Supplement au Voyage de Bougainville | Page 6

Denis Diderot
l�� qu'elles sont condamn��es �� p��rir ou par nos mains, ou par le mal que tu leur as donn��. ��loigne-toi, �� moins que tes yeux cruels ne se plaisent �� des spectacles de mort?: ��loigne toi?; va, et puissent les mers coupables qui t'ont ��pargn�� dans ton voyage, s'absoudre, et nous venger en t'engloutissant avant ton retour?! Et vous, Tahitiens, rentrez dans vos cabanes, rentrez tous?; et que ces indignes ��trangers n'entendent �� leur d��part que le flot qui mugit, et ne voient que l'��cume dont sa fureur blanchit une rive d��serte?!?? �� peine eut-il achev��, que la foule des habitants disparut?: un vaste silence r��gna dans toute l'��tendue de l'?le?; et l'on n'entendit que le sifflement aigu des vents et le bruit sourd des eaux sur toute la longueur de la c?te?: on e?t dit que l'air et la mer, sensibles �� la voix du vieillard, se disposaient �� lui ob��ir.
B. Eh bien?! qu'en pensez-vous??
A. Ce discours me para?t v��h��ment?; mais �� travers je ne sais quoi d'abrupt et de sauvage, il me semble retrouver des id��es et des tournures europ��ennes.
B. Pensez donc que c'est une traduction du tahitien en espagnol, et de l'espagnol en fran?ais. Le vieillard s'��tait rendu, la nuit, chez cet Orou qu'il a interpell��, et dans la case duquel l'usage de la langue espagnole s'��tait conserv�� de temps imm��morial. Orou avait ��crit en espagnol la harangue du vieillard?; et Bougainville en avait une copie �� la main, tandis que le Tahitien la pronon?ait.
A. Je ne vois que trop �� pr��sent pourquoi Bougainville a supprim�� ce fragment?; mais ce n'est pas l�� tout?; et ma curiosit�� pour le reste n'est pas l��g��re.
B. Ce qui suit, peut-��tre, vous int��ressera moins.
A. N'importe.
B. C'est un entretien de l'aum?nier de l'��quipage avec un habitant de l'?le.
A. Orou??
B. Lui-m��me. Lorsque le vaisseau de Bougainville approcha de Tahiti, un nombre infini d'arbres creus��s furent lanc��s sur les eaux?; en un instant son batiment en fut environn��?; de quelque c?t�� qu'il tournat ses regards, il voyait des d��monstrations de surprise et de bienveillance. On lui jetait des provisions?; on lui tendait les bras?; on s'attachait �� des cordes?; on gravissait contre les planches?; on avait rempli sa chaloupe?; on criait vers le rivage, d'o�� les cris ��taient r��pondus?; les habitants de l'?le accouraient?; les voil�� tous �� terre?: on s'empare des hommes de l'��quipage?; on se les partage?; chacun conduit le sien dans sa cabane?: les hommes les tenaient embrass��s par le milieu du corps?; les femmes leur flattaient les joues de leurs mains. Placez-vous l��?; soyez t��moin, par pens��e, de ce spectacle d'hospitalit��?; et dites-moi comment vous trouvez l'esp��ce humaine.
A. Tr��s belle.
B. Mais j'oublierais peut-��tre de vous parler d'un ��v��nement assez singulier. Cette sc��ne de bienveillance et d'humanit�� fut troubl��e tout �� coup par les cris d'un homme qui appelait �� son secours?; c'��tait le domestique d'un des officiers de Bougainville. De jeunes Tahitiens s'��taient jet��s sur lui, l'avaient ��tendu par terre, le d��shabillaient et se disposaient �� lui faire la civilit��.
A. Quoi?! ces peuples si simples, ces sauvages si bons, si honn��tes??...
B. Vous vous trompez?; ce domestique ��tait une femme d��guis��e en homme. Ignor��e de l'��quipage entier, pendant tout le temps d'une longue travers��e, les Tahitiens devin��rent son sexe au premier coup d'oeil. Elle ��tait n��e en Bourgogne?; elle s'appelait Barr��?; ni laide, ni jolie, ag��e de vingt-six ans. Elle n'��tait jamais sortie de son hameau?; et sa premi��re pens��e de voyager fut de faire le tour du globe?; elle montra toujours de la sagesse et du courage.
A. Ces fr��les machines-l�� renferment quelquefois des ames bien fortes.
CHAPITRE III - L'ENTRETIEN DE L'AUMONIER ET D'OROU --------------------------------------------------
B. Dans la division que les Tahitiens se firent de l'��quipage de Bougainville, l'aum?nier devint le partage d'Orou. L'aum?nier et le Tahitien ��taient �� peu pr��s du m��me age, trente-cinq �� trente-six ans. Orou n'avait alors que sa femme et trois filles appel��es Asto, Palli et Thia. Elles le d��shabill��rent, lui lav��rent le visage, les mains et les pieds, et lui servirent un repas sain et frugal. Lorsqu'il fut sur le point de se coucher, Orou, qui s'��tait absent�� avec sa famille, reparut, lui pr��senta sa femme et ses trois filles nues, et lui dit?:
-- Tu as soup��, tu es jeune, tu te portes bien?; si tu dors seul, tu dormiras mal?; l'homme a besoin la nuit d'une compagne �� son c?t��. Voil�� ma femme, voil�� mes filles?: choisis celle qui te convient?; mais si tu veux m'obliger, tu donneras la pr��f��rence �� la plus jeune de mes filles qui n'a point encore eu d'enfants.
La m��re ajouta?: -- H��las?! je n'ai pas �� m'en plaindre?; la pauvre Thia?! ce n'est pas sa faute.
L'aum?nier r��pondit?: Que sa religion, son ��tat, les bonnes moeurs et l'honn��tet�� ne lui permettaient pas d'accepter ces offres.
Orou r��pliqua?: -- Je ne sais ce
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