allée à l'arrivée du bateau, mais déception. Il n'y avait pour moi qu'une lettre et un bouquet de roses. Je me suis vite sauvée pour lire ma lettre. Je n'aime pas ces foules bruyantes où les cochers et les gamins ont la haute note. Elmire est venue me rejoindre et après m'avoir pris la moitié de mon bouquet, elle a décidé qu'il fallait explorer la grève en de?à du quai. Nous avons commencé par escalader les énormes blocs qui sont là, et nous y avons trouvé une grotte profonde à demi fermée par des bouquets de jeunes cèdres. Les oiseaux, il me semble, doivent aimer cette grotte le matin, les jours d'automne surtout, car le soleil levant l'emplit de rayons et y fait bourdonner sans doute une foule d'insectes. Mais ce soir elle était pleine d'ombre et de fra?cheur. Nous y sommes restées longtemps. J'avais sur l'ame une brume de mélancolie. Ma mère viendra demain. Ce n'est qu'un retard d'un jour, mais cela suffit pour attrister. L'ame a un ciel si changeant! Pourtant qu'il faisait beau ce soir! J'ai laissé la grotte avec regret. Pauvre grotte, me disais-je, ce matin elle s'est emplie de soleil, de chaleur et de vie avant le reste de la nature qui l'entoure, et la voilà pleine d'ombre pendant que le soleil rayonne encore partout, sur le Cap-à-l'Aigle, sur le fleuve si beau, sur les clochers lointains qui scintillent le long de la c?te du sud. Et je pensais à une ame qui m'intéresse et que la tristesse semble envelopper.
Pour moi, jusqu'à présent, la vie a été bien douce. Il est vrai, je n'ai pas connu ma mère, c'est à peine s'il me reste un souvenir de mon père, et pourtant j'ai été heureuse, car ma belle-mère m'aime avec une tendresse plus que maternelle. Mais combien d'ames ouvertes dans leurs beaux jours d'enfance à tous les rayons du ciel, plus illuminées peut-être que les autres, ont vu tout à coup, par une permission de Dieu, la nuit les envahir de bonne heure!
Hélas! la vie est semblable à la mer; Son flot, parfois caressant sur la plage, écume au large et devient plus amer.
30 juin.
M. Douglas est protestant; je m'en doutais, et pourtant il m'a été pénible de le lui entendre dire.
à la première occasion, ma mère lui a parlé de sa belle conduite à l'incendie de Philadelphie. Il a rougi comme une jeune fille et nous a assurées que dans la surexcitation on expose facilement sa vie. Il prétend que son agilité de montagnard est pour beaucoup dans ce que nous appelons son héro?sme.
Ma mère ne lui a pas caché comme nous désirions le conna?tre, comme nous lui en voulions de s'être dérobé à toutes les recherches. J'étais un peu confuse, et lui n'était pas à l'aise non plus. Il a souri en entendant dire que, jusqu'à notre départ de Philadelphie, je m'étais obstinée à rêver pour lui une ovation populaire. Le sourire a un singulier charme sur sa bouche sérieuse, c'est dommage qu'il soit si rare. D'où vient la tristesse qui lui est habituelle. D'abord, j'avais cru que c'était l'ennui de se trouver au milieu d'étrangers; mais ce n'est pas cela. Il a un grand chagrin. Malgré son calme, sa réserve anglaise, on ne peut le voir longtemps sans s'en apercevoir. Pourquoi souffre-t-il? Je suis condamnée à entendre là-dessus bien des suppositions. Quoi qu'il en soit, je suis s?re que ce n'est pas une douleur vulgaire qui assombrit ce noble front. Jusqu'à présent, je ne sais rien de sa vie, si ce n'est qu'il a perdu ses parents de bonne heure et qu'il n'a ni soeur ni frère.
Il nous a priées de ne rien dire de l'incendie de Philadelphie. Soit, je n'en dirai rien, mais j'y pense souvent. Noble jeune homme! Quand moi et tant d'autres ne savions donner que notre impuissante compassion, lui s'est exposé avec une générosité sublime. Quel parfum un pareil souvenir doit laisser dans l'ame! Souvent, en le regardant, je me demande ce qu'il dut éprouver quand il se trouva seul après s'être dérobé aux applaudissements de la foule. Jamais je ne conna?trai la joie du dévouement héro?que, mais je remercie Dieu d'avoir été témoin d'une action vraiment courageuse, vraiment désintéressée, vraiment généreuse. L'admiration élève l'ame et satisfait un des plus doux besoins du coeur.
8 juillet.
Je me sens souvent inquiète et troublée. Où est le calme, la sereine insouciance de ma jeunesse? Je suis bien différente de moi-même, de ce pauvre moi que je croyais conna?tre. J'aurais besoin de solitude. La vie d'h?tel m'ennuie. Il y a de l'autre c?té de la baie, au bas du Cap-à-l'Aigle, une maison dont la situation isolée me plairait beaucoup. Là rien ne me distrairait de la vue et du bruit de la mer.
"Plein de monstres et de trésors, toujours amer quoique limpide, jamais
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.