Souvenirs entomologiques - Livre I | Page 4

Jean-Henri Fabre
s'atteler. La m��canique fonctionne de plus belle. -- Mais prends donc garde, ��tourdi; suis le creux du vallon, qui t'��pargnera peine et m��saventure; le chemin y est bon, tout uni; ta pilule y roulera sans effort. -- Eh bien non: l'insecte se propose de remonter le talus qui lui a ��t�� fatal. Peut-��tre lui convient-il de regagner les hauteurs. �� cela je n'ai rien �� dire; l'opinion du Scarab��e est plus clairvoyante que la mienne sur l'opportunit�� de se tenir en haut lieu. -- Prends au moins ce sentier, qui, par une pente douce, te conduira l��-haut. -- Pas du tout, s'il se trouve �� proximit�� quelque talus bien raide, impossible �� remonter, c'est celui-l�� que l'ent��t�� pr��f��re. Alors commence le travail de Sisyphe. La boule, fardeau ��norme, est p��niblement hiss��e, pas �� pas, avec mille pr��cautions, �� une certaine hauteur, toujours �� reculons. On se demande par quel miracle de statique une telle masse peut ��tre retenue sur la pente. Ah! un mouvement mal combin�� met �� n��ant tant de fatigue: la boule d��vale entra?nant avec elle le Scarab��e. L'escalade est reprise, bient?t suivie d'une nouvelle chute. La tentative recommence, mieux conduite cette fois aux passages difficiles; une maudite racine de gramen, cause des pr��c��dentes culbutes, est prudemment tourn��e. Encore un peu, et nous y sommes; mais doucement, tout doucement. La rampe est p��rilleuse et un rien peut tout compromettre. Voil�� que la jambe glisse sur un gravier poli. La boule redescend p��le-m��le avec le bousier. Et celui-ci de recommencer avec une opiniatret�� que rien ne lasse. Dix fois, vingt fois, il tentera l'infructueuse escalade, jusqu'�� ce que son obstination ait triomph�� des obstacles, ou que, mieux avis�� et reconnaissant l'inutilit�� de ses efforts, il adopte le chemin en plaine.
Le Scarab��e ne travaille pas toujours seul au charroi de la pr��cieuse pilule: fr��quemment, il s'adjoint un confr��re; ou, pour mieux dire, c'est le confr��re qui s'adjoint. Voici comment d'habitude se passe la chose. -- Sa boule pr��par��e, un bousier sort de la m��l��e et quitte le chantier, poussant �� reculons son butin. Un voisin, des derniers venus, et dont la besogne est �� peine ��bauch��e, brusquement laisse l�� son travail et court �� la boule roulante, pr��ter main forte �� l'heureux propri��taire, qui para?t accepter b��n��volement le secours. D��sormais, les deux compagnons travaillent en associ��s. �� qui mieux mieux, ils acheminent la pilule en lieu s?r. Y a-t-il eu pacte, en effet, sur le chantier, convention tacite de se partager le gateau? Pendant que l'un p��trissait et fa?onnait la boule, l'autre ouvrait-il de riches filons pour en extraire des mat��riaux de choix et les adjoindre aux provisions communes? Je n'ai jamais surpris pareille collaboration; j'ai toujours vu chaque bousier exclusivement occup�� de ses propres affaires sur les lieux d'exploitation. Donc, pour le dernier venu, aucun droit acquis.
Serait-ce alors une association des deux sexes, un couple qui va se mettre en m��nage? Quelque temps, je l'ai cru. Les deux bousiers, l'un par devant, l'autre par derri��re, poussant d'un m��me z��le la lourde pelote, me rappelaient certains couplets que moulinaient dans le temps les orgues de Barbarie. ?Pour monter notre m��nage, h��las! comment ferons-nous. -- Toi devant et moi derri��re, nous pousserons le tonneau.? -- De par le scalpel, il m'a fallu renoncer �� cette idylle de famille. Chez les Scarab��es, les deux sexes ne se distinguent l'un de l'autre par aucune diff��rence ext��rieure. J'ai donc soumis �� l'autopsie les deux bousiers occup��s au charroi d'une m��me boule; et tr��s-souvent, ils se sont trouv��s du m��me sexe.
Ni communaut�� de famille, ni communaut�� de travail. Quelle est alors la raison d'��tre de l'apparente soci��t��? C'est tout simplement tentative de rapt. L'empress�� confr��re, sous le fallacieux pr��texte de donner un coup de main, nourrit le projet de d��tourner la boule �� la premi��re occasion. Faire sa pilule au tas demande fatigue et patience; la piller quand elle est faite, ou du moins s'imposer comme convive, est bien plus commode. Si la vigilance du propri��taire fait d��faut, on prendra la fuite avec le tr��sor; si l'on est surveill�� de trop pr��s, on s'attable �� deux, all��guant les services rendus. Tout est profit en pareille tactique; aussi le pillage est-il exerc�� comme une industrie des plus fructueuses. Les uns s'y prennent sournoisement, comme je viens de le dire; ils accourent en aide �� un confr��re qui nullement n'a besoin d'eux, et sous les apparences d'un charitable secours, dissimulent de tr��s ind��licates convoitises. D'autres, plus hardis peut-��tre, plus confiants dans leur force, vont droit au but et d��troussent brutalement.
�� tout instant des sc��nes se passent dans le genre de celle-ci. -- Un Scarab��e s'en va, paisible, tout seul, roulant sa boule, propri��t�� l��gitime, acquise par un travail consciencieux. Un autre survient au vol, je ne sais d'o��, se laisse lourdement choir, replie sous les ��lytres ses
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