Traduction nouvelle, Tome II | Page 5

Aristophanes

Popopopopopop! Où est celui qui m'a appelé? Dans quel endroit se
tient-il?
LA HUPPE.
Je suis ici depuis longtemps, et je ne lâche pas mes amis.
LE CHOEUR.
Tititititititititi! Quelle bonne idée as-tu à me communiquer?
LA HUPPE.
D'un intérêt commun, sûre, juste, agréable, utile. Deux hommes d'un
jugement délié sont venus ici me trouver.
LE CHOEUR.
Où? Comment? Que dis-tu?
LA HUPPE.
Je dis que, de chez les hommes, deux vieillards sont venus me parler
d'une affaire prodigieuse.
LE CHOEUR.
Oh! quelle faute! C'est la plus grosse depuis que je suis né! Que dis-tu?

LA HUPPE.
Que mes paroles ne t'effraient pas.
LE CHOEUR.
Qu'as-tu fait?
LA HUPPE.
J'ai accueilli deux hommes qui désirent vivement notre alliance.
LE CHOEUR.
Et tu as fait cela?
LA HUPPE.
Je l'ai fait, et je m'en réjouis.
LE CHOEUR.
Et ils sont maintenant chez nous?
LA HUPPE.
Comme je suis chez vous moi-même?
LE CHOEUR.
Ea! Ea! Trahison! Sacrilège! Un ami, nourri avec nous des produits de
nos campagnes, a violé nos antiques lois, violé les serments des oiseaux.
Il m'a attiré dans un piège, il m'a jeté en proie à une race impie qui,
depuis qu'elle existe, m'a déclaré la guerre. Nous aurons, plus tard, une
explication avec cet oiseau; mais il faut commencer par le châtiment de
ces deux vieillards et les mettre en pièces.
PISTHÉTÆROS.

C'en est fait de nous!
EVELPIDÈS.
C'est pourtant toi seul qui es la cause de tous les maux qui nous arrivent.
Pourquoi m'as-tu amené ici?
PISTHÉTÆROS.
Afin de t'avoir pour compagnon.
EVELPIDÈS.
Pour me faire pleurer de grands malheurs.
PISTHÉTÆROS.
En vérité, tu radotes absolument. Comment pleureras-tu donc, quand
une fois tu auras les deux yeux arrachés?
LE CHOEUR.
Io! Io! En avant, attaque, élance-toi sur l'ennemi, verse le sang, déploie
tes ailes de toutes parts, enveloppe-le. Il faut qu'ils gémissent tous les
deux et qu'ils servent de pâture à notre bec. Il n'y a ni montagne
ombragée, ni nuage aérien, ni mer chenue, qui les dérobe à ma
poursuite. Hâtons-nous de les plumer et de les déchirer. Où est le
taxiarkhe? Qu'il lance l'aile droite!
EVELPIDÈS.
Nous y voilà! Où fuirai-je, infortuné?
PISTHÉTÆROS.
Eh! l'ami! Tu ne tiens pas bon?
EVELPIDÈS.

Pour être écharpé par ce monde-là?
PISTHÉTÆROS.
Et comment te figures-tu leur échapper?
EVELPIDÈS.
Je ne sais pas trop comment.
PISTHÉTÆROS.
Moi, je te dirai qu'il faut combattre de pied ferme et prendre les
marmites.
EVELPIDÈS.
A quoi ces marmites nous serviront-elles?
PISTHÉTÆROS.
La chouette ne nous attaquera pas.
EVELPIDÈS.
Mais ces oiseaux armés de serres crochues?
PISTHÉTÆROS.
Empoigne la broche et brandis-la devant toi.
EVELPIDÈS.
Et mes yeux?
PISTHÉTÆROS.
Couvre-les avec ce vinaigrier ou avec ce plat.
EVELPIDÈS.

O homme de génie, quelle bonne invention, quel stratagème! Tu
l'emportes sur Nikias, en fait de machines.
LE CHOEUR.
Eleleleu! En avant, bec baissé: pas de délai! tire, déchire, frappe,
écorche, et casse d'abord la marmite.
LA HUPPE.
Mais, dites-moi, vous les plus cruels de tous les animaux, pourquoi
voulez-vous mettre à mal ces deux hommes qui ne vous ont rien fait, et
déchirer des gens de la parenté et de la tribu de ma femme?
LE CHOEUR.
Devons-nous les épargner plus que des loups? De quels autres plus
grands ennemis tirerions-nous vengeance?
LA HUPPE.
Mais s'ils sont vos ennemis de race, ils sont vos amis de coeur, et c'est
pour vous donner un conseil utile qu'ils viennent vers vous.
LE CHOEUR.
Quel conseil utile pourraient nous donner, quelle parole nous faire
entendre, ceux qui furent les ennemis de nos pères?
LA HUPPE.
Mais, certes, c'est de leurs ennemis que les sages apprennent le plus. La
prudence sauve tout. D'un ami on n'a rien à apprendre; un ennemi vous
y contraint. Et d'abord les cités ont appris de leurs ennemis, et non de
leurs amis, à bâtir des murailles élevées, à construire des vaisseaux
longs: et cette science sauve nos enfants, notre ménage, notre avoir.
LE CHOEUR.

Eh bien! écoutons leurs paroles, c'est notre avis: nous y trouvons
avantage; on peut entendre quelque sage conseil de la bouche même de
ses ennemis.
PISTHÉTÆROS.
Ils ont l'air de se relâcher de leur colère. Retire ta jambe en arrière.
LA HUPPE.
C'est justice, et vous m'en devez de la reconnaissance.
LE CHOEUR.
Non, jamais jusqu'ici, en aucune affaire, nous ne t'avons été opposés.
PISTHÉTÆROS.
Plus pacifique est leur conduite envers nous. La marmite et les deux
plats, pose-les à terre. La lance ou plutôt la broche en main,
promenons-nous à l'intérieur du camp, l'oeil sur la marmite, et de près,
car il ne faut pas fuir.
EVELPIDÈS.
A merveille; mais, si nous mourons, en quel endroit de la terre
serons-nous enterrés?
PISTHÉTÆROS.
Le Kéramique nous recevra. Pour être enterrés aux frais de l'État, nous
dirons aux stratèges que c'est en combattant contre les ennemis que
nous sommes morts à Ornéæ.
LE
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