Ubu Roi | Page 5

Alfred ry
le Roi! hurrah!
Père Ubu (jetant de l'or):
--Tenez, voilà pour vous. ?a ne m'amusait guère de vous donner de l'argent mais vous savez, c'est la mère Ubu qui a voulu. Au moins, promettez-moi de bien payer les imp?ts.
Tous:
--Oui, oui!
Capitaine Bordure:
--Voyez, Mère Ubu, s'ils se disputent cet or. Quelle bataille.
Mère Ubu:
--Il est vrai que c'est horrible. Pouah! en voilà un qui a le crane fendu.
Père Ubu:
--Quel beau spectacle! Amenez d'autres caisses d'or.
Capitaine Bordure:
--Si nous faisions une course.
Père Ubu:
--Oui, c'est une idée. (Au Peuple.) Mes amis, vous voyez cette caisse d'or, elle contient trois cent mille nobles à la rose en or, en monnaie polonaise et de bon aloi. Que ceux qui veulent courir se mettent au bout de la cour. Vous partirez quand j'agiterai mon mouchoir et le premier arrivé aura la caisse. Quant à ceux qui ne gagneront pas, ils auront comme consolation cette autre caisse qu'on leur partagera.
Tous:
--Oui! Vive le Père Ubu! Quel bon roi! On n'en voyait pas tant du temps de Venceslas.
Père Ubu (à la Mère Ubu, avec joie):
--Ecoute-les! (Tout le peuple va se ranger au bout de la cour.)
Père Ubu:
--Une, deux, trois! Y êtes-vous?
Tous:
--Oui! oui!
Père Ubu:
--Partez! (Ils partent en se culbutant. Cris et tumulte.)
Capitaine Bordure:
--Ils approchent! ils approchent!
Père Ubu:
--Eh! le premier perd du terrain.
Mère Ubu:
--Non, il regagne maintenant.
Capitaine Bordure:
--Oh! il perd, il perd! fini! c'est l'autre! (Celui qui était deuxième arrive le premier.)
Tous:
--Vive Michel Fédérovitch! Vive Michel Fédérovitch!
Michel Fédérovitch:
--Sire, je ne sais vraiment comment remercier Votre Majesté...
Père Ubu:
--Oh! mon cher ami, ce n'est rien. Emporte ta caisse chez toi, Michel; et vous, partagez-vous cette autre, prenez une pièce chacun jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus.
Tous:
--Vive Michel Fédérovitch! Vive le Père Ubu!
Père Ubu:
--Et vous, mes amis, venez d?ner! Je vous ouvre aujourd'hui les portes du palais, veuillez faire honneur à ma table!
Peuple:
--Entrons! Entrons! Vive le Père Ubu! c'est le plus noble des souverains!
(Ils entrent dans le palais. On entend le bruit de l'orgie qui se prolonge jusqu'au lendemain. La toile tombe.)

Fin du deuxième Acte.
* * * * *
Acte III--Scène Première
Le palais.
PèRE UBU, MèRE UBU.
Père Ubu:
--De par ma chandelle verte, me voici roi dans ce pays. Je me suis déjà flanqué une indigestion et on va m'apporter ma grande capeline.
Mère Ubu:
--En quoi est-elle, Père Ubu? car nous avons beau être rois, il faut être économes.
Père Ubu:
--Madame ma femelle, elle est en peau de mouton avec une agrafe et des brides en peau de chien.
Mère Ubu:
--Voilà qui est beau, mais il est encore plus beau d'être rois.
Père Ubu:
--Oui, tu as eu raison, Mère Ubu.
Mère Ubu:
--Nous avons une grande reconnaissance au duc de Lithuanie.
Père Ubu:
--Qui donc?
Mère Ubu:
--Eh! le capitaine Bordure.
Père Ubu:
--De grace, Mère Ubu, ne me parle pas de ce bouffre. Maintenant que je n'ai plus besoin de lui il peut bien se brosser le ventre, il n'aura point son duché.
Mère Ubu:
--Tu as grand tort, Père Ubu, il va se tourner contre toi.
Père Ubu:
--Oh! je le plains bien, ce petit homme, je m'en soucie autant que de Bougrelas.
Mère Ubu:
--Eh! crois-tu en avoir fini avec Bougrelas?
Père Ubu:
--Sabre à finances, évidemment! que veux-tu qu'il me fasse, ce petit sagouin de quatorze ans?
Mère Ubu:
--Père Ubu, fais attention à ce que je te dis. Crois-moi, tache de t'attacher Bougrelas par tes bienfaits.
Père Ubu:
--Encore de l'argent à donner. Ah! non, du coup! vous m'avez fait gacher bien vingt-deux millions.
Mère Ubu:
--Fais à ta tête, Père Ubu, il t'en cuira.
Père Ubu:
--Eh bien, tu seras avec moi dans la marmite.
Mère Ubu:
--écoute, encore une fois, je suis s?re que le jeune Bougrelas l'emportera, car il a pour lui le bon droit.
Père Ubu:
--Ah! saleté! le mauvais droit ne vaut-il pas le bon? Ah! tu m'injuries, Mère Ubu, je vais te mettre en morceaux. (La Mère Ubu se sauve poursuivie par Ubu.)

Scène II
La grande salle du palais.
PèRE UBU, MèRE UBU, OFFICIERS & SOLDATS, GIRON, PILE, COTICE, NOBLES encha?nés, FINANCIERS, MAGISTRATS, GREFFIERS.
Père Ubu:
--Apportez la caisse à Nobles et le crochet à Nobles et le couteau à Nobles et le bouquin à Nobles! ensuite, faites avancer les Nobles.
(On pousse brutalement les Nobles.)
Mère Ubu:
--De grace, modère-toi, Père Ubu.
Père Ubu:
--J'ai l'honneur de vous annoncer que pour enrichir le royaume je vais faire périr tous les Nobles et prendre leurs biens.
Nobles:
--Horreur! à nous, peuple et soldats!
Père Ubu:
--Amenez le premier Noble et passez-moi le crochet à Nobles. Ceux qui seront condamnés à mort, je les passerai dans la trappe, ils tomberont dans les sous-sols du Pince-Porc et de la Chambre-à-Sous, où on les décervelera.--(Au Noble.) Qui es-tu, bouffre?
Le Noble:
--Comte de Vitepsk.
Père Ubu:
--De combien sont tes revenus?
Le Noble:
--Trois millions de rixdales.
Père Ubu:
--Condamné! (Il le prend avec le crochet et le passe dans le trou.)
Mère Ubu:
--Quelle basse férocité!
Père Ubu:
--Second Noble, qui es-tu? (Le Noble ne répond rien.) Répondras-tu, bouffre?
Le Noble:
--Grand-duc de Posen.
Père Ubu:
--Excellent! excellent! Je n'en demande pas plus long. Dans la trappe. Troisième Noble, qui es-tu? tu as une sale tête.
Le Noble:
--Duc de Courlande, des villes de Riga,
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