voulu, suivant l'expression de Barère, parlant au nom des survivants du Comité de Salut public, ?arrêter le cours terrible, majestueux de la Révolution??
Eh bien! l'histoire inflexible répond que c'est Robespierre.
Mais M. Sardou se soucie bien de la vérité historique. Aux gémonies les vaincus de Thermidor! et vive Carnot! dont le petit-fils occupe aujourd'hui, si correctement d'ailleurs, la première magistrature de la République.
Ah! les vainqueurs de Thermidor! écoutez ce que l'on en pensait, non pas sous la République, mais en pleine Restauration. Voici ce qu'écrivait Charles Nodier, en 1829, dans la _Revue de Paris_: ?La nouvelle du 9 thermidor, parvenue dans les départements de l'Est, développa un vague sentiment d'inquiétude parmi les républicains exaltés, qui ne comprenaient pas le secret de ces événements, et qui craignaient de voir tomber ce grand oeuvre de la Révolution avec la renommée prestigieuse de son héros, car derrière cette réputation d'incorruptible vertu qu'un fanatisme incroyable lui avait faite, il ne restait plus un seul élément de popularité universelle auquel les doctrines flottantes de l'époque pussent se rattacher. Hélas! se disait-on à mi-voix, qu'allons-nous devenir? Nos malheurs ne sont pas finis puisqu'il nous reste encore des amis et des parents et que MM. Robespierre sont morts! Et cette crainte n'était pas sans motifs, car le parti de Robespierre venait d'être immolé par le parti de la Terreur.?
Il faut croire que Charles Nodier, qui avait traversé la Révolution, était mieux à même que M. Sardou de juger sainement les choses.
Je sais bien que les supp?ts de la Terreur n'ont pas tardé à être dupés; que l'arme sanglante a passé de gauche à droite, et que la Terreur blanche s'est promptement substituée à la Terreur révolutionnaire. Mais la moralité du 9 thermidor n'en reste pas moins la même. Quiconque garde au coeur le culte de la Révolution, ne saurait avoir assez de mépris ?pour cet exécrable parti des Thermidoriens, qui, suivant l'expression du même Charles Nodier, n'arrachait la France à Robespierre que pour la donner au bourreau, et qui, trompé dans ses sanguinaires espérances, a fini par la jeter à la tête d'un officier téméraire; pour cette faction à jamais odieuse devant l'histoire qui a tué la République au coeur dans la personne de ses derniers défenseurs, pour se saisir sans partage du droit de décimer le peuple, et qui n'a même pas eu la force de profiter de ses crimes?. Les républicains de nos jours, qui font chorus avec ?cet exécrable parti des Thermidoriens?, feraient peut-être bien de méditer ces paroles du royaliste auteur des _Souvenirs de la Révolution et de l'Empire_.
Eh bien! ce qu'il importe de rétablir à cette heure, c'est la vérité toute nue sur le sanglant épisode de Thermidor.
C'est ce que je me suis efforcé de faire en remettant sous les yeux du lecteur l'histoire des faits dégagée de tout esprit de parti, l'histoire impartiale et sereine, qui ne se préoccupe que de rendre à tous et à chacun une exacte justice distributive.
Je ne saurais donc mieux terminer cette courte préface qu'en rappelant ces lignes que je tra?ais en 1859 à la fin du préambule de mon _Histoire de Saint-Just_, et dont je me suis inspiré dans mon _Précis de l'Histoire de la Révolution_:
?Quant à l'écrivain qui s'imposera la tache d'écrire sincèrement la vie d'un de ces grands acteurs, il ne devra jamais perdre de vue que tous les hommes de la Révolution qu'a dirigés un patriotisme sans arrière-pensée, ont un droit égal à son respect. Son affection et son penchant pour les uns ne devra diminuer en rien l'équité qu'il doit aux autres. S'il considère comme un devoir de se montrer sévère envers ceux qui n'ont vu dans la Révolution qu'un moyen de satisfaire des passions perverses, une ambition sordide, et qui ont élevé leur fortune sur les ruines de la liberté, il bénira sans réserve, tous ceux qui, par conviction, se sont dévoués à la Révolution, qu'ils s'appellent d'ailleurs Mirabeau ou Danton, Robespierre ou Camille Desmoulins, Carnot ou Saint-Just, Romme ou Couthon, Le Bas ou Merlin (de Thionville), Vergniaud ou Cambon. Il se rappellera que la plupart ont scellé de leur sang la fidélité à des principes qui eussent assuré dans l'avenir la grandeur et la liberté de la France, et qu'il n'a pas tenu à eux de faire triompher; il réconciliera devant l'histoire ceux que de déplorables malentendus ont divisés, mais qui tous ont voulu rendre la patrie heureuse, libre et prospère: son oeuvre enfin devra être une oeuvre de conciliation générale, parce que là est la justice, là est la vérité, là est le salut de la démocratie.?
ERNEST HAMEL
Mars 1891.
CHAPITRE PREMIER
Enfance et jeunesse de Robespierre.--Ses succès au barreau.--Son go?t pour les lettres.--La société des Rosati.--Discours sur les peines infamantes.--L'éloge de Gresset.--Robespierre est nommé député aux états-généraux.--Le suffrage universel.--Juifs et comédiens.-- Popularité de Robespierre.--La pétition Laclos.--Robespierre chez Duplay.--Triomphe de Robespierre.--Discussions sur
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.