Tendresses impériales | Page 5

Napoleon Bonaparte
Assure-les bien que je les aime comme mes enfants. Ce qui est à toi ou à moi se confond tellement dans mon coeur, qu'il n'y a aucune différence.
Je suis fort inquiet de savoir comment tu te portes, ce que tu fais. J'ai été dans le village de Virgile, sur les bords du lac, au clair argentin de la lune, et pas un instant sans songer à Joséphine!
L'ennemi a fait le 28 une sortie générale; il nous a tué ou blessé deux cents hommes, il en a perdu cinq cents en rentrant avec précipitation.
Je me porte bien. Je suis tout à Joséphine, et je n'ai de plaisir ni de bonheur que dans sa société.
Trois régiments napolitains sont arrivés à Brescia; ils se sont séparés de l'armée autrichienne, en conséquence de la convention que j'ai conclue avec M. Pignatelli.
J'ai perdu ma tabatière; je te prie de m'en choisir une un peu plate, et d'y faire écrire quelque chose dessus, avec tes cheveux.
Mille baisers aussi br?lants que tu es froide. Amour sans bornes et fidélité à toute épreuve. Avant que Joseph[4] parte, je désire lui parler.
BONAPARTE.
[Note 4: Frère a?né de Napoléon, devenu roi d'Espagne.]

LETTRE III
à Joséphine, à Milan.
Marmirolo, 1er thermidor an IV (19 juillet 1790).
Il y a deux jours que je suis sans lettres de toi. Voilà trente fois aujourd'hui que je me suis fait cette observation, tu sens que cela est bien triste; tu ne peux pas douter cependant de la tendre et unique sollicitude que tu m'inspires.
Nous avons attaqué hier Mantoue. Nous l'avons chauffée avec deux batteries à boulets rouges et des mortiers. Toute la nuit cette misérable ville a br?lé. Ce spectacle était horrible et imposant. Nous nous sommes emparés de plusieurs ouvrages extérieurs, nous ouvrons la tranchée cette nuit. Je vais partir pour Castiglione demain avec le quartier général, et je compte y coucher.
J'ai re?u un courrier de Paris. Il y avait deux lettres pour toi; je les ai lues. Cependant, bien que cette action me paraisse toute simple et que tu m'en aies donné la permission l'autre jour, je crains que cela ne te fache, et cela m'afflige bien. J'aurais voulu les recacheter: fi! ce serait une horreur. Si je suis coupable, je te demande grace; je te jure que ce n'est pas par jalousie; non, certes, j'ai de mon adorable amie une trop grande opinion pour cela. Je voudrais que tu me donnasses permission entière de lire tes lettres; avec cela il n'y aurait plus de remords ni de crainte.
Achille arrive en courrier de Milan; pas de lettres de mon adorable amie! Adieu, mon unique bien. Quand pourras-tu venir me rejoindre? Je viendrai te prendre moi-même à Milan.
Mille baisers aussi br?lants que mon coeur, aussi purs que toi.
Je fais appeler le courrier; il me dit qu'il est passé chez toi, et que tu lui as dit que tu n'avais rien à lui ordonner. Fi! méchante, laide, cruelle, tyranne, petit joli monstre! Tu te ris de mes menaces, de mes sottises; ah! si je pouvais, tu sais bien, t'enfermer dans mon coeur, je t'y mettrais en prison.
Apprends-moi que tu es gaie, bien portante et bien tendre.
BONAPARTE.

LETTRE IV
à Joséphine, à Milan.
Castiglione, le 9 thermidor an IV, 8 heures du matin (21 juillet 1796).
J'espère qu'en arrivant ce soir je recevrai une de tes lettres. Tu sais, ma chère Joséphine, le plaisir qu'elles me font, et je suis s?r que tu te plais à les écrire. Je partirai cette nuit pour Peschiera, pour les montagnes de..., pour Vérone et de là j'irai à Mantoue et peut-être à Milan, recevoir un baiser, puisque tu m'assures qu'ils ne sont pas glacés; j'espère que tu seras parfaitement rétablie alors, et que tu pourras m'accompagner à mon quartier général pour ne plus me quitter. N'es-tu pas l'ame de ma vie et le sentiment de mon coeur?
Tes protégés sont un peu vifs, ils sentent l'ardent. Combien je leur suis obligé de faire en eux quelque chose qui te soit agréable. Ils se rendront à Milan. Il faut en tout un peu de patience.
Adieu, belle et bonne, toute non pareille, toute divine; mille baisers amoureux.
BONAPARTE.

LETTRE V
à Joséphine, à Milan.
Castiglione, 4 thermidor an IV (22 juillet 1796).
Les besoins de l'armée exigent ma présence dans ces environs; il est impossible que je puisse m'éloigner jusqu'à venir à Milan; il me faudrait cinq à six jours et il peut arriver pendant ce temps-là des mouvements où ma présence pourrait être urgente ici.
Tu m'assures que ta santé est bonne; je te prie en conséquence de venir à Brescia. J'envoie à l'heure même Murat pour t'y préparer un logement dans la ville, comme tu le désires.
Je crois que tu feras bien d'aller coucher le 6 à Cassano, en partant fort tard de Milan, et de venir le 7 à Brescia, où le plus tendre des amants t'attend. Je suis désespéré que tu
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