Ubu Roi | Page 4

Alfred ry
se fait entendre au dehors.)
Bougrelas:
--Ah! que vois-je? Mes deux frères poursuivis par le Père Ubu et ses hommes.
La Reine:
--O mon Dieu! Sainte Vierge, ils perdent, ils perdent du terrain!
Bougrelas:
--Toute l'armée suit le Père Ubu. Le Roi n'est plus là. Horreur! Au secours!
La Reine:
Voilà Boleslas mort! Il a re?u une balle.
Bougrelas:
--Eh! (Ladislas se retourne.) Défends-toi! Hurrah, Ladislas.
La Reine:
--Oh! Il est entouré.
Bougrelas:
--C'en est fait de lui. Bordure vient de le couper en deux comme une saucisse.
La Reine:
--Ah! Hélas! Ces furieux pénètrent dans le palais, ils montent l'escalier.
(La clameur augmente.)
La Reine & Bougrelas (à genoux):
--Mon Dieu, défendez-nous.
Bougrelas:
--Oh! ce Père Ubu! le coquin, le misérable, si je le tenais...

Scène IV
LES MêMES, la porte est défoncée, le PèRE UBU & les forcenés pénètrent.
Père Ubu:
--Eh! Bougrelas, que me veux-tu faire?
Bougrelas:
--Vive Dieu! je défendrai ma mère jusqu'à la mort! Le premier qui fait un pas est mort.
Père Ubu:
--Oh! Bordure, j'ai peur! laissez-moi m'en aller.
Un Soldat avance:
--Rends-toi, Bougrelas!
Le jeune Bougrelas:
--Tiens, voyou! voilà ton compte! (Il lui fend le crane.)
La Reine:
--Tiens bon, Bougrelas, tiens bon!
Plusieurs avancent:
--Bougrelas, nous te promettons la vie sauve.
Bougrelas:
--Chenapans, sacs à vins, sagouins payés!
(Il fait le moulinet avec son épée et en fait un massacre.)
Père Ubu:
--Oh! je vais bien en venir à bout tout de même!
Bougrelas:
--Mère, sauve-toi par l'escalier secret.
La Reine:
--Et toi, mon fils, et toi?
Bougrelas:
--Je te suis.
Père Ubu:
--Tachez d'attraper la reine. Ah! la voilà partie. Quant à toi, misérable!... (Il s'avance vers Bougrelas.)
Bougrelas:
--Ah! vive Dieu! voilà ma vengeance! (Il lui découd la boudouille d'un terrible coup d'épée.) Mère, je te suis! (Il dispara?t par l'escalier secret.)

Scène V
Une caverne dans les montagnes.
Le jeune BOUGRELAS entre suivi de ROSEMONDE.
Bougrelas:
--Ici nous serons en s?reté.
La Reine:
--Oui, je le crois! Bougrelas, soutiens-moi! (Elle tombe sur la neige.)
Bougrelas:
--Ha! qu'as-tu, ma mère?
La Reine:
--Je suis bien malade, crois-moi, Bougrelas. Je n'en ai plus que pour deux heures à vivre.
Bougrelas:
--Quoi! le froid t'aurait-il saisie?
La Reine:
--Comment veux-tu que je résiste à tant de coups? Le roi massacré, notre famille détruite, et toi, représentant de la plus noble race qui ait jamais porté forcé de t'enfuir dans les montagnes comme un contrebandier.
Bougrelas:
--Et par qui, grand Dieu! par qui? Un vulgaire Père Ubu, aventurier sorti on ne sait d'où, vile crapule, vagabond honteux! Et quand je pense que mon père l'a décoré et fait comte et que le lendemain ce vilain n'a pas eu honte de porter la main sur lui.
La Reine:
--O Bougrelas! Quand je me rappelle combien nous étions heureux avant l'arrivée de ce Père Ubu! Mais maintenant, hélas! tout est changé!
Bougrelas:
--Que veux-tu? Abondons avec espérance et ne renon?ons jamais à nos droits.
La Reine:
--Je te le souhaite, mon cher enfant, mais pour moi je ne verrai pas cet heureux jour.
Bougrelas:
--Eh! qu'as-tu? Elle palit, elle tombe, au secours! Mais je suis dans un désert! O mon Dieu! son coeur ne bat plus. Elle est morte! Est-ce possible? Encore une victime du Père Ubu! (Il se cache la figure dans les mains et pleure.) O mon Dieu! qu'il est triste de se voir seul à quatorze ans avec une vengeance terrible à poursuivre! (Il tombe en proie au plus violent désespoir.)
(Pendant ce temps les Ames de Venceslas, de Boleslas, de Ladislas, de Rosemonde entrent dans la grotte, leurs Ancêtres les accompagnent et remplissent la grotte. Le plus vieux s'approche de Bougrelas et le réveille doucement.)
Bougrelas:
--Eh! que vois-je? toute ma famille, mes ancêtres... Par quel prodige?
L'Ombre:
--Apprends, Bougrelas, que j'ai été pendant ma vie le seigneur Mathias de K?nigsberg, le premier roi et le fondateur de la maison. Je te remets le soin de notre vengeance. (Il lui donne une grande épée.) Et que cette épée que je te donne n'ait de repos que quand elle aura frappé de mort l'usurpateur.
(Tous disparaissent, et Bougrelas reste seul dans l'attitude de l'extase.)

Scène VI
Le palais du roi.
PèRE UBU, MèRE UBU, CAPITAINE BORDURE
Père Ubu:
--Non, je ne veux pas, moi! Voulez-vous me ruiner pour ces bouffres?
Capitaine Bordure:
--Mais enfin, Père Ubu, ne voyez-vous pas que le peuple attend le don de joyeux avènement?
Mère Ubu:
--Si tu ne fais pas distribuer des viandes et de l'or, tu seras renversé d'ici deux heures.
Père Ubu:
--Des viandes, oui! de l'or, non! Abattez trois vieux chevaux, c'est bien bon pour de tels sagouins.
Mère Ubu:
--Sagouin toi-même! Qui m'a bati un animal de cette sorte?
Père Ubu:
--Encore une fois, je veux m'enrichir, je ne lacherai pas un sou.
Mère Ubu:
--Quand on a entre les mains tous les trésors de la Pologne.
Capitaine Bordure:
--Oui, je sais qu'il y a dans la chapelle un immense trésor, nous le distribuerons.
Père Ubu:
--Misérable, si tu fais ?a!
Capitaine Bordure:
--Mais, Père Ubu, si tu ne fais pas de distributions le peuple ne voudra pas payer les imp?ts.
Père Ubu:
--Est-ce bien vrai?
Mère Ubu:
--Oui, oui!
Père Ubu:
--Oh, alors je consens à tout. Réunissez trois millions, cuisez cent cinquante boeufs et moutons, d'autant plus que j'en aurai aussi!
(Ils sortent.)

Scène VII
La cour du palais pleine de Peuple.
PèRE UBU couronné, MèRE UBU, CAPITAINE BORDURE, LARBINS chargés de viande.
Peuple:
--Voilà le Roi! Vive
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 18
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.