Thermidor | Page 5

Ernest Hamel
la guerre.-- Dumouriez aux Jacobins.--Le bonnet rouge.--Le 10 ao?t.--Les massacres de septembre.--L'accusation de dictature.--Lutte entre la Gironde et la Montagne.--Le tribunal révolutionnaire.--Les 31 mai et 2 juin.--Les 73 girondins sauvés par Robespierre.--Voix d'outre tombe.--Le colossal effort de la France.--Lutte en faveur de la tolérance religieuse. --Maladie de Robespierre.--Fin de l'hébertisme.--Les Dantonistes sacrifiés.--Effet de la mort des Dantonistes.--Hoche et Robespierre.-- Reconnaissance de l'être suprême.
I.
Avant de mettre sous les yeux du public le drame complet de Thermidor, d'en exposer, à l'aide d'irréfutables documents, les causes déterminantes, et d'en faire pressentir les conséquences, il importe, pour l'intelligence des faits, d'esquisser rapidement la vie de l'homme qui en a été la principale victime et qui est tombé, entra?nant dans sa chute d'incomparables patriotes et aussi, hélas! les destinées de la République.
Maximilien-Marie-Isidore de Robespierre naquit à Arras le 6 mai 1758[2]. Sa famille était l'une des plus anciennes de l'Artois. Son père et son grand-père avaient exercé, l'un et l'autre, la profession d'avocat au conseil provincial d'Artois. Sa mère, femme d'une grace et d'un esprit charmants, mourut toute jeune encore, laissant quatre enfants en bas age, deux fils et deux filles. Le père, désespéré, prit en dégo?t ses affaires; il voyagea pour essayer de faire diversion à sa douleur, et, peu de temps après, il mourut à Munich, dévoré par le chagrin.
[Note 2: Nous empruntons, en partie, cette esquisse de la vie de Robespierre à la Biographie universelle de Michaud (nouvelle édition), pour laquelle nous avons écrit, il y a une trentaine d'années, les articles Robespierre a?né, Robespierre jeune, Charlotte Robespierre, etc.]
Maximilien avait un peu plus de neuf ans; c'était l'a?né de la famille. D'étourdi et de turbulent qu'il était, il devint étonnamment sérieux et réfléchi, comme s'il e?t compris qu'il était appelé à devenir le soutien de ses deux soeurs et de son jeune frère.
On le mit d'abord au collège d'Arras; puis bient?t, par la protection de M. de Conzié, évêque de la ville, il obtint une bourse au collège Louis-le-Grand. Il y fut le plus laborieux des élèves, le plus soumis des écoliers, et, chaque année, son nom retentissait glorieusement dans les concours universitaires. Il y avait en lui comme une intuition des vertus républicaines. Son professeur de rhétorique, le doux et savant M. Hérivaux, l'avait surnommé le Romain.
Ses études classiques terminées, il fit son droit, toujours sous le patronage du collège Louis-le-Grand, dont l'administration, dès qu'il eut conquis tous ses grades, voulant lui donner une marque publique de l'estime et de l'intérêt qu'elle lui portait, décida, par une délibération en date du 19 juillet 1781 que, ?sur le compte rendu par M. le principal, des talents éminents du sieur de Robespierre, boursier du collège d'Arras, de sa bonne conduite pendant douze années et de ses succès dans le cours de ses classes, tant aux distributions de l'Université qu'aux examens de philosophie et de droit?, il lui serait alloué une gratification de six cents livres.
Après s'être fait recevoir avocat au parlement, il retourna dans sa ville natale, où une cause célèbre ne tarda pas à le mettre en pleine lumière. Il s'agissait d'un paratonnerre que M. de Bois-Valé avait fait élever sur sa maison et dont les échevins de Saint-Omer avaient ordonné la destruction comme mena?ant pour la s?reté publique. Robespierre, dans une fort belle plaidoirie, n'eut pas de peine à démontrer le ridicule d'une sentence ?digne des juges grossiers du quinzième siècle?, et il gagna son procès sur tous les points.
Nommé juge au tribunal criminel d'Arras par M. de Conzié, il donna bient?t sa démission, de chagrin d'avoir été obligé de prononcer une condamnation à mort, et il se consacra entièrement au barreau et aux lettres.
Ces dernières étaient son délassement favori. Il entra dans une société littéraire, connue sous le nom de _Société des Rosati_, dont faisait partie Carnot, alors en garnison à Arras, et avec lequel il noua des relations d'amitié, comme le prouve cette strophe d'une pièce de vers qu'il composa pour une des réunions de la société:
Amis, de ce discours usé, Concluons qu'il faut boire; Avec le bon ami Ruzé Qui n'aimerait à boire? A l'ami Carnot, A l'aimable Cot, A l'instant, je veux boire....
Peu de temps avant la Révolution, il était président de l'académie d'Arras. En 1784, la Société royale des arts et des sciences de Metz couronna un discours de lui sur les peines infamantes et l'opprobre qui en rejaillissait sur les familles des condamnés. L'année suivante, il écrivit un éloge de Gresset, où se trouvent quelques pages qui semblent le programme du romantisme et que l'on croirait détachées de la célèbre préface de Cromwell, s'il n'était pas antérieur de plus de trente ans au manifeste de Victor Hugo.
Cependant, on entendait retentir comme le bruit avant-coureur de la Révolution. A la nouvelle de la convocation des états-généraux, Robespierre publia une adresse au peuple artésien, qui n'était autre
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