Supplement au Voyage de Bougainville | Page 8

Denis Diderot
demeure??
L'AUM?NIER. Partout.
OROU. Ici m��me?!
L'AUM?NIER. Ici.
OROU. Nous ne l'avons jamais vu.
L'AUM?NIER. On ne le voit pas.
OROU. Voil�� un p��re bien indiff��rent?! Il doit ��tre vieux?; car il a du moins l'age de son ouvrage.
L'AUM?NIER. Il ne vieillit point?; il a parl�� �� nos anc��tres?; il leur a donn�� des lois?; il leur a prescrit la mani��re dont il voulait ��tre honor��?; il leur a ordonn�� certaines actions, comme bonnes?; il leur en a d��fendu d'autres, comme mauvaises.
OROU. J'entends?; et une de ces actions qu'il leur a d��fendues comme mauvaises, c'est de coucher avec une femme et une fille?? Pourquoi donc a-t-il fait deux sexes??
L'AUMONIER. Pour s'unir?; mais �� certaines conditions requises, apr��s certaines c��r��monies pr��alables, en cons��quence desquelles un homme appartient �� une femme, et n'appartient qu'�� elle?; une femme appartient �� un homme, et n'appartient qu'�� lui.
OROU. Pour toute leur vie??
L'AUMONIER. Pour toute leur vie.
OROU. En sorte que, s'il arrivait �� une femme de coucher avec un autre que son mari, ou �� un mari de coucher avec une autre que sa femme... mais cela n'arrive point, car, puisqu'il est l��, et que cela lui d��pla?t, il sait les en emp��cher.
L'AUMONIER. Non?; il les laisse faire, et ils p��chent contre la loi de Dieu, car c'est ainsi que nous appelons le grand ouvrier, contre la loi du pays?; et ils commettent un crime.
OROU. Je serais fach�� de t'offenser par mes discours?; mais si tu le permettais, je te dirais mon avis.
L'AUMONIER. Parle.
OROU. Ces pr��ceptes singuliers, je les trouve oppos��s �� la nature, contraires �� la raison?; faits pour multiplier les crimes, et facher �� tout moment le vieil ouvrier, qui a tout fait sans t��te, sans mains et sans outils?; qui est partout, et qu'on ne voit nulle part?; qui dure aujourd'hui et demain, et qui n'a pas un jour de plus?; qui commande et qui n'est pas ob��i?; qui peut emp��cher, et qui n'emp��che pas. Contraires �� la nature, parce qu'ils supposent qu'un ��tre sentant, pensant et libre, peut ��tre la propri��t�� d'un ��tre semblable �� lui. Sur quoi ce droit serait-il fond��?? Ne vois-tu pas qu'on a confondu, dans ton pays, la chose qui n'a ni sensibilit��, ni pens��e, ni d��sir, ni volont��?; qu'on quitte, qu'on prend, qu'on garde, qu'on ��change sans qu'elle souffre et sans qu'elle se plaigne, avec la chose qui ne s'��change point, qui ne s'acquiert point?; qui a libert��, volont��, d��sir?; qui peut se donner ou se refuser pour un moment?; se donner ou se refuser pour toujours?; qui se plaint et qui souffre?; et qui ne saurait devenir un effet de commerce, sans qu'on oublie son caract��re, et qu'on fasse violence �� la nature?? Contraires �� la loi g��n��rale des ��tres. Rien, en effet, te para?t-il plus insens�� qu'un pr��cepte qui proscrit le changement qui est en nous?; qui commande une constance qui n'y peut ��tre, et qui viole la nature et la libert�� du male et de la femelle, en les encha?nant pour jamais l'un �� l'autre?; qu'une fid��lit�� qui borne la plus capricieuse des jouissances �� un m��me individu?; qu'un serment d'immutabilit�� de deux ��tres de chair, �� la face d'un ciel qui n'est pas un instant le m��me, sous des antres qui menacent ruine?; au bas d'une roche qui tombe en poudre?; au pied d'un arbre qui se gerce?; sur une pierre qui s'��branle?? Crois-moi, vous avez rendu la condition de l'homme pire que celle de l'animal. Je ne sais ce que c'est que ton grand ouvrier?: mais je me r��jouis qu'il n'ait point parl�� �� nos p��res, et je souhaite qu'il ne parle point �� nos enfants?; car il pourrait par hasard leur dire les m��mes sottises, et ils feraient peut-��tre celle de les croire. Hier, en soupant, tu nous as entretenus de magistrats et de pr��tres?; je ne sais quels sont ces personnages que tu appelles magistrats et pr��tres, dont l'autorit�� r��gle votre conduite?; mais, dis-moi, sont-ils ma?tres du bien et du mal?? Peuvent-ils faire que ce qui est juste soit injuste, et que ce qui est injuste soit juste?? D��pend-il d'eux d'attacher le bien �� des actions nuisibles, et le mal �� des actions innocentes ou utiles?? Tu ne saurais le penser, car, �� ce compte, il n'y aurait ni vrai ni faux, ni bon ni mauvais, ni beau ni laid?; du moins, que ce qu'il plairait �� ton grand ouvrier, �� tes magistrats, �� tes pr��tres, de prononcer tel?; et, d'un moment �� l'autre, tu serais oblig�� de changer d'id��es et de conduite. Un jour on te dirait, de la part de l'un de tes trois ma?tres?: tue, et tu serais oblig��, en conscience, de tuer?; un autre jour?: vole?; et tu serais tenu de voler?; ou?: ne mange pas de ce fruit?; et tu n'oserais en manger?; je te d��fends ce l��gume ou cet animal?;
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