demeure??
L'AUM?NIER. Partout.
OROU. Ici même?!
L'AUM?NIER. Ici.
OROU. Nous ne l'avons jamais vu.
L'AUM?NIER. On ne le voit pas.
OROU. Voilà un père bien indifférent?! Il doit être vieux?; car il a du moins l'age de son ouvrage.
L'AUM?NIER. Il ne vieillit point?; il a parlé à nos ancêtres?; il leur a donné des lois?; il leur a prescrit la manière dont il voulait être honoré?; il leur a ordonné certaines actions, comme bonnes?; il leur en a défendu d'autres, comme mauvaises.
OROU. J'entends?; et une de ces actions qu'il leur a défendues comme mauvaises, c'est de coucher avec une femme et une fille?? Pourquoi donc a-t-il fait deux sexes??
L'AUMONIER. Pour s'unir?; mais à certaines conditions requises, après certaines cérémonies préalables, en conséquence desquelles un homme appartient à une femme, et n'appartient qu'à elle?; une femme appartient à un homme, et n'appartient qu'à lui.
OROU. Pour toute leur vie??
L'AUMONIER. Pour toute leur vie.
OROU. En sorte que, s'il arrivait à une femme de coucher avec un autre que son mari, ou à un mari de coucher avec une autre que sa femme... mais cela n'arrive point, car, puisqu'il est là, et que cela lui dépla?t, il sait les en empêcher.
L'AUMONIER. Non?; il les laisse faire, et ils pèchent contre la loi de Dieu, car c'est ainsi que nous appelons le grand ouvrier, contre la loi du pays?; et ils commettent un crime.
OROU. Je serais faché de t'offenser par mes discours?; mais si tu le permettais, je te dirais mon avis.
L'AUMONIER. Parle.
OROU. Ces préceptes singuliers, je les trouve opposés à la nature, contraires à la raison?; faits pour multiplier les crimes, et facher à tout moment le vieil ouvrier, qui a tout fait sans tête, sans mains et sans outils?; qui est partout, et qu'on ne voit nulle part?; qui dure aujourd'hui et demain, et qui n'a pas un jour de plus?; qui commande et qui n'est pas obéi?; qui peut empêcher, et qui n'empêche pas. Contraires à la nature, parce qu'ils supposent qu'un être sentant, pensant et libre, peut être la propriété d'un être semblable à lui. Sur quoi ce droit serait-il fondé?? Ne vois-tu pas qu'on a confondu, dans ton pays, la chose qui n'a ni sensibilité, ni pensée, ni désir, ni volonté?; qu'on quitte, qu'on prend, qu'on garde, qu'on échange sans qu'elle souffre et sans qu'elle se plaigne, avec la chose qui ne s'échange point, qui ne s'acquiert point?; qui a liberté, volonté, désir?; qui peut se donner ou se refuser pour un moment?; se donner ou se refuser pour toujours?; qui se plaint et qui souffre?; et qui ne saurait devenir un effet de commerce, sans qu'on oublie son caractère, et qu'on fasse violence à la nature?? Contraires à la loi générale des êtres. Rien, en effet, te para?t-il plus insensé qu'un précepte qui proscrit le changement qui est en nous?; qui commande une constance qui n'y peut être, et qui viole la nature et la liberté du male et de la femelle, en les encha?nant pour jamais l'un à l'autre?; qu'une fidélité qui borne la plus capricieuse des jouissances à un même individu?; qu'un serment d'immutabilité de deux êtres de chair, à la face d'un ciel qui n'est pas un instant le même, sous des antres qui menacent ruine?; au bas d'une roche qui tombe en poudre?; au pied d'un arbre qui se gerce?; sur une pierre qui s'ébranle?? Crois-moi, vous avez rendu la condition de l'homme pire que celle de l'animal. Je ne sais ce que c'est que ton grand ouvrier?: mais je me réjouis qu'il n'ait point parlé à nos pères, et je souhaite qu'il ne parle point à nos enfants?; car il pourrait par hasard leur dire les mêmes sottises, et ils feraient peut-être celle de les croire. Hier, en soupant, tu nous as entretenus de magistrats et de prêtres?; je ne sais quels sont ces personnages que tu appelles magistrats et prêtres, dont l'autorité règle votre conduite?; mais, dis-moi, sont-ils ma?tres du bien et du mal?? Peuvent-ils faire que ce qui est juste soit injuste, et que ce qui est injuste soit juste?? Dépend-il d'eux d'attacher le bien à des actions nuisibles, et le mal à des actions innocentes ou utiles?? Tu ne saurais le penser, car, à ce compte, il n'y aurait ni vrai ni faux, ni bon ni mauvais, ni beau ni laid?; du moins, que ce qu'il plairait à ton grand ouvrier, à tes magistrats, à tes prêtres, de prononcer tel?; et, d'un moment à l'autre, tu serais obligé de changer d'idées et de conduite. Un jour on te dirait, de la part de l'un de tes trois ma?tres?: tue, et tu serais obligé, en conscience, de tuer?; un autre jour?: vole?; et tu serais tenu de voler?; ou?: ne mange pas de ce fruit?; et tu n'oserais en manger?; je te défends ce légume ou cet animal?;
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