Tartarin sur les Alpes | Page 6

Alphonse Daudet
qui les ��clipsait tous, son nom; puis monta vers sa chambre, sans m��me se retourner pour voir l'effet dont il ��tait s?r.
Derri��re lui la Suissesse regarda,
TARTARIN DE TARASCON
et au-dessous:
P. C. A.
Elle lut cela, cette Bernoise, et ne fut pas ��blouie du tout. Elle ne savait pas ce que signifiait P. C. A. Elle n'avait jamais entendu parler de ?Dardarin?.
Sauvage, _ra��_!

II
TARASCON, CINQ MINUTES D'ARR��T.--LE CLUB DES ALPINES.--EXPLICATION DU P.C.A.--LAPINS DE GARENNE ET LAPINS DE CHOUX.--CECI EST MON TESTAMENT.--LE SIROP DE CADAVRE.--PREMI��RE ASCENSION.--TARTARIN TIRE SES LUNETTES.
Quand ce nom de ?Tarascon? sonne en fanfare sur la voie du Paris-Lyon-M��diterran��e, dans le bleu vibrant et limpide du ciel proven?al, des t��tes curieuses se montrent �� toutes les porti��res de l'express, et de wagon en wagon les voyageurs se disent: ?Ah! voil Tarascon... Voyons un peu Tarascon.
Ce qu'on en voit n'a pourtant rien que de fort ordinaire, une petite ville paisible et proprette, des tours, des toits, un pont sur le Rh?ne. Mais le soleil tarasconnais et ses prodigieux effets de mirage, si f��conds en surprises, en inventions, en cocasseries d��lirantes; ce joyeux petit peuple, pas plus gros qu'un pois chiche, qui refl��te et r��sume les instincts de tout le Midi fran?ais, vivant, remuant, bavard, exag��r��, comique, impressionnable, c'est l�� ce que les gens de l'express guettent au passage et ce qui fait la popularit de l'endroit.
En des pages m��morables que la modestie l'emp��che de rappeler plus explicitement, l'historiographe de Tarascon a jadis essay�� de d��peindre les jours heureux de la petite ville menant sa vie de cercle, chantant ses romances--chacun la sienne,--et, faute de gibier, organisant de curieuses chasses �� la casquette[*]. Puis, la guerre venue, les temps noirs, il a dit Tarascon, et sa d��fense h��ro?que, l'esplanade torpill��e, le cercle et le caf�� de la com��die imprenables, tous les habitants form��s en compagnies franches, soutach��s de f��murs crois��s et de t��tes de mort, toutes les barbes pouss��es, un tel d��ploiement de haches, sabres d'abordage, revolvers am��ricains, que les malheureux en arrivaient �� se faire peur les uns aux autres et ne plus oser s'aborder dans les rues.
[*] Voici ce qu'il est dit de cette chasse locale dans les Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon:
?Apr��s un bon d��jeuner en pleine campagne, chacun des chasseurs prend sa casquette, la jette en l'air de toutes ses forces, et la tire au vol avec du 5, du 6 ou du 2, selon les conventions. Celui qui met le plus souvent dans sa casquette est proclam�� roi de la chasse et rentre, le soir, en triomphateur �� Tarascon, la casquette cribl��e au bout du fusil, au milieu des aboiements et des fanfares...
Bien des ann��es ont pass�� depuis la guerre, bien des almanachs ont ��t mis au feu; mais Tarascon n'a pas oubli��, et, renon?ant aux futiles distractions d'autre temps, n'a plus song�� qu'�� se faire du sang et des muscles au profit des revanches futures. Des soci��t��s de tir et de gymnastique, costum��es, ��quip��es, ayant toutes leur musique et leur banni��re; des salles d'armes, boxe, baton, chausson; des courses pieds, des luttes �� main plate entre personnes du meilleur monde ont remplac�� les chasses �� la casquette, les platoniques causeries cyn��g��tiques chez l'armurier Costecalde.
Enfin le cercle, le vieux cercle lui-m��me, abjurant bouillotte et bezigue, s'est transform�� en Club Alpin, sur le patron du fameux ?Alpine Club? de Londres qui a port�� jusqu'aux Indes la renomm��e de ses grimpeurs. Avec cette diff��rence que les Tarasconnais, au lieu de s'expatrier vers des cimes ��trang��res �� conqu��rir, se sont content��s de ce qu'ils avaient sous la main, ou plut?t sous le pied, aux portes de la ville.
Les Alpes �� Tarascon?... Non, mais les Alpines, cette cha?ne de montagnettes parfum��es de thym et de lavande, pas bien m��chantes ni tr��s hautes (150 �� 200 m��tres au-dessus du niveau de la mer), qui font un horizon de vagues bleues aux routes proven?ales, et que l'imagination locale a d��cor��es de noms fabuleux et caract��ristiques: _le Mont-Terrible, le Bout-du-Monde, le Pic-des-G��ants,_ etc.
C'est plaisir, les dimanches matin, de voir les Tarasconnais gu��tr��s, le pic en main, le sac et la tente sur le dos, partir, clairons en t��te, pour des ascensions dont le Forum, le journal de la localit��, donne le compte rendu avec un luxe descriptif, une exag��ration d'��pith��tes, ?ab?mes, gouffres, gorges effroyables,? comme s'il s'agissait de courses sur l'Himalaya. Pensez qu'�� ce jeu les indig��nes ont acquis des forces nouvelles, ces ?doubles muscles r��serv��s jadis au seul Tartarin, le bon, le brave, l'h��ro?que Tartarin.
Si Tarascon r��sume le Midi, Tartarin r��sume Tarascon. Il n'est pas seulement le premier citoyen de la ville, il en est l'ame, le g��nie, il en a toutes les belles f��lures. On conna?t ses anciens exploits, ses triomphes de chanteur (oh! le duo de Robert le Diable �� la pharmacie B��zuquet!) et l'��tonnante odyss��e de ses chasses au lion d'o�� il
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