de Revel et de Mitau.
Père Ubu:
--Très bien! très bien! Tu n'as rien autre chose?
Le Noble:
--Rien.
Père Ubu:
--Dans la trappe, alors. Quatrième Noble, qui es-tu?
Le Noble:
--Prince de Podolie.
Père Ubu:
--Quels sont tes revenus?
Le Noble:
--Je suis ruiné.
Père Ubu:
--Pour cette mauvaise parole, passe dans la trappe. Cinquième noble, qui es-tu?
Le Noble:
--Margrave de Thorn, palatin de Polock.
Père Ubu:
--?a n'est pas lourd. Tu n'as rien autre chose?
Le Noble:
--Cela me suffisait.
Père Ubu:
--Eh bien! mieux vaut peu que rien. Dans la trappe. Qu'as-tu à pigner, Mère Ubu?
Mère Ubu:
--Tu es trop féroce, Père Ubu.
Père Ubu:
--Eh! je m'enrichis. Je vais faire lire MA liste de MES biens. Greffier, lisez MA liste de MES biens.
Le Greffier:
--Comté de Sandomir.
Père Ubu:
--Commence par les principautés, stupide bougre!
Le Greffier:
--Principauté de Podolie, grand-duché de Posen, duché de Courlande, comté de Sandomir, comté de Vitepsk, palatinat de Polock, margraviat de Thorn.
Père Ubu:
--Et puis après?
Le Greffier:
--C'est tout.
Père Ubu:
--Comment, c'est tout! Oh bien alors, en avant les Nobles, et comme je ne finirai pas de m'enrichir je vais faire exécuter tous les Nobles, et ainsi j'aurai tous les biens vacants. Allez, passez les Nobles dans la trappe. (On empile les Nobles dans la trappe.) Dépêchez-vous plus vite, je veux faire des lois maintenant.
Plusieurs:
--On va voir ?a.
Père Ubu:
--Je vais d'abord réformer la justice, après quoi nous procéderons aux finances.
Plusieurs Magistrats:
--Nous nous opposons à tout changement.
Père Ubu:
--Merdre. D'abord les magistrats ne seront plus payés.
Magistrats:
--Et de quoi vivrons-nous? Nous sommes pauvres.
Père Ubu:
--Vous aurez les amendes que vous prononcerez et les biens des condamnés à mort.
Un Magistrat:
--Horreur.
Deuxième:
--Infamie.
Troisième:
--Scandale.
Quatrième:
--Indignité.
Tous:
--Nous nous refusons à juger dans des conditions pareilles.
Père Ubu:
--A la trappe les magistrats! (Ils se débattent en vain.)
Mère Ubu:
--Eh! que fais-tu, Père Ubu? Qui rendra maintenant la justice?
Père Ubu:
--Tiens! moi. Tu verras comme ?a marchera bien.
Mère Ubu:
--Oui, ce sera du propre.
Père Ubu:
--Allons, tais-toi, bouffresque. Nous allons maintenant, messieurs, procéder aux finances.
Financiers:
--Il n'y a rien à changer.
Père Ubu:
--Comment, je veux tout changer, moi. D'abord je veux garder pour moi la moitié des imp?ts.
Financiers:
--Pas gêné.
Père Ubu:
--Messieurs, nous établirons un imp?t de dix pour cent sur la propriété, un autre sur le commerce et l'industrie, et un troisième sur les mariages et un quatrième fur les décès, de quinze francs chacun.
Premier Financier:
--Mais c'est idiot, Père Ubu.
Deuxième Financier:
--C'est absurde.
Troisième Financier:
--?a n'a ni queue ni tête.
Père Ubu:
--Vous vous fichez de moi! Dans la trappe les financiers! (On enfourne les financiers.)
Mère Ubu:
--Mais enfin, Père Ubu, quel roi tu fais, tu massacres tout le monde.
Père Ubu:
--Eh merdre!
Mère Ubu:
--Plus de justice, plus de finances.
Père Ubu:
--Ne crains rien, ma douce enfant, j'irai moi-même de village en village recueillir les imp?ts.
Scène III
Une maison de paysans dans les environs de Varsovie.
PLUSIEURS PAYSANS sont assemblés.
Un Paysan (entrant):
--Apprenez la grande nouvelle. Le roi est mort, les ducs aussi et le jeune Bougrelas s'est sauvé avec sa mère dans les montagnes. De plus, le Père Ubu s'est emparé du tr?ne.
Un Autre:
--J'en sais bien d'autres. Je viens de Cracovie, où j'ai vu emporter les corps de plus de trois cents nobles et de cinq cents magistrats qu'on a tués, et il para?t qu'on va doubler les imp?ts et que le Père Ubu viendra les ramasser lui-même.
Tous:
--Grand Dieu! qu'allons-nous devenir? le Père Ubu est un affreux sagouin et sa famille est, dit'on, abominable.
Un Paysan:
--Mais, écoutez: ne dirait-on pas qu'on frappe à la porte?
Une voix (au dehors):
--Cornegidouille! Ouvrez, de par ma merdre, par saint Jean, saint Pierre et saint Nicolas! ouvrez, sabre à finances, corne finances, je viens chercher les imp?ts! (La porte est défoncée, Ubu pénètre suivi d'une légion de Grippe-Sous.)
Scène IV
Père Ubu:
--Qui de vous est le plus vieux? (Un paysan s'avance.) Comment te nommes-tu?
Le Paysan:
--Stanislas Leczinski.
Père Ubu:
--Eh bien, cornegidouille, écoute-moi bien, sinon ces messieurs te couperont les oneilles. Mais, vas-tu m'écouter enfin?
Stanislas:
--Mais Votre Excellence n'a encore rien dit.
Père Ubu:
--Comment, je parle depuis une heure. Crois-tu que ji vienne ici pour prêcher dans le désert?
Stanislas:
--Loin de moi cette pensée.
Père Ubu:
--Je viens donc te dire, t'ordonner et te signifier que tu aies à produire et exhiber promptement ta finance, sinon tu seras massacré. Allons, messeigneurs les salopins de finance, voiturez ici le voiturin à phynances. (On apporte le voiturin.)
Stanislas:
--Sire, nous ne sommes inscrits sur le registre que pour cent cinquante-deux rixdales que nous avons déjà payées, il y aura tant?t six semaines à la Saint Mathieu.
Père Ubu:
--C'est fort possible, mais j'ai changé le gouvernement et j'ai fait mettre dans le journal qu'on paierait deux fois tous les imp?ts et trois fois ceux qui pourront être désignés ultérieurement. Avec ce système j'aurai vite fait fortune, alors je tuerai tout le monde et je m'en irai.
Paysans:
--Monsieur Ubu, de grace, ayez pitié de nous. Nous sommes de pauvres citoyens.
Père Ubu:
--Je m'en fiche. Payez.
Paysans:
--Nous ne pouvons, nous avons payé.
Père Ubu:
--Payez! ou je vous mets dans ma poche avec supplice et décollation du cou et de la tête! Cornegidouille, je suis le roi peut-être!
Tous:
--Ah, c'est ainsi! Aux armes! Vive Bougrelas, par la grace de Dieu roi de Pologne et
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