vacarme, et j'apprends que c'est le bruit d'une pompe attachée à la muraille près de mon lit: les blanchisseuses, ne pouvant blanchir le linge pendant le jour, attendu l'extrême chaleur, ne venaient à cette pompe que la nuit. On imagine si je m'empressai de quitter cette charmante petite maison.
Après avoir beaucoup cherché inutilement pour m'établir à ma fantaisie, on m'indiqua un petit palais dans lequel je pouvais louer un appartement; n'ayant encore rien trouvé qui p?t me convenir, je pris le parti de m'y installer. J'avais là bien plus d'espace qu'il n'en fallait pour me loger commodément; mais toutes ces pièces étaient d'une saleté dégo?tante. Enfin, après en avoir fait nettoyer quelques-unes, je vais m'y établir. Dès la première nuit je pus juger des agrémens de cette habitation. Un froid, une humidité effroyables, m'auraient permis de dormir, qu'une troupe de rats énormes, qui couraient dans ma chambre, qui rongeaient les boiseries et mes couleurs, m'en auraient empêchée. Quand je demandai le lendemain au gardien comment il se faisait que ce petit palais f?t si froid et que les rats y eussent établi leur domicile, il me répondit que depuis neuf ans on n'avait pu trouver à le louer: ce que je n'eus point de peine à croire. Malgré tous ces inconvéniens, cependant, je me vis forcée d'y rester six semaines.
Enfin, je trouvai une maison qui paraissait être entièrement à ma convenance. Je ne la louai néanmoins que sous la condition de l'essayer pendant une nuit, et à peine m'étais-je mise au lit, que j'entendis sur ma tête un bruit tout-à-fait insurmontable; c'était une quantité innombrable de vers qui grugeaient les solives. Dès que j'eus fait ouvrir les volets, le bruit cessa; mais il n'en fallut pas moins abandonner cette maison à mon grand regret, car je ne crois pas qu'il soit possible de déménager plus souvent que je ne l'ai fait pendant mes différens séjours dans la ville du Capitole: aussi suis-je restée convaincue que la chose la plus difficile à faire dans Rome, c'est de s'y loger.
CHAPITRE III.
Portraits que je fais en arrivant à Rome.--Les palais.--Les églises.--La Semaine-Sainte.--Le jour de Paques.--La bénédiction du Pape.--La Girande.--Le Carnaval.--Madame Benti.--Crescentini.--Marchesi.--Sa dernière représentation à Rome.
Aussit?t après mon arrivée à Rome, je fis mon portrait pour la galerie de Florence. Je me peignis la palette à la main, devant une toile sur laquelle je trace la reine avec du crayon blanc. Puis, je peignis miss Pitt, la fille de lord Camelfort. Elle avait seize ans, était fort jolie: aussi la représentai-je en Hébé, sur des nuages, tenant à la main une coupe, dans laquelle un aigle venait boire. J'ai peint cet aigle d'après nature, et j'ai pensé être dévorée par lui. Il appartenait au cardinal de Bernis. Le maudit animal, qui avait l'habitude d'être toujours en plein air, encha?né dans la cour, était si furieux de se trouver dans ma chambre, qu'il voulait fondre sur moi, et j'avoue qu'il me fit grand'peur.
Je fis dans le même temps le portrait d'une Polonaise, la comtesse Potoska. Elle vint chez moi avec son mari, et dès qu'il nous eut quittées, elle me dit d'un grand sang-froid:--C'est mon troisième mari; mais je crois que je vais reprendre le premier, qui me convient mieux, quoiqu'il soit ivrogne. J'ai peint cette Polonaise d'une manière très pittoresque: elle est appuyée sur un rocher couvert de mousse, et près d'elle s'échappent des cascades.
Je peignis ensuite mademoiselle Roland, alors la ma?tresse de lord Welesley, qui a peu tardé à l'épouser. Puis, je fis mon portrait pour ma réception à l'Académie de Rome; une copie de celui que je destinais à Florence, que vint me demander lord Bristol; le portrait de lord Bristol lui-même jusqu'aux genoux, et celui de madame Silva, jeune Portugaise que j'ai retrouvée depuis à Naples, et dont je parlerai plus tard. En tout, j'ai prodigieusement travaillé à Rome pendant les trois ans que j'ai passés en Italie. Non seulement je trouvais une grande jouissance à m'occuper de peinture, entourée comme je l'étais de tant de chefs-d'oeuvre; mais il fallait aussi me refaire une fortune, car je ne possédais pas cent francs de rente. Heureusement je n'eus qu'à choisir, parmi les plus grands personnages, les portraits qu'il me plaisait de faire.
La satisfaction d'habiter Rome pouvait seule me consoler un peu du chagrin d'avoir quitté mon pays, ma famille, et tant d'amis que je chérissais. L'intérêt qu'inspirent les beaux lieux est si vif pour tout le monde et si profitable à un artiste, qu'il suffit pour répandre quelque douceur sur la vie. Combien de fois, voulant me distraire de pensées trop pénibles, j'ai été au soleil couchant revoir ce Colysée, dont l'imagination ne saurait agrandir l'espace! Il est impossible, quand on est là, de songer à autre chose qu'à ces effets si beaux, si divers! Les arcades, éclairées d'un ton jaune rougeatre,
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