Supplement au Voyage de Bougainville | Page 7

Denis Diderot
que c'est que la chose que tu appelles religion?; mais je ne puis qu'en penser mal, puisqu'elle t'emp��che de go?ter un plaisir innocent, auquel nature, la souveraine ma?tresse, nous invite tous?; de donner l'existence �� un de tes semblables?; de rendre un service que le p��re, la m��re et les enfants te demandent?; de t'acquitter envers un h?te qui t'a fait un bon accueil, et d'enrichir une nation, en l'accroissant d'un sujet de plus. Je ne sais ce que c'est que la chose que tu appelles ��tat?; mais ton premier devoir est d'��tre homme et d'��tre reconnaissant. Je ne te propose pas de porter dans ton pays les moeurs d'Orou?; mais Orou, ton h?te et ton ami, te supplie de te pr��ter aux moeurs de Tahiti. Les moeurs de Tahiti sont-elles meilleures ou plus mauvaises que les v?tres?? c'est une question facile �� d��cider. La terre o�� tu es n�� a-t-elle plus d'hommes qu'elle n'en peut nourrir?? en ce cas tes moeurs ne sont ni pires, ni meilleures que les n?tres. En peut-elle nourrir plus qu'elle n'en a?? nos moeurs sont meilleures que les tiennes. Quant �� l'honn��tet�� que tu m'objectes, je te comprends?; j'avoue que j'ai tort?; et je t'en demande pardon. Je n'exige pas que tu nuises �� ta sant��?; si tu es fatigu��, il faut que tu te reposes?; mais j'esp��re que tu ne continueras pas �� nous contrister. Vois le souci que tu as r��pandu sur tous ces visages?: elles craignent que tu n'aies remarqu�� en elles quelques d��fauts qui leur attirent ton d��dain. Mais quand cela serait, le plaisir d'honorer une de mes filles, entre ses compagnes et ses soeurs, et de faire une bonne action, ne te suffirait-il pas?? Sois g��n��reux?!
L'AUM?NIER. Ce n'est pas cela?: elles sont toutes quatre ��galement belles?; mais ma religion?! mais mon ��tat?!
OROU. Elles m'appartiennent, et je te les offre. Elles sont �� elles, et elles se donnent �� toi. Quelle que soit la puret�� de conscience que la chose religion et la chose ��tat te prescrivent, tu peux les accepter sans scrupule. Je n'abuse point de mon autorit��?; et sois s?r que je connais et que je respecte les droits des personnes.
Ici, le v��ridique aum?nier convient que jamais la providence ne l'avait expos�� �� une aussi pressante tentation. Il ��tait jeune?; il s'agitait, il se tourmentait?; il d��tournait ses regards des aimables suppliantes?; il les ramenait sur elles?; il levait ses yeux et ses mains au ciel. Thia, la plus jeune, embrassait ses genoux et lui disait?: ��tranger, n'afflige pas mon p��re, n'afflige pas ma m��re, ne m'afflige pas?! Honore-moi dans la cabane et parmi les miens?; ��l��ve-moi au rang de mes soeurs qui se moquent de moi. Ast? l'a?n��e a d��j�� trois enfants?; Palli, la seconde, en a deux, et Thia n'en a point?! ��tranger, honn��te ��tranger, ne me rebute pas?! rends-moi m��re?; fais-moi un enfant que je puisse un jour promener par la main, �� c?t�� de moi, dans Tahiti?; qu'on voie dans neuf mois attach�� �� mon sein?; dont je sois fi��re, et qui fasse une partie de ma dot, lorsque je passerai de la cabane de mon p��re dans une autre. Je serai peut-��tre plus chanceuse avec toi qu'avec nos jeunes Tahitiens. Si tu m'accordes cette faveur, je ne t'oublierai plus?; je te b��nirai toute ma vie?; j'��crirai ton nom sur mon bras et sur celui de ton fils?; nous le prononcerons sans cesse avec joie?; et lorsque tu quitteras ce rivage, mes souhaits t'accompagneront sur les mers jusqu'�� ce que tu sois arriv�� dans ton pays.
Le na?f aum?nier dit qu'elle lui serrait les mains, qu'elle attachait sur ses yeux des regards si expressifs et si touchants?; qu'elle pleurait?; que son p��re, sa m��re et ses soeurs s'��loign��rent?; qu'il resta seul avec elle, et qu'en disant?: Mais ma religion, mais mon ��tat, il se trouva le lendemain couch�� �� c?t�� de cette jeune fille, qui l'accablait de caresses, et qui invitait son p��re, sa m��re et ses soeurs, lorsqu'ils s'approch��rent de leur lit le matin, �� joindre leur reconnaissance �� la sienne. Asto et Palli, qui s'��taient ��loign��es, rentr��rent avec les mets du pays, des boissons et des fruits, elles embrassaient leur soeur et faisaient des voeux sur elle. Ils d��jeun��rent tous ensemble?; ensuite Orou, demeur�� seul avec l'aum?nier, lui dit?: Je vois que ma fille est contente de toi?; et je te remercie. Mais pourrais-tu m'apprendre ce que c'est que le mot religion, que tu as prononc�� tant de fois, et avec tant de douleur??
L'aum?nier, apr��s avoir r��v�� un moment, r��pondit?: Qui est-ce qui a fait ta cabane et les ustensiles qui la meublent??
OROU. C'est moi.
L'AUMONIER. Eh bien?! nous croyons que ce monde et ce qu'il renferme est l'ouvrage d'un ouvrier.
OROU. Il a donc des pieds, des mains, une t��te??
L'AUMONIER. Non.
OROU. O�� fait-il sa
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