m��me pas parler �� Cottard, car il ��tait suffoqu��, moins d'avoir couru pour ne pas manquer le train, que par l'��merveillement de l'avoir attrap�� si juste. Il en ��prouvait plus que la joie d'une r��ussite, presque l'hilarit�� d'une joyeuse farce. ?Ah! elle est bien bonne! dit-il quand il se fut remis. Un peu plus! nom d'une pipe, c'est ce qui s'appelle arriver �� pic!? ajouta-t-il en clignant de l'oeil, non pas pour demander si l'expression ��tait juste, car il d��bordait maintenant d'assurance, mais par satisfaction. Enfin il put me nommer aux autres membres du petit clan. Je fus ennuy�� de voir qu'ils ��taient presque tous dans la tenue qu'on appelle �� Paris smoking. J'avais oubli�� que les Verdurin commen?aient vers le monde une ��volution timide, ralentie par l'affaire Dreyfus, acc��l��r��e par la musique ?nouvelle?, ��volution d'ailleurs d��mentie par eux, et qu'ils continueraient de d��mentir jusqu'�� ce qu'elle e?t abouti, comme ces objectifs militaires qu'un g��n��ral n'annonce que lorsqu'il les a atteints, de fa?on �� ne pas avoir l'air battu s'il les manque. Le monde ��tait d'ailleurs, de son c?t��, tout pr��par�� �� aller vers eux. Il en ��tait encore �� les consid��rer comme des gens chez qui n'allait personne de la soci��t�� mais qui n'en ��prouvent aucun regret. Le salon Verdurin passait pour un Temple de la Musique. C'��tait l��, assurait-on, que Vinteuil avait trouv�� inspiration, encouragement. Or si la Sonate de Vinteuil restait enti��rement incomprise et �� peu pr��s inconnue, son nom, prononc�� comme celui du plus grand musicien contemporain, exer?ait un prestige extraordinaire. Enfin certains jeunes gens du faubourg s'��tant avis��s qu'ils devaient ��tre aussi instruits que des bourgeois, il y en avait trois parmi eux qui avaient appris la musique et aupr��s desquels la Sonate de Vinteuil jouissait d'une r��putation ��norme. Ils en parlaient, rentr��s chez eux, �� la m��re intelligente qui les avait pouss��s �� se cultiver. Et s'int��ressant aux ��tudes de leurs fils, au concert les m��res regardaient avec un certain respect Mme Verdurin, dans sa premi��re loge, qui suivait la partition. Jusqu'ici cette mondanit�� latente des Verdurin ne se traduisait que par deux faits. D'une part, Mme Verdurin disait de la princesse de Caprarola: ?Ah! celle-l�� est intelligente, c'est une femme agr��able. Ce que je ne peux pas supporter, ce sont les imb��ciles, les gens qui m'ennuient, ?a me rend folle.? Ce qui e?t donn�� �� penser �� quelqu'un d'un peu fin que la princesse de Caprarola, femme du plus grand monde, avait fait une visite �� Mme Verdurin. Elle avait m��me prononc�� son nom au cours d'une visite de condol��ances qu'elle avait faite �� Mme Swann apr��s la mort du mari de celle-ci, et lui avait demand�� si elle les connaissait. ?Comment dites-vous? avait r��pondu Odette d'un air subitement triste.--Verdurin.--Ah! alors je sais, avait-elle repris avec d��solation, je ne les connais pas, ou plut?t je les connais sans les conna?tre, ce sont des gens que j'ai vus autrefois chez des amis, il y a longtemps, ils sont agr��ables.? La princesse de Caprarola partie, Odette aurait bien voulu avoir dit simplement la v��rit��. Mais le mensonge imm��diat ��tait non le produit de ses calculs, mais la r��v��lation de ses craintes, de ses d��sirs. Elle niait non ce qu'il e?t ��t�� adroit de nier, mais ce qu'elle aurait voulu qui ne f?t pas, m��me si l'interlocuteur devait apprendre dans une heure que cela ��tait en effet. Peu apr��s elle avait repris son assurance et avait m��me ��t�� au-devant des questions en disant, pour ne pas avoir l'air de les craindre: ?Mme Verdurin, mais comment, je l'ai ��norm��ment connue?, avec une affectation d'humilit�� comme une grande dame qui raconte qu'elle a pris le tramway. ?On parle beaucoup des Verdurin depuis quelque temps?, disait Mme de Souvr��. Odette, avec un d��dain souriant de duchesse, r��pondait: ?Mais oui, il me semble en effet qu'on en parle beaucoup. De temps en temps il y a comme cela des gens nouveaux qui arrivent dans la soci��t��?, sans penser qu'elle ��tait elle-m��me une des plus nouvelles. ?La princesse de Caprarola y a d?n��, reprit Mme de Souvr��.--Ah! r��pondit Odette en accentuant son sourire, cela ne m'��tonne pas. C'est toujours par la princesse de Caprarola que ces choses-l�� commencent, et puis il en vient une autre, par exemple la comtesse Mol��.? Odette, en disant cela, avait l'air d'avoir un profond d��dain pour les deux grandes dames qui avaient l'habitude d'essuyer les platres dans les salons nouvellement ouverts. On sentait �� son ton que cela voulait dire qu'elle, Odette, comme Mme de Souvr��, on ne r��ussirait pas �� les embarquer dans ces gal��res-l��.
Apr��s l'aveu qu'avait fait Mme Verdurin de l'intelligence de la princesse de Caprarola, le second signe que les Verdurin avaient conscience du destin futur ��tait que (sans l'avoir formellement demand��, bien entendu) ils souhaitaient vivement qu'on v?nt maintenant d?ner chez eux
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