qu'une seconde.?
LE BANQUET DES ��VENTUALISTES
Un peu de caf��, apr��s d?ner, fait qu'on s'estime. LUC DE CLAPIERS, marquis DE VAUVENARGUES.
A Madame M��ry LAURENT
Le banquet annuel des ��ventualistes, sous la Haute-pr��sidence du docteur Tribulat Bonhomet, s'achevait en toasts paisibles.
C'��tait l'instant d��licieux o��, l'un l'autre, en se souriant, l'on boit aux ?id��es? dont on daigne se croire, ici-bas, le principal, sinon l'unique-d��positaire. D'urgentes questions bio-sociologiques venaient d'��tre d��battues: il va sans dire que les noms de Stuart Mill, de Bain, de Smith et de Herbert Spencer,--donnant du lustre aux douces banalit��s que leur attribuaient leurs insoucieux citateurs,--avaient sillonn�� maintes p��riodes, comme des lueurs dans la nuit.
Les esprits, maintenant, se laissaient nonchalamment aller au cours de ces controverses courtoises dont les gens de go?t savent stimuler leurs digestions ��clair��es.
Soudain, la causerie (g��n��rale quoique intime), sur on ne sait trop quelle interruption, devint ALARMISTE. Et, quand le caf�� parut, le mot sonore par excellence, et cependant de syllabes si moelleuses, le mot ?dynamite? (horreur!) fut prononc��.
?--La mis��re parisienne allait, s'aggravant: plus d'issue, les produits exc��dant les besoins, et les bruits belliqueux n'��tant pas de nature �� rassurer la pusillanimit�� du num��raire. Rien ne semblait plus... assis. Les plus lucides, les plus didactiques explications de la crise pr��sente commen?aient, elles-m��mes, �� sembler peu nourrissantes aux int��ress��s. ?--Les meneurs de la presse radicale, aiguillonnant sans cesse le taureau populaire, �� la longue un concert d'explosifs,--de nouveaux et terribles explosifs,--pouvait, d'un moment �� l'autre, troubler la paix publique. Oui. De r��cents proc��s,--o�� les accus��s, appuy��s d'un auditoire mena?ant, avaient parl�� de faire tout sauter, osant m��me pr��tendre, en pleine cour d'assises, que l'honorable pr��sident et ses assesseurs en tremblaient ?SUR LEURS TIBIAS?,--d��montraient l'irritation des n��cessiteux. D��j��, dans tels clubs des banlieues, on ne r��vait que de dynamiter, de panclastiter m��me, ou de m��linitiner, comme par distraction,--?pour voir ce que ?a donnerait,?--le Corps l��gislatif, le S��nat, la Pr��fecture de police, l'��lys��e, etc., etc. L'on ne parlait que de miner les synagogues, les isra��lites paraissant ��tre les gens les plus �� leur aise,--partant les plus coupables. L'id��e, ��mise d'abord en se jouant, passait, insensiblement,--il fallait bien se l'avouer,--�� l'��tat de projet!... Des listes de massacres partiels ��taient dress��es; les enfants anarchistes d��j�� les r��citaient �� titre de pri��res du soir...--Bref, apr��s quelques grands froids, fin courant peut-��tre, une s��dition--bien autrement s��rieuse que celle de 1871 (l'ennemi ne cernant plus la capitale)--pouvait...?
--En v��rit��, messieurs, je cherche, vainement, un euph��misme pour vous laisser entendre que vous raisonnez, ici, positivement, comme des fromages! s'��cria le docteur Tribulat Bonhomet, (en att��nuant, de son plus onctueux sourire, ce que le ton de sa remarque pouvait pr��senter d'imparlementaire).--Vous oubliez que la profondeur, la prudence et l'��nergie madr��e de nos gouvernants, ont su neutraliser, d'AVANCE, toute possibilit�� d'insurrection, m��me partielle,--grace �� certaine mesure pr��ventive, prophylactique, si vous le pr��f��rez, d'une simplicit�� vraiment g��niale--et dont les r��sultats pacificateurs sont litt��ralement magiques.
--Quelle mesure? s'��cri��rent les convives en ouvrant de grands yeux.
--Ah! vous ne l'avez pas remarqu��e?... continua le pr��sident:--eh bien!--je suis heureux de vous la r��v��ler. Si, de prime abord, elle peut sembler anodine (et c'est l�� sa force) �� quelques esprits superficiels, je d��clare qu'on demeure, en v��rit��, momifi�� d'admiration pour peu qu'on se donne la peine d'en observer les cons��quences.--Il s'agit, tout bonnement, du d��cret, d��j�� vieillot, qui autorise les mille et mille beuveries, cabarets, caf��s et tavernes de la Capitale �� ne forclore leurs auvents que sur les deux heures de la nuit.
--Eh bien?... Apr��s?... murmur��rent les ��ventualistes, ��tonn��s de la solennit�� d'intonation de l'��minent th��rapeute.
--Apr��s?... r��pondit celui-ci:--suivez, je vous prie, ce raisonnement, dont, encore un coup, la miraculeuse banalit�� a cela de mortel qu'elle ne peut sembler qu'un paradoxe.
Puissiez-vous, (enfin!) vous p��n��trer de cette v��rit�� disparue des m��moires: le jour n'a que 24 heures.
Partons de ce principe.--Or, lorsqu'un homme se couche avant minuit et se l��ve sur les sept heures du matin, cet homme a le regard clair, l'esprit en ��veil, le bras solide et repos��;--il peut, s��rieusement, s'int��resser aux affaires de son pays... (tout en vaquant fructueusement aux siennes).
Si cet homme prend, au contraire, le pli de ne s'endormir (et de quel sommeil!) que sur les trois heures du matin, ceci le m��ne, voyez-vous, �� D��JEUNER BIEN TARD!... L'on s'est r��veill�� l'oeil terne, l'on baille, l'on hausse les sourcils, l'heure passe,--la journ��e est perdue. Les soucis, augment��s par de plus qu'inutiles d��penses de liquides, deviennent plus pressants:--bref, l'��meute, si elle fut projet��e la veille, est remise �� huitaine,--in-d��-fi-ni-ment.
En quinze ann��es, l'on obtient, ainsi, une exemplaire population de songe-creux, dont la force morale et physique se dilue, chaque soir, jusqu'aux deux tiers de la nuit, au milieu d'une brume de nicotine, en vaines discussions, en oiseuses professions de foi, r��solutions chim��riques et st��riles crispations de poings: les propos sont touss��s au-dessus de verres de bi��re ou d'alcool--et s'envolent. R��sultat, pour une capitale, en quinze ans,
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