Tendresses impériales | Page 8

Napoleon Bonaparte
plus de ton cher Napoléon. Un caprice te l'a fait aimer, l'inconstance te le rend indifférent.
Accoutumé aux dangers, je sais le remède aux ennuis et aux maux de la vie. Le malheur que j'éprouve est incalculable; j'avais droit de n'y pas compter.
Je serai ici jusqu'au 9 dans la journée. Ne te dérange pas; cours les plaisirs; le bonheur est fait pour toi. Le monde entier est trop heureux s'il peut te plaire, et ton mari seul est bien, bien malheureux.
BONAPARTE.

LETTRE XVII
à Joséphine, à Gênes.
Milan, le 8 frimaire an V, 8 heures du soir (28 novembre 1796).
Je re?ois le courrier que Berthier avait expédié à Gênes. Tu n'as pas eu le temps de m'écrire, je le sens facilement. Environnée de plaisirs et de jeux, tu aurais tort de me faire le moindre sacrifice.
Berthier a bien voulu me montrer la lettre que tu lui as écrite. Mon intention n'est pas que tu déranges rien à tes calculs, ni aux parties de plaisir qui te sont offertes; je n'en vaux pas la peine et le bonheur ou le malheur d'un homme que tu n'aimes pas n'a pas le droit d'intéresser.
Pour moi, t'aimer seule, te rendre heureuse, ne rien faire qui puisse te contrarier, voilà le destin et le but de ma vie.
Sois heureuse, ne me reproche rien, ne t'intéresse pas à la félicité d'un homme qui ne vit que de ta vie, ne jouit que de tes plaisirs et de ton bonheur. Quand j'exige de toi un bonheur pareil au mien, j'ai tort: pourquoi vouloir que la dentelle pèse autant que l'or? Quand je te sacrifie tous mes désirs, toutes mes pensées, tous les instants de ma vie, j'obéis à l'ascendant que tes charmes, ton caractère et toute ta personne ont su prendre sur mon malheureux coeur. J'ai tort, si la nature ne m'a pas donné les attraits pour te captiver; mais ce que je mérite de la part de Joséphine ce sont des égards, de l'estime, car je l'aime à la fureur et uniquement.
Adieu, femme adorable; adieu, ma Joséphine. Puisse le sort concentrer dans mon coeur tous les chagrins et toutes les peines, mais qu'il donne à ma Joséphine des jours prospères et heureux. Qui le mérita plus qu'elle? Quand il sera constaté qu'elle ne peut plus aimer, je renfermerai ma douleur profonde, et je me contenterai de pouvoir lui être utile et bon à quelque chose.
Je rouvre ma lettre pour te donner un baiser... Ah! Joséphine!... Joséphine!...
BONAPARTE.

LETTRE XVIII
à Joséphine, à Bologne.
Le 28 pluvi?se an V (16 février 1797).
Tu es triste, tu es malade, tu ne m'écris plus, tu veux t'en aller à Paris. N'aimerais-tu plus ton ami? Cette idée me rend malheureux. Ma douce amie, la vie est pour moi insupportable depuis que je suis instruit de ta tristesse.
Je m'empresse de t'envoyer Moscati, afin qu'il puisse te soigner. Ma santé est un peu faible; mon rhume dure toujours. Je te prie de te ménager, de m'aimer autant que je t'aime, et de m'écrire tous les jours. Mon inquiétude est sans égale.
J'ai dit à Moscati de t'accompagner à Anc?ne, si tu veux y venir. Je t'écrirai là pour te faire savoir où je suis.
Peut-être ferai-je la paix avec le Pape et serai-je bient?t près de toi; c'est le voeu le plus ardent de mon ame.
Je te donne cent baisers. Crois que rien n'égale mon amour, si ce n'est mon inquiétude. écris-moi tous les jours toi-même. Adieu, très chère amie.
BONAPARTE.

LETTRE XIX
à Joséphine, à Bologne.
Tolentino, 1er vent?se an V (19 février 1797).
La paix avec Rome vient d'être signée. Bologne, Ferrare, la Romagne sont cédées à la République. Le Pape nous donne 30 millions dans peu de temps et des objets d'art.
Je pars demain matin pour Anc?ne, et, de là, pour Rimini, Ravenne et Bologne. Si ta santé ta le permet, viens à Rimini ou Ravenne; mais ménage-toi, je t'en conjure.
Pas un mot de ta main, bon Dieu! qu'ai-je donc fait? Ne penser qu'à toi, n'aimer que Joséphine, ne vivre que pour ma femme, ne jouir que du bonheur de mon amie, cela doit-il me mériter de sa part un traitement si rigoureux? Mon amie, je t'en conjure, pense souvent à moi et écris-moi tous les jours. Tu es malade ou tu ne m'aimes pas! Crois-tu donc que mon coeur soit de marbre? Et mes peines t'intéressent-elles si peu? Tu me conna?trais bien mal! Je ne le puis croire. Toi, à qui la nature a donné l'esprit, la douceur et la beauté, toi qui seule pouvais régner dans mon coeur, toi qui sais trop, sans doute, l'empire absolu que tu as sur moi!
écris-moi, pense à moi et aime-moi.
Pour la vie tout à toi,
BONAPARTE.

LETTRES DE BONAPARTE, PREMIER CONSUL

LETTRE XX
à Joséphine, à Paris.
Le 26 florial an VIII (10 mai 1800)
Je pars dans l'instant pour aller coucher à Saint-Maurice. Je n'ai point re?u de lettres de toi, cela
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