Marmirolo, le 19 messidor, 9 heures après-midi (18 juillet 1796).
J'ai passé toute la nuit sous les armes. J'aurais eu Mantoue par un coup
hardi et heureux; mais les eaux du lac ont promptement baissé, de sorte
que ma colonne qui était embarquée n'a pu arriver. Ce soir, je
recommence d'une autre manière, mais cela ne donnera pas des
résultats aussi satisfaisants.
Je reçois une lettre d'Eugène, que je t'envoie. Je te prie d'écrire de ma
part à ces aimables enfants et de leur envoyer quelques bijoux.
Assure-les bien que je les aime comme mes enfants. Ce qui est à toi ou
à moi se confond tellement dans mon coeur, qu'il n'y a aucune
différence.
Je suis fort inquiet de savoir comment tu te portes, ce que tu fais. J'ai
été dans le village de Virgile, sur les bords du lac, au clair argentin de
la lune, et pas un instant sans songer à Joséphine!
L'ennemi a fait le 28 une sortie générale; il nous a tué ou blessé deux
cents hommes, il en a perdu cinq cents en rentrant avec précipitation.
Je me porte bien. Je suis tout à Joséphine, et je n'ai de plaisir ni de
bonheur que dans sa société.
Trois régiments napolitains sont arrivés à Brescia; ils se sont séparés de
l'armée autrichienne, en conséquence de la convention que j'ai conclue
avec M. Pignatelli.
J'ai perdu ma tabatière; je te prie de m'en choisir une un peu plate, et
d'y faire écrire quelque chose dessus, avec tes cheveux.
Mille baisers aussi brûlants que tu es froide. Amour sans bornes et
fidélité à toute épreuve. Avant que Joseph[4] parte, je désire lui parler.
BONAPARTE.
[Note 4: Frère aîné de Napoléon, devenu roi d'Espagne.]
LETTRE III
À Joséphine, à Milan.
Marmirolo, 1er thermidor an IV (19 juillet 1790).
Il y a deux jours que je suis sans lettres de toi. Voilà trente fois
aujourd'hui que je me suis fait cette observation, tu sens que cela est
bien triste; tu ne peux pas douter cependant de la tendre et unique
sollicitude que tu m'inspires.
Nous avons attaqué hier Mantoue. Nous l'avons chauffée avec deux
batteries à boulets rouges et des mortiers. Toute la nuit cette misérable
ville a brûlé. Ce spectacle était horrible et imposant. Nous nous
sommes emparés de plusieurs ouvrages extérieurs, nous ouvrons la
tranchée cette nuit. Je vais partir pour Castiglione demain avec le
quartier général, et je compte y coucher.
J'ai reçu un courrier de Paris. Il y avait deux lettres pour toi; je les ai
lues. Cependant, bien que cette action me paraisse toute simple et que
tu m'en aies donné la permission l'autre jour, je crains que cela ne te
fâche, et cela m'afflige bien. J'aurais voulu les recacheter: fi! ce serait
une horreur. Si je suis coupable, je te demande grâce; je te jure que ce
n'est pas par jalousie; non, certes, j'ai de mon adorable amie une trop
grande opinion pour cela. Je voudrais que tu me donnasses permission
entière de lire tes lettres; avec cela il n'y aurait plus de remords ni de
crainte.
Achille arrive en courrier de Milan; pas de lettres de mon adorable
amie! Adieu, mon unique bien. Quand pourras-tu venir me rejoindre?
Je viendrai te prendre moi-même à Milan.
Mille baisers aussi brûlants que mon coeur, aussi purs que toi.
Je fais appeler le courrier; il me dit qu'il est passé chez toi, et que tu lui
as dit que tu n'avais rien à lui ordonner. Fi! méchante, laide, cruelle,
tyranne, petit joli monstre! Tu te ris de mes menaces, de mes sottises;
ah! si je pouvais, tu sais bien, t'enfermer dans mon coeur, je t'y mettrais
en prison.
Apprends-moi que tu es gaie, bien portante et bien tendre.
BONAPARTE.
LETTRE IV
À Joséphine, à Milan.
Castiglione, le 9 thermidor an IV, 8 heures du matin (21 juillet 1796).
J'espère qu'en arrivant ce soir je recevrai une de tes lettres. Tu sais, ma
chère Joséphine, le plaisir qu'elles me font, et je suis sûr que tu te plais
à les écrire. Je partirai cette nuit pour Peschiera, pour les montagnes
de..., pour Vérone et de là j'irai à Mantoue et peut-être à Milan, recevoir
un baiser, puisque tu m'assures qu'ils ne sont pas glacés; j'espère que tu
seras parfaitement rétablie alors, et que tu pourras m'accompagner à
mon quartier général pour ne plus me quitter. N'es-tu pas l'âme de ma
vie et le sentiment de mon coeur?
Tes protégés sont un peu vifs, ils sentent l'ardent. Combien je leur suis
obligé de faire en eux quelque chose qui te soit agréable. Ils se rendront
à Milan. Il faut en tout un peu de patience.
Adieu, belle et bonne, toute non pareille, toute divine; mille baisers
amoureux.
BONAPARTE.
LETTRE V
À Joséphine, à Milan.
Castiglione, 4 thermidor
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