an IV (22 juillet 1796).
Les besoins de l'armée exigent ma présence dans ces environs; il est
impossible que je puisse m'éloigner jusqu'à venir à Milan; il me
faudrait cinq à six jours et il peut arriver pendant ce temps-là des
mouvements où ma présence pourrait être urgente ici.
Tu m'assures que ta santé est bonne; je te prie en conséquence de venir
à Brescia. J'envoie à l'heure même Murat pour t'y préparer un logement
dans la ville, comme tu le désires.
Je crois que tu feras bien d'aller coucher le 6 à Cassano, en partant fort
tard de Milan, et de venir le 7 à Brescia, où le plus tendre des amants
t'attend. Je suis désespéré que tu puisses croire, ma bonne amie, que
mon coeur puisse s'ouvrir à d'autres qu'à toi; il t'appartient par droit de
conquête et cette conquête sera solide, et éternelle. Je ne sais pourquoi
tu me parles de Mme Te..., dont je me soucie fort peu, ainsi que des
femmes de Brescia. Quant à tes lettres qu'il te fâche que j'ouvre, celle-ci
sera la dernière; ta lettre n'était pas arrivée.
Adieu, ma tendre amie, donne-moi souvent de tes nouvelles. Viens
promptement me joindre et sois heureuse et sans inquiétude; tout va
bien, et mon coeur est à toi pour la vie.
Aie soin de rendre à l'adjudant général Miollis la boîte de médailles
qu'il m'écrit t'avoir remise. Les hommes sont si mauvaise langue et si
méchants qu'il faut se mettre en règle sur tout.
Santé, amour et prompte arrivée à Brescia.
J'ai à Milan une voiture à la fois de ville et de campagne; tu te serviras
de celle-là pour venir. Porte avec toi ton argenterie et une partie des
objets qui te sont nécessaires. Voyage à petites journées et pendant le
frais, afin de ne pas te fatiguer. La troupe ne met que trois jours pour se
rendre à Brescia. Il y a, en poste, pour quatorze heures de chemin. Je
t'invite à coucher le 6 à Cassano; je viendrai à ta rencontre le 7, le plus
loin possible.
Adieu, ma Joséphine. Mille tendres baisers.
BONAPARTE.
LETTRE VI
À Joséphine, à Milan.
Brescia, le 13 fructidor an IV (10 août 1796).
J'arrive, mon adorée amie, ma première pensée est de t'écrire. Ta santé
et ton image ne sont pas sorties un instant de ma mémoire pendant
toute la route. Je ne serai tranquille que lorsque j'aurai reçu des lettres
de toi. J'en attends avec impatience. Il n'est pas possible que tu te
peignes mon inquiétude. Je t'ai laissée triste, chagrine et demi-malade.
Si l'amour le plus profond et le plus tendre pouvait te rendre heureuse,
tu devrais l'être.... Je suis accablé d'affaires.
Adieu, ma douce Joséphine; aime-moi, porte-toi bien et pense souvent,
souvent à moi.
BONAPARTE.
LETTRE VII
À Joséphine, à Milan.
Brescia, le 14 fructidor an IV (31 août).
Je pars à l'instant pour Vérone. J'avais espéré recevoir une lettre de toi;
cela me met dans une inquiétude affreuse. Tu étais un peu malade lors
de mon départ; je t'en prie, ne me laisse pas dans une pareille
inquiétude. Tu m'avais promis plus d'exactitude; ta langue était
cependant bien d'accord alors avec ton coeur... Toi, à qui la nature a
donné douceur, aménité et tout ce qui plaît, comment peux-tu oublier
celui qui t'aime avec tant de chaleur? Trois jours sans lettres de toi; je
t'ai cependant écrit plusieurs fois. L'absence est horrible, les nuits sont
longues, ennuyeuses et fades; la journée est monotone.
Aujourd'hui, seul avec les pensées, les travaux, les écritures, les
hommes et leurs fastueux projets, je n'ai pas même un billet de toi que
je puisse presser contre mon coeur.
Le quartier général est parti; je pars dans une heure. J'ai reçu cette nuit
un exprès de Paris; il n'y avait pour toi que la lettre ci-jointe qui te fera
plaisir.
Pense à moi, vis pour moi, sois souvent avec ton bien-aimé et crois
qu'il n'est pour lui qu'un seul malheur qui l'effraie, ce serait de n'être
plus aimé de sa Joséphine. Mille baisers bien doux, bien tendres, bien
exclusifs.
Fais partir de suite M. Monclas pour Vérone; je le placerai. Il faut qu'il
soit arrivé avant le 18.
BONAPARTE.
LETTRE VIII
À Joséphine, à Milan.
Ala, le 17 fructidor an IV (3 septembre 1796).
Nous sommes en pleine campagne, mon adorable amie; nous avons
culbuté les postes ennemis; nous leur avons pris huit ou dix chevaux
avec un pareil nombre de cavaliers. La troupe est très gaie et bien
disposée. J'espère que nous ferons de bonnes affaires et que nous
entrerons dans Trente le 10.
Point de lettres de toi; cela m'inquiète vraiment; l'on m'assure
cependant que tu te portes bien et que même tu as été te promener au
lac de Côme. J'attends tous les jours
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