contre lui un traité d'alliance offensive.
Le Dr G... est à la Malbaie et se livre à l'observation. Il trouve que les rubans écossais sont bien en faveur depuis l'arrivée de M. Douglas, et se plaint amèrement d'être condamné à entendre tant d'airs écossais, depuis la même date. Ce que c'est, dit-il, d'avoir la tournure chevaleresque! Moi, j'ai passé plusieurs années en écosse, et personne n'a songé à apprendre Vive la canadienne, ou _à la claire fontaine_. M. Douglas est riche, et le Dr se pla?t à en informer les dames qui ont des filles à marier. ?a les rend pensives, dit-il.
Ce soir, le docteur, Elmire et moi, nous sommes allés visiter les sauvages. C'est curieux à voir. La soirée était fra?che. Un beau feu de branches sèches flambait devant les cabanes. J'aper?us M. Douglas qui se chauffait et causait avec les sauvages. En le voyant dans cette clarté rougeatre, je me rappelai l'incendie, et, pour dire vrai, le coeur me battit un peu fort; puissance du souvenir, involontaire hommage au courage et à la générosité!
Comme nous allions partir, le Dr fut appelé en toute hate pour un malade et nous revenions seules, quand M. Douglas nous joignit et réclama l'honneur de nous reconduire, ce que nous daignames accorder. Je fus un peu surprise, je l'avoue, car il ajouta, avec une na?veté bien singulière chez un homme du monde: J'ai cru que j'avais eu tort de vous laisser partir seules, et, réflexion faite, je me suis haté de vous rejoindre.--Nous comprenons, monsieur, dit Elmire piquée: vous avez cru que c'était un devoir.--Non, Mademoiselle, j'ai seulement pensé que c'était une attention à laquelle vous aviez droit, et il continua un peu fièrement: Vous défendre, si vous couriez quelque danger, ce serait un devoir.
J'incline à croire que ce devoir serait bien rempli, et si jamais je vais me promener chez les cannibales, je prierai M. Francis Douglas de me donner le bras. Il a veillé au salon, contre son habitude. Il n'est certainement pas aussi beau qu'on le dit, mais il a une distinction rare et une grace incomparable.
La grace plus belle que la beauté.
Comme vous voyez, c'est bien suffisant. Il est plut?t grave qu'enjoué, mais on cause bien avec lui. Vous aimerez sa simplicité charmante. Nous avons conversé en fran?ais, et là-dessus on nous a gracieusement fait entendre--à Elmire et à moi--qu'il faut que notre prononciation anglaise le fatigue beaucoup, puisqu'il nous parle fran?ais. N'est-ce pas beau de songer si vite aux ennuis de son prochain?
Quoi qu'il en soit des susceptibilités de M. Douglas, une chose s?re, c'est qu'il parle fran?ais parfaitement, et une autre chose joliment certaine aussi, c'est que j'aimerais mieux ne le fatiguer en rien. Je lui ai demandé comment il trouvait nos sauvages. Bien déchus, mademoiselle. Ils ne sont pas tatoués et la mauvaise civilisation les gagne. Quand je me suis assis à leur feu, ils ne m'ont pas présenté le calumet de paix. Quel surnom les sauvages d'autrefois lui auraient-ils donné? Songez-y, s'il vous pla?t.
Chère mère, descendez vite et apportez-moi un gros bouquet de roses. Je m'ennuie et je vous aime.
Extraits du journal de Thérèse.
24 juin.
Ce matin, de très bonne heure, Elmire et moi, nous sommes allées à la chapelle Harvieux. Le trajet est rude sur la grève de l'extrême Pointe-aux-Pics: pas de _sable d'or_, mais quand on a le pied s?r, c'est charmant de marcher sur ces beaux crans lavés par la mer. ? senteur du varech! ? parfums du salin! Qu'il fait bon, de se sentir vivre et d'errer comme une alouette sur la grève embaumée! Les oiseaux chantaient dans les arbres qui couronnent la falaise. L'ancolie cro?t partout dans les fentes des rochers. Ces jolies cloches rouges font un charmant effet sur le roc aride. Qu'est-ce qui pla?t davantage, une fleur dans la mousse ou une fleur sur un rocher? Hélas! il y a des femmes qui n'aiment les fleurs que sur leurs chapeaux, et pour qui une promenade dans la rue Notre-Dame a plus de charmes qu'une course dans les bois ou sur la grève! Mais à quoi bon philosopher?
La chapelle Harvieux est à un mille du quai. C'est tout simplement une grotte de sept à huit pieds de profondeur, taillée dans le roc à une dizaine de pieds du sol. Il y a bien longtemps, un religieux fran?ais du nom de Harvieux y célébra la messe. Ce missionnaire descendait le fleuve en canot pour visiter les colons établis sur les c?tes et fut retenu là par une tempête. J'aime cette solitude sauvage, et qu'elle doit être grande et triste quand le vent gémit et que la mer se livre à ses formidables colères! Mais ce matin tout était calme et les goélands séchaient coquettement leurs plumes sur ces rochers où ils viennent prophétiser la tempête.
26 juin.
Aujourd'hui j'attendais ma mère, et je suis
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