Terre-Neuve et les Terre-Neuviennes | Page 6

Henri de la Chaume
qu'ils
passent sous sa royale domination. En 1604, le premier établissement
français est fondé, et Terre-Neuve et l'Acadie, aujourd'hui
Nouvelle-Écosse, sont à nous pendant tout le cours du dix-septième
siècle et jusqu'au traité d'Utrecht.
Une coalition nous les enlève pour les donner alors à l'Angleterre.
Durant cette période, toutes les places fortes de Terre-Neuve, et surtout
Saint-Jean, changent vingt fois d'occupants.

Enfin 1713 nous chasse définitivement de nos anciennes possessions,
ne nous laissant que les îles Saint-Pierre et Miquelon, et des droits de
pêche sur une partie des côtes de Terre-Neuve. Ces droits, qui nous
seront renouvelés dans la suite par plusieurs traités, méritent une étude
toute particulière, et que je renvoie à plus tard.
* * *
Quels traits me reste-t-il donc encore à marquer pour achever ce rapide
crayon de l'histoire terre-neuvienne?
Depuis cette époque troublée de guerres, rien n'a été plus paisible que
l'établissement et le développement des colons anglais. En 1855,
Terre-Neuve devint colonie indépendante. Il n'y eut plus de garnison
dans l'île, et à Saint-Jean (Saint-John's), la capitale, les seuls agents à la
disposition du pouvoir exécutif sont cinquante «policemen» tant à pied
qu'à cheval.
Tel est l'état actuel du pays dans lequel je vous ai conduit et dont je
m'efforce de vous bien faire les honneurs.
* * *
Quant à la résistance que les Indiens ont pu opposer à l'invasion de leur
île, on n'en a jamais entendu parler.
Tout ce qui reste aujourd'hui des premiers maîtres de Terre-Neuve se
réduit à une dizaine de familles d'aborigènes de la tribu des Micmacs.
Elles se sont groupées et forment un village sur un certain point de la
côte nord.
Du reste, fort inoffensifs et de caractère paisible, ils pêchent pendant
l'été et poursuivent en hiver les animaux à fourrures qui habitent le long
des rivières et l'intérieur des forêts si peu connues de l'île.
N'est-il pas étonnant que la «race née du sol» ait si rapidement disparu
dans un pays presque inexploré et sur lequel on en est encore réduit à se
faire une opinion basée sur l'hypothèse?

Car, ainsi que je vous l'ai dit, les côtes seules sont parfaitement connues,
et tous les établissements des Européens ont été fondés sur le bord de la
mer. Du reste, quoi de moins surprenant? Quelle est l'«attraction» qui a
amené et fixé ici ceux qui constituent désormais le peuple de
Terre-Neuve? La pêche, uniquement la pêche. C'est au phoque et à la
morue que ce pays doit sa colonisation. Sans la présence de ces mines
de richesses à exploiter pour l'industrie, ce serait encore un désert que
cette pauvre île au sol déshérité.
Toutes les villes, tous les villages ont la même origine, sinon les mêmes
fondateurs. Des marins sont venus, français d'abord et plus tard anglais,
qui ont cherché sur les côtes une baie, un havre offrant à la fois un abri
sûr à leurs navires et du bois pour la construction de leurs cabanes et
des échafauds nécessaires au séchage de la morue. Les côtes devinrent
mieux connues; on sut quels endroits le poisson avait coutume de
fréquenter le plus. Il se fit alors sur ces divers points des
agglomérations de pêcheurs. Quelques-uns hivernèrent et se mirent à
faire le commerce pour leur propre compte. Mais ils consommaient, et
le pays ne produisant rien, l'importation dut faire croisière avec
l'exportation entre Terre-Neuve et l'Europe. À côté des établissements
de pêche s'en élevèrent d'autres plus considérables, des habitations, des
magasins: le fondement d'une nouvelle nation était jeté.
* * *
À l'heure qu'il est, la population de toute l'île s'élève à environ cent
quatre-vingt mille habitants, la plupart Irlandais et Écossais d'origine.
Sur ce nombre, trente mille sont agglomérés à Saint-Jean. On en
compte de six à sept mille au Havre de Grâce et à Twilingate, qui sont,
après la capitale, les deux centres commerciaux les plus importants.
Je me bornerai à vous parler de Saint-Jean. Aussi bien est-ce la ville la
plus intéressante, et puis, c'est la seule que je connaisse.

CHAPITRE III

Durant la possession française, c'est Plaisance (Placentia), sur la côte
sud de l'île, qui était la capitale de Terre-Neuve. Et c'est sans doute à sa
situation privilégiée que Saint-Jean doit d'avoir détrôné son ancêtre. En
effet, la ville s'élève sur la côte sud-est, dans la presqu'île d'Avalon, au
point le plus rapproché de l'Europe.
Je vous en ai déjà décrit l'aspect, et vous savez aussi qu'elle a un port
naturel profond et abrité de tous les vents, le point le plus étroit du
goulet (the Narrows) ne mesurant pas plus de six cents pieds en largeur.
Le havre s'étend en longueur sur un mille et un quart et presque sur un
demi-mille en largeur. Au centre, la sonde descend jusqu'à
quatre-vingt-dix pieds. Tout autour des collines de cent quatre-vingts à
deux cents mètres
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