Traduction nouvelle, Tome II | Page 6

Aristophanes
CHOEUR.
Que chacun reprenne son rang à la même place; déposez votre courage
et votre colère, comme un hoplite, et informons-nous quelles sont ces
gens, d'où ils viennent, et dans quelle intention. Ohé! la Huppe, je

t'appelle.
LA HUPPE.
Tu m'appelles, et que veux-tu savoir?
LE CHOEUR.
Qui sont ces hommes? D'où viennent-ils?
LA HUPPE.
Deux étrangers de la sage Hellas.
LE CHOEUR.
Quelle aventure les a conduits chez les Oiseaux?
LA HUPPE.
Le goût de notre genre de vie, le désir d'habiter et de rester toujours
avec toi.
LE CHOEUR.
Que dis-tu? Et quels sont leurs propos?
LA HUPPE.
Incroyables, inouïs.
LE CHOEUR.
Voient-ils quel avantage peut résulter de leur séjour auprès de moi, et
qui les engage à demeurer ici pour avoir de quoi vaincre leur ennemi ou
rendre service à leurs amis?
LA HUPPE.

Ils parlent d'une grande félicité, indicible, incroyable; que tout est à toi
ici, là, partout, et ils s'efforcent de le prouver.
LE CHOEUR.
Sont-ils fous?
LA HUPPE.
On ne peut dire combien ils sont sensés.
LE CHOEUR.
Quoi! Ils ont leur bon sens?
LA HUPPE.
Les plus fins renards: subtilité, astuce, rouerie, fleur de ruse de la tête
aux pieds.
LE CHOEUR.
Qu'ils me parlent, qu'ils me parlent, fais-les venir. Car d'entendre d'eux
les choses que tu me dis, j'en ai des ailes au dos.
LA HUPPE.
Allons, toi et toi, reprenez cette armure, et suspendez-la, avec espoir de
la bonne chance, dans l'âtre, près de la crémaillère. Quant à toi, expose
à ceux-ci les projets en vue desquels je les ai réunis, parle.
PISTHÉTÆROS.
Non, par Apollôn! je n'en ferai rien, à moins qu'ils ne conviennent avec
moi d'une convention pareille à celle que fit avec sa femme ce singe de
fabricant d'épées, de ne point me mordre, de ne point m'arracher les
testicules, de ne pas me fouiller...
LE CHOEUR.

Le... Mais non, pas du tout.
PISTHÉTÆROS.
Non, je veux dire les deux yeux.
LE CHOEUR.
Je te le promets.
PISTHÉTÆROS.
Jure-le-moi à l'instant.
LE CHOEUR.
Je le jure, à condition que j'aurai les suffrages de tous les juges et de
tous les spectateurs.
PISTHÉTÆROS.
Convenu.
LE CHOEUR.
Et, si je manque de parole, de ne l'emporter que d'une voix.
LE HÉRAUT.
Écoutez, peuples! Que les hoplites reprennent leurs armes sur-le-champ,
qu'ils retournent chez eux et qu'ils voient ce que nous aurons inscrit sur
les tableaux.
LE CHOEUR.
Rusé toujours et partout, tel est le caractère essentiel de l'homme.
Parle-moi, cependant. Peut-être as-tu par devers toi quelque avis utile
que tu négliges de me dire, ou quelque moyen d'étendre ma puissance,
qui a échappé à mon manque de pénétration. Toi, dis-moi ce que tu

veux faire dans notre intérêt mutuel; car si tu réussis à me procurer
quelque avantage, le profit en sera commun. Et, d'abord, pour quel
motif es-tu venu? quelle a été ton intention? Dis-le hardiment; nous ne
romprons point la trêve avant de t'avoir entendu.
PISTHÉTÆROS.
De par Zeus! j'en brûle d'envie: j'ai un discours en pâte, que rien ne
m'empêche de pétrir. Esclave, apporte une couronne. De l'eau à verser
sur les mains! Qu'on me l'apporte vite.
EVELPIDÈS.
Est-ce que nous allons nous mettre à table, ou quelque chose comme
cela?
PISTHÉTÆROS.
Non, de par Zeus! mais j'essaie de dire quelque chose de grand, de
succulent, qui remue l'âme de ceux qui sont là: tant je souffre pour vous
qui, jadis, ayant été rois...
LA HUPPE.
Nous, rois? Et de qui?
PISTHÉTÆROS.
Vous! De tout ce qui existe; de moi, d'abord, de celui-ci et de Zeus
lui-même; car vous êtes plus anciens et plus vieux que Kronos, que les
Titans et que la Terre.
LA HUPPE.
Que la Terre?
PISTHÉTÆROS.
Oui, par Apollôn!

LA HUPPE.
De par Zeus! je ne m'en doutais pas.
PISTHÉTÆROS.
C'est que tu es un ignorant, un insouciant, et que tu n'as jamais feuilleté
Æsopos, qui dit que l'alouette naquit avant tous les autres oiseaux,
avant la Terre même; ensuite que son père mourut de maladie; que la
Terre n'existait pas encore; qu'il resta cinq jours sans sépulture; et
qu'elle, dans cet embarras, ensevelit son père dans sa tête.
EVELPIDÈS.
Ainsi, le père de l'alouette est maintenant enseveli à Képhalè?
PISTHÉTÆROS.
Eh bien! si les oiseaux ont précédé la Terre, précédé les dieux, leur
ancienneté ne légitime-t-elle pas leur royauté?
EVELPIDÈS.
Oui, par Apollôn! Il faut donc absolument que tu aiguises ton bec en
vue de l'avenir.
LA HUPPE.
Zeus ne se pressera pas de céder le sceptre au pivert.
PISTHÉTÆROS.
Que ce ne soient pas les dieux, mais les oiseaux qui, jadis, aient régné
sur les hommes, on en a beaucoup de preuves. Et tout d'abord je vous
citerai le coq qui, le premier, a été chef et souverain de tous les Perses,
avant Daréios et Mégabyzos: aussi l'appelle-t-on l'oiseau persan, à
cause de cette antique souveraineté.
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