tous vos instants, tyrannise vos journées et vous empêche
de vous occuper de votre mari? Joséphine, prenez-y garde, une belle
nuit les portes enfoncées et me voilà.
En vérité, je suis inquiet, ma bonne amie, de ne pas recevoir de tes
nouvelles; écris-moi vite quatre pages et de ces aimables choses qui
remplissent mon coeur de sentiment et de plaisir.
J'espère qu'avant peu je te serrerai dans mes bras, et je te couvrirai d'un
million de baisers brûlants comme sous l'équateur.
BONAPARTE.
LETTRE XV
À Joséphine, à Milan.
Vérone, le 4 frimaire an V (24 novembre 1796).
J'espère bientôt, ma douce amie, être dans tes bras. Je t'aime à la fureur.
J'écris à Paris par ce courrier. Tout va bien. Wurmser a été battu hier
sous Mantoue. Il ne manque à ton mari que l'amour de Joséphine pour
être heureux.
BONAPARTE.
LETTRE XVI
À Joséphine, à Gênes.
Milan, le 7 frimaire an V, à trois heures après-midi (27 novembre
1796).
J'arrive à Milan, je me précipite dans ton appartement, j'ai tout quitté
pour te voir, te presser dans mes bras;... tu n'y étais pas: tu cours les
villes avec des fêtes; tu t'éloignes de moi lorsque j'arrive, tu ne te
soucies plus de ton cher Napoléon. Un caprice te l'a fait aimer,
l'inconstance te le rend indifférent.
Accoutumé aux dangers, je sais le remède aux ennuis et aux maux de la
vie. Le malheur que j'éprouve est incalculable; j'avais droit de n'y pas
compter.
Je serai ici jusqu'au 9 dans la journée. Ne te dérange pas; cours les
plaisirs; le bonheur est fait pour toi. Le monde entier est trop heureux
s'il peut te plaire, et ton mari seul est bien, bien malheureux.
BONAPARTE.
LETTRE XVII
À Joséphine, à Gênes.
Milan, le 8 frimaire an V, 8 heures du soir (28 novembre 1796).
Je reçois le courrier que Berthier avait expédié à Gênes. Tu n'as pas eu
le temps de m'écrire, je le sens facilement. Environnée de plaisirs et de
jeux, tu aurais tort de me faire le moindre sacrifice.
Berthier a bien voulu me montrer la lettre que tu lui as écrite. Mon
intention n'est pas que tu déranges rien à tes calculs, ni aux parties de
plaisir qui te sont offertes; je n'en vaux pas la peine et le bonheur ou le
malheur d'un homme que tu n'aimes pas n'a pas le droit d'intéresser.
Pour moi, t'aimer seule, te rendre heureuse, ne rien faire qui puisse te
contrarier, voilà le destin et le but de ma vie.
Sois heureuse, ne me reproche rien, ne t'intéresse pas à la félicité d'un
homme qui ne vit que de ta vie, ne jouit que de tes plaisirs et de ton
bonheur. Quand j'exige de toi un bonheur pareil au mien, j'ai tort:
pourquoi vouloir que la dentelle pèse autant que l'or? Quand je te
sacrifie tous mes désirs, toutes mes pensées, tous les instants de ma vie,
j'obéis à l'ascendant que tes charmes, ton caractère et toute ta personne
ont su prendre sur mon malheureux coeur. J'ai tort, si la nature ne m'a
pas donné les attraits pour te captiver; mais ce que je mérite de la part
de Joséphine ce sont des égards, de l'estime, car je l'aime à la fureur et
uniquement.
Adieu, femme adorable; adieu, ma Joséphine. Puisse le sort concentrer
dans mon coeur tous les chagrins et toutes les peines, mais qu'il donne à
ma Joséphine des jours prospères et heureux. Qui le mérita plus qu'elle?
Quand il sera constaté qu'elle ne peut plus aimer, je renfermerai ma
douleur profonde, et je me contenterai de pouvoir lui être utile et bon à
quelque chose.
Je rouvre ma lettre pour te donner un baiser... Ah! Joséphine!...
Joséphine!...
BONAPARTE.
LETTRE XVIII
À Joséphine, à Bologne.
Le 28 pluviôse an V (16 février 1797).
Tu es triste, tu es malade, tu ne m'écris plus, tu veux t'en aller à Paris.
N'aimerais-tu plus ton ami? Cette idée me rend malheureux. Ma douce
amie, la vie est pour moi insupportable depuis que je suis instruit de ta
tristesse.
Je m'empresse de t'envoyer Moscati, afin qu'il puisse te soigner. Ma
santé est un peu faible; mon rhume dure toujours. Je te prie de te
ménager, de m'aimer autant que je t'aime, et de m'écrire tous les jours.
Mon inquiétude est sans égale.
J'ai dit à Moscati de t'accompagner à Ancône, si tu veux y venir. Je
t'écrirai là pour te faire savoir où je suis.
Peut-être ferai-je la paix avec le Pape et serai-je bientôt près de toi;
c'est le voeu le plus ardent de mon âme.
Je te donne cent baisers. Crois que rien n'égale mon amour, si ce n'est
mon inquiétude. Écris-moi tous les jours toi-même. Adieu, très chère
amie.
BONAPARTE.
LETTRE XIX
À Joséphine, à Bologne.
Tolentino, 1er ventôse an
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