substituer dans ces principautés aux représentants
du slavisme, de telle sorte que, favorisée par les princes phanariotes envoyés par la Porte,
la culture grecque fleurit dans les principautés jusqu'au moment où le mouvement de
renaissance latine l'en bannit à son tour. Mais la culture grecque, comme antérieurement
la culture slave, n'avait pas réussi à étouffer le sentiment national chez les ancêtres des
Roumains actuels et à leur faire oublier leur langue néo-latine: pris en masse, ils n'avaient
pas plus compris le slavon, puis le grec, que, de nos jours, la plupart des
Macédo-Roumains ne comprennent cette dernière langue; dans tous les cas, aucune des
femmes de ceux-ci n'y est initiée.
De même, l'équivoque résultant, dans le Pinde, de la confusion établie entre la religion et
la culture grecque, d'une part, et le sentiment national de race, d'autre part, ne saurait
servir de base au classement ethnique dans ces régions. Les descendants des légionnaires
romains
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 50
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.