Traduction nouvelle, Tome I | Page 3

Aristophanes
de la phrase grecque, si l'on a l'esprit plus solide que leste, plus grave que joyeux? Qu'un savant hell��niste puisse trouver �� reprendre dans la traduction d'Eschyle par Leconte de Lisle, je ne suis pas en ��tat de le nier, non plus que de l'affirmer, mais, s'il le pouvait, sa critique, j'ose en r��pondre, ne porterait pas sur l'essentiel selon les po��tes. Il aura beau ��tre plus intimement initi�� au lexique propre du tragique ancien, je le mets au d��fi, sans la moindre h��sitation, de s'en faire lui-m��me un ��cho plus fid��le que notre po��te fran?ais. Celui-ci avait scrut�� la condition humaine, reconnu la souverainet�� du malheur, l'impuissance affreuse �� le vaincre, l'horreur de la vie terrestre; il en couvait une id��e atroce, spontan��ment ��close de ses propres tourments. Aussi les clameurs tragiques retentissaient-elles comme d'elles-m��mes dans les profondeurs douloureuses de son ame jalousement ferm��e. D'autre part il avait le rire sarcastique, la plaisanterie hautaine et mordante, s'attaquant moins, toutefois, �� l'homme mis��rable qu'�� son odieuse destin��e. Il associait toujours la force comique au blame; c'��tait l�� son affinit�� avec Aristophane. Mais, pour en ��tre le parfait interpr��te, peut-��tre lui aurait-il manqu�� la gaiet�� v��ritable, saine et vraiment virile, la gaiet�� grecque o�� l'on sent toujours plus ou moins, m��me �� travers la caricature, sinon sous la crudit�� cynique, respirer la grace, ne demeurat-elle sensible que dans le mouvement ais�� du vers.
Cette jovialit�� d'humeur, cette prestesse d'esprit ont pr��cis��ment trouv�� dans le naturel de M. Talbot des similitudes qui l'ont tr��s bien servi. Pour traduire, il n'avait pas �� s'oublier soi-m��me, �� se m��tamorphoser. Il lui suffisait de s'adapter, de grossir et d'ac��rer tour �� tour les traits de sa verve enjou��e pour donner �� ses lecteurs l'impression que leur donnerait Aristophane en personne ressuscit��, mais parlant fran?ais. On ne saurait, certes, demander davantage �� l'interpr��tation des anciens: elle ne peut, elle ne doit pas agir sur les contemporains de l'interpr��te comme le faisait l'auteur original sur les siens, sur les hommes �� qui jadis il s'adressait. Aussi faut-il nous r��signer �� ne pas toujours comprendre et go?ter ce qu'ils y prisaient. D'une autre race et d'un autre temps qu'eux, nous ne pouvons ��pouser toutes leurs mani��res d'��tre et de sentir. Il n'est donc pas s?r que notre admiration ait le m��me principe que la leur, et, �� cet ��gard, une bonne traduction, par son exactitude m��me, doit nous faire appr��cier la divergence irr��ductible entre le point de vue ancien et le moderne, tout essai de les concilier par des compromis, par des adoucissements et des att��nuations est une trahison; l�� est l'inf��riorit�� des traductions d'autrefois. Celles d'aujourd'hui permettent de constater la diversit�� et les vicissitudes des moeurs et du go?t, et par l�� leur propre valeur et l'estime qu'elles s'acqui��rent ��chappent �� ces fluctuations m��mes.
Tel est, �� mon avis, le m��rite et telle sera, je n'en doute pas, la r��compense du pr��sent ouvrage.
SULLY PRUDHOMME.

LES AKHARNIENS
(L'AN 426 AVANT J.-C.)
Cette pi��ce, compos��e en vue de ramener la paix, a pour principal personnage un charbonnier du bourg d'Acharnes, nomm�� Dik?opolis (le bon citoyen), qui, en vertu d'un trait�� particulier pass�� avec les Lac��d��moniens, est �� l'abri, ainsi que sa famille, de tous les maux de la guerre, tandis que les autres Acharniens, ��gar��s par Cl��on et Lamachos, sont en proie aux vexations et au pillage.

PERSONNAGES DU DRAME
DIK?OPOLIS. UN H��RAUT. AMPHITH��OS. UN PRYTANE. ENVOY��S DES ATH��NIENS, revenant d'aupr��s du roi de Perse. PSEUDARTABAS. TH��OROS. CHOEUR DE VIEILLARDS AKHARNIENS. FEMME DE DIK?OPOLIS. FILLE DE DIK?OPOLIS. K��PHISOPH?N. EURIPID��S. LAMAKHOS. UN M��GARIEN. DEUX FILLES DU M��GARIEN. UN SYKOPHANTE. UN BOEOTIEN. NIKARKHOS. UN SERVITEUR DE LAMAKHOS. UN LABOUREUR. UN PARANYMPHE. MESSAGERS.
La sc��ne se passe sur l'Agora, puis devant la maison de Dik?opolis.

LES AKHARNIENS
DIK?OPOLIS.
Que de fois j'ai ��t�� mordu au coeur! Et de plaisirs bien peu, tout �� fait peu! Quatre! Mais de douleurs, un amoncellement de sables �� la hauteur des Gargares! Voyons donc: qui m'a ��t�� un juste sujet de joie? Oui, je vois pourquoi j'ai eu l'ame r��jouie: c'est quand Kl��?n a revomi les cinq talents. Quel bonheur j'en ai ressenti! Et j'aime les Chevaliers pour ce service: il fait honneur �� la Hellas, mais bient?t j'ai ��prouv�� une douleur tragique: la bouche b��ante, j'attendais de l'?skhylos, quand un homme crie: ?Th��ognis, fais entrer le Choeur!? Comment croyez-vous que ce coup m'ait frapp�� l'ame? Mais voici pour moi une autre joie, lorsque, concourant pour un veau, Dexith��os s'avan?a et joua un air boeotien. Cette ann��e-ci, au contraire, je vis que j'��tais mort, mis en lambeaux, lorsque Kh?ris pr��luda sur le mode orthien. Mais jamais, depuis que je vais aux bains, la paupi��re ne m'a piqu�� les sourcils comme aujourd'hui: c'est jour d'assembl��e r��guli��re: voici le matin, et la Pnyx est encore d��serte. On bavarde sur l'Agora: en haut, en bas, on ��vite la corde rouge.
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