Ils sont acco?tumés à teindre leurs étoffes à froid.
Presque toutes les femmes Morlaques savent broder & tricoter. Leurs broderies sont assez curieuses, & parfaitement égales des deux c?tés de l'étoffe. Elles font un tissu à maille, que les Italiennes ne peuvent imiter, & dont elles se servent pour fabriquer cette espéce de cothurne, appelle Nazuvka, qu'elles portent dans leurs Pappuzze & leurs Oporche, ou souliers. Dans ces lieux on trouve aussi des métiers pour fabriquer des serges & des toiles grossieres: les femmes cependant y travaillent peu, leurs devoirs domestiques ne leur permettant guères de s'adonner à des travaux sédentaires.
Dans quelques villes, comme à Verlika, fleurit la poterie. Les vases travaillés grossiérement, & cuits dans des fourneaux rustiques creusés en terre acquièrent cependant avec le tems une dureté, qui surpasse celle des poteries Italiennes.
§. VIII.
Des superstitions des MORLAQUES.
Ces peuples, tant ceux qui sont de l'église Romaine que ceux qui sont de la Grècque, ont par rapport à la religion les idées les plus étranges. L'ignorance des ecclésiastiques qui devroient les éclairer, achève de les entretenir dans des opinions absurdes. Les Morlaques croient avec tant d'obstination, aux sorciers, aux esprits, aux spectres, aux enchantemens, aux sortiléges, comme s'ils étoient convaincus de l'éxistance de ces Etres par mille expériences réitérées. Ils sont persuadés aussi de la vérité des Vampires, à qui ils attribuent, comme en Transylvanie, le désir de sucer le sang des enfans. Lorsqu'un homme, soup?onné de pouvoir devenir Vampire, ou comme ils disent Vakodlak, meurt: on lui coupe les jarrets & on lui pique tout le corps avec des épingles; ces deux opérations doivent empêcher le mort de rétourner parmi les vivants. Quelquefois un Morlaque mourant, croyant sentir d'avance une grande soif du sang des enfans, prie ou oblige même ses héritiers à traiter son cadavre en Vampire avant de l'enterrer.
Le plus hardi Haiduck se sauve à toutes jambes à la vue de quelque chose qu'il peut envisager comme un spectre, ou comme un esprit-follet; & de telles apparitions se présentent souvent à des imaginations échauffées, crédules & remplies de préjugés. Ils n'ont aucune honte de ces terreurs, & les excusent par une maxime, qui revient à un vers de PINDARE: ?la crainte des esprits, fait fuir même les enfans des dieux?. Les femmes Morlaques, sont, comme il est naturel, cent fois plus craintives & plus visionaires que les hommes, plusieurs, à force d'entendre dire qu'elles sont sorcières, s'imaginent l'être devenues réellement.
Ces vieilles sorcières, sont censées habiles dans l'art de faire des sortiléges de toute espéce. Un des plus ordinaires, est celui d'?ter le lait aux vaches d'autrui, pour augmenter le lait de leurs propres vaches. Elles exécutent encore des choses plus merveilleuses. On m'a raconté l'histoire d'un jeune homme, à qui deux sorcières enlevèrent, pendant son sommeil, le coeur, pour le manger r?ti. Dormant profondément, il ne s'apper?ut pas de sa perte; mais en se reveillant il sentit la place du coeur vuide. Un cordelier, couché dans la même chambre & qui ne dormoit pas, vit bien l'opération des deux sorcières, mais, se trouvant enchanté, ne put pas l'empêcher. L'enchantement cessant au réveil du jeune homme, ces ces deux méchantes femmes, après s'être frottées avec un onguent, s'envolèrent. Après leur départ le cordélier, s'empressant de tirer de la braise le coeur moitié r?ti, le fit avaler au jeune homme, qui, comme de raison, le sentit tout de suite remis à sa place accoutumée. Ce cordélier raconte souvent cette histoire, & en assure, sous serment, la vérité. Les bonnes gens, qui l'écoutent, n'oseroient soup?onner que le vin a produit cette apparition, & que les deux femmes, dont l'une n'étoit nullement agée, étoient venues dans la chambre pour autre chose que pour faire des sortiléges. Si ce peuple souffre du mal, causé par ces sorcières, appellées Ujestize, il a le remède à portée dans le secours des enchanteresses, connues sous le nom de Babornize, qui défont les enchantements, formés par les premières. Un malheureux incrédule, qui douterait de la vérité de ce systême de magie, auroit à craindre le ressentiment des deux pouvoirs opposés.
Entre la communion Romaine & la Grècque règne une haine décidée, que les ministres de ces religions ne cessent de fomenter. Les deux partis racontent, l'un de l'autre, milles anecdotes scandaleuses. Les églises des Latins sont pauvres, mais assez propres: celles des Grècs sont aussi pauvres, & de plus d'une malpropreté honteuse. Dans une ville de la MORLACHIE, j'ai vu un prêtre, assis par terre à la place devant l'église, écouter la confession des femmes qui s'étoient mises à genoux à ses c?tés: posture singuliere, qui indique l'innocence des manières de ce bon peuple. Ils marquent aux ministres des autels une vénération profonde, une soumission entière & une confiance sans bornes. Souvent ces ministres traitent militairement leurs ouailles, & les corrigent par des coups de baton. Sur ce
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.