Tendresses impériales | Page 4

Napoleon Bonaparte
son sein un mol oreiller pour sa peine et dans ses mains, qui eurent tant de luxurieuses caresses, une dernière étreinte pour apaiser son coeur. Il sait qu'elle l'aidera à dénouer d'aventureuses liaisons, trouvant dans cette compromission l'agrément de se voir rechercher encore.
Vu de la sorte, le caractère de Napoléon appara?t sans étrangeté. Il s'est imposé, où son esprit le conduisait de n'avoir d'autre ma?tre que lui et à laisser la femme en marge de sa pensée.
Une conception de la vie entièrement consacrée à la réalisation ferme d'un grand projet oblige à ne considérer les autres sentiments que comme des plaisirs et à faire que ceux qui les éveillent en nous ne puissent devenir rien autre que des amuseurs.
L'esprit pourra s'ingénier à concevoir une vie calme où les droits de la famille et ceux du devoir seront Justement équilibrés, il semble qu'une loi conduise les êtres supérieurs à ne pas s'y arrêter. Ce calme, ce repos familial, dans les minutes de découragement ils regretteront parfois de ne l'avoir pas, mais ne s'attarderont pas à cette mélancolie. Immenses dans leurs besoins, ceux dont Napoléon a dit qu'ils ?étaient des météores, destinés à br?ler pour éclairer la terre? seront toujours conduits à s'éprendre de et qui sera énervant comme le sont la lutte et les courtisanes, si l'on veut entendre par courtisanes non les filles simplement vénales, mais celles qui trouvent à se donner une satisfaction aussi vive que le guerrier à vaincre. Pour les courtisanes et pour le conquérant, l'or et le butin de l'amant et du vaincu sont les conséquences naturelles, mais négligeables d'une action puissante. Offrandes et ran?ons seront vite dissipées, et de tant de fortunes et de conquêtes il ne ratera pour l'éternité que l'immense souvenir de leur agitation.
Napoléon cherchant la femme qui l'aimera pour lui-même et n'aimera que lui, l'artiste demandant celle qui le comprendra et lui construira un foyer, obéissent à une loi de contraste de notre esprit. En donnant Joséphine à Napoléon et d'ardentes ma?tresses aux chastes artistes, les lois surnaturelles semblent avoir voulu surchauffer les sens de ces héros pour mieux libérer leurs esprits en leur présentant de la femme une idée physique et irrespectueuse à laquelle ils ne sauraient s'attacher sans déchoir.
Abel GRI.
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TENDRESSES IMPéRIALES
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LETTRES DU GéNéRAL EN CHEF DE L'ARMéE D'ITALIE

LETTRE I
à Joséphine, à Milan.
Marmirolo, le 29 messidor, 6 heures du soir (17 Juillet 1796).
Je re?ois ta lettre, mon adorable amie; elle a rempli mon coeur de joie. Je te suis obligé de la peine que tu as prise de me donner de tes nouvelles; ta santé doit être meilleure aujourd'hui; je suis s?r que tu es guérie. Je t'engage fort à monter à cheval, cela ne peut pas manquer de te faire du bien.
Depuis que je t'ai quittée, j'ai toujours été triste. Mon bonheur est d'être près de toi. Sans cesse je repasse dans ma mémoire tes baisers, tes larmes, ton aimable jalousie, et les charmes de l'incomparable Joséphine allument sans cesse une flamme vive et br?lante dans mon coeur et dans mes sens. Quand, libre de toute inquiétude, de toute affaire, pourrai-je passer tous mes instants près de toi, n'avoir qu'à t'aimer, et ne penser qu'au bonheur de te le dire et de te le prouver? Je t'enverrai ton cheval; mais j'espère que tu pourras me rejoindre. Je croyais t'aimer il y a quelques jours; mais, depuis que je t'ai vue, je sens que je t'aime mille fois plus encore. Depuis que je te connais, je t'adore tous les jours davantage: cela prouve combien la maxime de La Bruyère, que l'amour vient tout d'un coup, est fausse. Tout, dans la nature, a un cours et différents degrés d'accroissement. Ah! je t'en prie, laisse-moi voir quelques-uns de tes défauts; sois moins belle, moins gracieuse, moins tendre, moins bonne surtout; surtout ne sois jamais jalouse, ne pleure jamais; tes larmes m'?tent la raison, br?lent mon sang. Crois bien qu'il n'est plus en mon pouvoir d'avoir une pensée qui ne soit pas a toi, et une idée qui ne te soit pas soumise.
Repose-toi bien. Rétablis vite ta santé. Viens me rejoindre; et, au moins, qu'avant de mourir, nous puissions dire: ?Nous f?mes tant de jours heureux!!?
Millions de baisers et même à Fortuné[3], en dépit de sa méchanceté.
BONAPARTE.
[Note 3: Petit chien de Joséphine.]

LETTRE II
à Joséphine, à Milan.
Marmirolo, le 19 messidor, 9 heures après-midi (18 juillet 1796).
J'ai passé toute la nuit sous les armes. J'aurais eu Mantoue par un coup hardi et heureux; mais les eaux du lac ont promptement baissé, de sorte que ma colonne qui était embarquée n'a pu arriver. Ce soir, je recommence d'une autre manière, mais cela ne donnera pas des résultats aussi satisfaisants.
Je re?ois une lettre d'Eugène, que je t'envoie. Je te prie d'écrire de ma part à ces aimables enfants et de leur envoyer quelques bijoux.
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