Traduction nouvelle, Tome II | Page 2

Aristophanes
la recherche d'un lieu tranquille, où nous puissions
nous établir et séjourner. Nous nous dirigeons du côté de Tèreus la
huppe, pour le prier de nous dire si, dans la région où il a porté son vol,
il a vu quelque part cette sorte de ville.
PISTHÉTÆROS.
Holà! hé!

EVELPIDÈS.
Qu'est-ce donc?
PISTHÉTÆROS.
Depuis longtemps la corneille m'indique quelque chose là-haut.
EVELPIDÈS.
Et ce geai aussi ouvre le bec comme pour me montrer quelque chose. Il
n'est pas possible qu'il n'y ait pas par là des oiseaux. Nous le saurons
tout de suite en faisant du bruit.
PISTHÉTÆROS.
Alors, sais-tu ce qu'il faut faire? Heurte ta jambe contre cette roche.
EVELPIDÈS.
Et toi ta tête; ce sera un double bruit.
PISTHÉTÆROS.
Alors, toi, une pierre; prends et frappe.
EVELPIDÈS.
Très bien, si cela te plaît. Esclave, esclave!
PISTHÉTÆROS.
Que dis-tu? Au lieu de la Huppe, tu appelles: «Esclave!» En place
d'«Esclave!» il te fallait crier: «Epopoï!»
EVELPIDÈS.
Epopoï! Veux-tu que je frappe encore une fois? Epopoï!

LE ROITELET.
Quels sont ces gens? Qui est-ce qui crie en appelant mon maître?
EVELPIDÈS.
Apollôn sauveur, quelle ouverture de bec!
LE ROITELET.
Malheur à moi! ce sont deux oiseleurs!
EVELPIDÈS.
Voilà un être affreux et d'une vilaine conversation!
LE ROITELET.
Allez tous deux à la malheure!
EVELPIDÈS.
Mais nous ne sommes pas des hommes!
LE ROITELET.
Qu'êtes-vous donc?
EVELPIDÈS.
Je suis le Peureux, oiseau de Libyè.
LE ROITELET.
Des contes!
EVELPIDÈS.
Regarde plutôt à mes pieds.

LE ROITELET.
Et l'autre? Quel oiseau est-ce? Tu ne parles pas?
PISTHÉTÆROS.
Je suis l'Emmerdé, oiseau du Phasis.
EVELPIDÈS.
Et toi, quel animal es-tu, au nom des dieux?
LE ROITELET.
Je suis un oiseau esclave.
EVELPIDÈS.
Tu as été vaincu par quelque coq?
LE ROITELET.
Non pas; mais lorsque mon maître est devenu huppe, il demanda que,
moi aussi, je devinsse oiseau, afin d'avoir un compagnon et un
serviteur.
EVELPIDÈS.
Est-ce qu'un oiseau a besoin d'un serviteur?
LE ROITELET.
Lui, du moins, je le crois, parce que jadis il était homme. Tantôt il veut
manger des anchois de Phalèron; je cours lui chercher des anchois dans
une écuelle; tantôt il désire de la purée: il lui faut une cuillère et une
marmite; je cours chercher la cuillère.
EVELPIDÈS.

C'est un coureur que cet oiseau. Sais-tu ce qu'il te faut faire, Roitelet?
Appelle-nous ton maître.
LE ROITELET.
Mais, de par Zeus! il vient de s'endormir, après avoir mangé des baies
de myrte et quelques moucherons.
EVELPIDÈS.
Malgré cela, éveille-le!
LE ROITELET.
Je suis sûr qu'il va se mettre en colère; mais, pour vous plaire, je
l'éveillerai. (Il sort.)
PISTHÉTÆROS, au Roitelet qui s'en va.
Puisses-tu périr de malemort, toi qui as failli me tuer.
EVELPIDÈS.
Ah! malheureux que je suis! mon geai s'est envolé de frayeur.
PISTHÉTÆROS.
Tu es bien le plus lâche des animaux: ta frayeur a fait partir le geai.
EVELPIDÈS.
Dis-moi, toi-même n'as-tu pas fait partir la corneille, en tombant?
PISTHÉTÆROS.
Non pas, de par Zeus!
EVELPIDÈS.

Où est-elle alors?
PISTHÉTÆROS.
Elle s'est envolée.
EVELPIDÈS.
Et tu ne l'as pas fait partir! O mon bon, comme tu es brave!
LA HUPPE.
Ouvre l'huis, pour que je sorte.
EVELPIDÈS.
Par Hèraklès! quel est cet animal? Quel plumage! Quel appendice de
triple aigrette!
LA HUPPE.
Quelles sont ces gens qui me cherchent?
EVELPIDÈS.
Les douze dieux semblent t'avoir mis en piteux état.
LA HUPPE.
Ne vous riez pas de moi en voyant mon plumage! Car, ô étrangers,
autrefois j'étais homme.
EVELPIDÈS.
Nous ne rions pas de toi.
LA HUPPE.
Mais de quoi?

EVELPIDÈS.
Ton bec nous paraît risible.
LA HUPPE.
C'est pourtant comme cela que Sophoklès me traite indignement dans
ses tragédies, moi Tèreus.
EVELPIDÈS.
Tu es donc Tèreus? Simple oiseau ou paon?
LA HUPPE.
Oiseau.
EVELPIDÈS.
Où sont donc tes plumes?
LA HUPPE.
Elles sont tombées.
EVELPIDÈS.
Est-ce par suite de quelque maladie?
LA HUPPE.
Non; mais, en hiver, tous les oiseaux muent, et nous reprenons ensuite
d'autres plumes. Mais vous deux, dites-moi, qui êtes-vous?
EVELPIDÈS.
Nous? Des mortels.
LA HUPPE.

De quel pays?
EVELPIDÈS.
De celui où sont les belles trières.
LA HUPPE.
Êtes-vous hèliastes?
EVELPIDÈS.
Absolument le contraire: antihèliastes.
LA HUPPE.
On sème donc là-bas de cette graine?
EVELPIDÈS.
Tu n'en recueillerais pas beaucoup en cherchant dans nos champs.
LA HUPPE.
Quelles pressantes affaires vous ont fait venir ici?
EVELPIDÈS.
Le désir de converser avec toi.
LA HUPPE.
Et pourquoi?
EVELPIDÈS.
Parce que, d'abord, tu as été homme comme nous, jadis; parce que tu as
dû de l'argent, comme nous, jadis; parce que tu aimais à ne pas le
rendre, comme nous, jadis. Puis, ayant changé ta nature en celle

d'oiseau, tu as promené ton vol circulaire sur la terre et sur la mer. Et
c'est la raison pour laquelle tu as l'intelligence de l'homme mêlée à celle
de l'oiseau. Aussi sommes-nous venus ici tous deux vers toi te prier de
nous
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