se détachent sur ce ciel d'outre-mer que l'on ne voit nulle part aussi foncé qu'en Italie. L'intérieur ruiné de ce grand théatre, qui est maintenant rempli de verdure, d'arbustes en fleur, et de lière qui court ?à et là, ne doit encore sa conservation actuelle qu'à une douzaine de petites chapelles portant une croix, placées symétriquement au milieu de l'enceinte. C'est là que des confréries viennent faire des stations, et d'autres entendre prêcher un capucin. Ainsi, ce qui fut jadis l'arène des gladiateurs et des bêtes féroces, est devenu un lieu consacré à notre culte. Quelles réflexions ne font point na?tre de semblables métamorphoses! Mais dans Rome, peut-on faire un pas sans rêver à l'instabilité des choses humaines; soit que l'on foule aux pieds ces marbres, ces débris de colonnes, ces fragmens de bas-reliefs qui faisaient l'ornement des temples, des palais, et qui, malgré leur vétusté, conservent encore le style et le faire délicat des Grecs; soit qu'on entre dans les églises et qu'on y trouve ces baignoires de marbre précieux, qui peut-être ont servi à Périclès ou à Lays, transformées en tabernacles? Le ma?tre-autel de Sainte-Marie-Majeure est une urne antique de porphyre; les colonnes de la plupart des églises sont celles des anciens temples. Tout offre un mélange de sacré et de profane; et ces superbes restes d'un temps qui n'est plus ajoutent prodigieusement à la magnificence des cérémonies religieuses, qui d'ailleurs ont conservé toute la pompe de l'ancienne Rome.
Mon travail ne me privait point du plaisir journalier de parcourir Rome et ses environs. J'allais toujours seule visiter les palais qui renfermaient des collections de tableaux et de statues, afin de n'être point distraite de ma jouissance par des entretiens ou des questions souvent insipides. Tous ces palais sont ouverts aux étrangers, qui doivent beaucoup de reconnaissance aux grands seigneurs romains d'une telle obligeance.
Je me suis décidée à ne donner ici qu'un très léger aper?u de ces magnifiques habitations et des beautés qu'elles renferment, d'abord parce qu'il existe une multitude d'ouvrages qui les décrivent en détail, ensuite parce que tant d'années se sont écoulées depuis mon voyage à Rome, que beaucoup de chefs-d'oeuvre ont changé de place. J'apprends sans cesse aujourd'hui, par des gens arrivant d'Italie, que telle statue ou tel tableau n'est plus où je l'avais vu, et je ne veux point induire en erreur les amis des arts.
Le palais Justinien renfermait alors une immense quantité de chefs-d'oeuvre qui depuis ont tous été vendus. J'y admirai l'Ombre de Samuel, un des plus beaux tableaux de Gérard de la Note; c'est un effet de nuit du genre habituel de ce ma?tre; plusieurs statues antiques, entre autres la fameuse Minerve devant laquelle on a long-temps br?lé l'encens, ce qu'on reconna?t en voyant le bas de cette statue très enfumé.
Le palais Farnèse, Doria, Barbarini, étaient pleins aussi d'objets d'art qu'on ne se lassait pas d'aller revoir. Dans le dernier, qui est situé sur le Mont-Quirinal et dont la cour renfermait alors un obélisque égyptien, la vo?te du grand salon est peinte par Pierre de Cortone; dans d'autres salles, on trouvait la Mort de Germanicus, du Poussin, une Magdeleine, et un Enfant endormi de Guide, et plusieurs beaux portraits de ce peintre. En sculpture, un magnifique buste d'Adrien, le Faune qui dort, et beaucoup d'autres statues et bas-reliefs antiques.
Le palais Colona est cité comme le plus beau de Rome; toutefois, il est loin d'offrir le même intérêt que le palais Borghèse. Celui-ci est si riche en tableaux des grands ma?tres et en statues, qu'il peut, ainsi que la villa du même nom, passer pour un musée royal. C'est là que j'ai vu les plus beaux tableaux de Claude Lorrain.
Si l'on s'en croyait, on passerait sa vie à Rome dans les palais dont je parle et dans les églises. Les églises renferment des trésors en peinture, en mausolées admirables. En ce genre, les richesses qui ornent Saint-Pierre sont assez connues; pourtant je veux dire un mot du mausolée de Ganganelli par Canova, qui est une bien belle chose. C'est à San Pietro in vincoli que se trouve celui de Jules II par Michel-Ange. à Saint-Laurent hors des murs, on voit des tombeaux antiques: l'un d'eux représente un mariage, et l'autre une vendange. L'église de Saint-Jean-de-Latran, qui est ornée de colonnes, renferme aussi plusieurs tombeaux du même genre, dont l'un est en porphyre et d'une immense dimension; le clo?tre, qui joint la sacristie, est rempli d'inscriptions antiques écrites en diverses langues. C'est à Saint-Jean-de-Latran que le peuple monte à genoux les vingt-huit degrés qui précèdent le portail.
La plus belle des églises sous le rapport d'architecture est celle de Saint-Paul hors des murs, dont l'intérieur, de chaque c?té, est orné de colonnes. On ne peut douter que Saint-Paul n'ait été un temple, et c'est dans ce style que j'aurais désiré Saint-Pierre.
à Saint-André-de-la-Valle, la coupole et
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