Sixtine | Page 8

Remy de Gourmont
commandement de la chair m'accroupit �� des adorations sexuelles, je rougis d'une telle servilit�� et je me honnis, au premier instant lucide; lorsque j'ai longtemps emmagasin�� le poison concentr�� des semences vaines, des martellements me tympanisent, mon organisme s'affaisse et mon cerveau se trouble. N'ayant pas ��t�� dress�� au cilice, aux pointes de fer, aux plaies adolories par la perp��tuelle ��corchure, au je?ne impitoyable, �� la privation de sommeil, ni �� aucune des manoeuvres mystiques et franciscaines, je dompte ma chair en la menant pa?tre, mais sans plus de p��ch�� dans l'intention qu'un malade qui rompt l'abstinence pour prendre un rem��de. Que le plaisir suive, c'est l'ob��issance aux ordres in��luctables qui r��gissent la mati��re anim��e; que je l'accepte, c'est faiblesse humaine.--Aimer jusqu'�� vouloir mourir, j'ai eu cette ��preuve �� l'adolescence et la raisonnable insensibilit�� de la femme que j'adorais ne m'a jamais amertum�� ce lointain souvenir. Je ne souris pas avec piti�� de ces jours de folie bocag��re. Apr��s dix et douze ans je suis aussi s?r qu'�� la premi��re heure d'avoir ��t�� priv�� du plus grand bonheur mis par les D��crets �� la port��e de ma main et en des moments d'��motion ce regret peut encore attrister ma r��verie.--Depuis cela, rien que de passagers effleurements; �� peine, de temps �� autre, un essai de lien bris�� au premier tiraillement.--Loin d'��tre le but de ma vie, la sensation en est l'accident: je r��serve mes forces volontaires pour les histoires que je raconte �� mes contemporains: on les a trouv��es froides et ironiques, mais je n'ai pas qualit�� pour ��tre enthousiaste de mon si��cle ni pour le prendre trop au s��rieux.--Un autre motif m'��loigne des recherches ��motionnelles: sans ��tre pessimiste, sans nier de possibles satisfactions, sans nier m��me le bonheur, je le m��prise. Je ne cherche pas �� aggraver mes mis��res par des m��ditations sur l'universelle mis��re, que mon ��go?sme, d'ailleurs, me rend �� peu pr��s indiff��rente: un ��tat plut?t ataraxique me convient. Regretter une joie non ��close, cela m'est possible, je ne voudrais ni en provoquer, ni en guetter l'��closion.--Enfin, cela est hors de doute, je ne sais pas vivre. Perp��tuelle c��r��bration, mon existence est la n��gation m��me de la vie ordinaire, faite d'ordinaires amours. Je n'ai aucune des tendances �� l'altruisme r��clam��es par la soci��t��. Si je pouvais jamais m'abstraire de moi, au profit d'une cr��ature, ce serait �� la mani��re d'un imaginatif, en recr��ant de toutes pi��ces l'objet de passion, ou bien, comme un analyste, en scrutant minutieusement le m��canisme de mes impressions.--Tel est mon caract��re: on voit que je ne me suis pas appliqu�� �� ��luder la connaissance de moi-m��me; et pourtant nul ne sait mieux que moi �� quel point cette science est pu��rile et malsaine.?

V.--SUITE DES NOTES DE VOYAGE
LA LUNE PALE ET VERTE
?In hac hora anima ebria videtur, Ut amoris stimulis magis perforetur.?
SAINT BONAVENTURE, Philomena.
Chateau de Rabodanges, en la chambre au portrait, 12 septembre.--Je suis re?u �� mon arriv��e par Henri de Fortier, directeur de la _Revue sp��culative_, et Michel Paysant, dont les romans, pleins de corsages bomb��s et de regards caressants, charment les familles qui prennent l'impuissance pour de la chastet��. Fortier me nomme les autres invit��s du moment: personne de connaissance. S��par��e du g��n��ral, son mari, la comtesse Aubry emporte �� la campagne, vers les fins d'��t��, son salon cosmopolite, o�� fr��quentent les grands danseurs de la Litt��rature acad��mique et mondaine. Le bruit a couru que Fortier succ��de, dans ses nuits courageuses, au d��put�� bonapartiste mort r��cemment, et avec lequel elle avait une liaison avou��e: il se donne en effet des airs modestes d'amphitryon. Au d?ner, quelques aristocrates des environs parlent de l'ouverture de la chasse, je ne remarque aucun visage int��ressant que celui d'une jeune femme, blonde, aux yeux vifs, qui se tait ou ne parle qu'�� Mme Aubry. Ensuite, promenade au clair de la lune, puis les voisins demandent leurs voitures; Fortier dispara?t avec la comtesse. Paysant me prend le bras et bavarde.
Il g��mit sur ses ennuis de chef de bureau de la litt��rature; son go?t maintenant l'arr��terait au repos, m��me �� la fain��antise, mais pas une semaine qu'un ��diteur, ancien ou nouveau, ne vienne lui suppliquer un volume pour relever ses affaires ou lancer sa librairie. Aussi, sa gauloiserie comprim��e s'��veillerait volontiers en quelques contes gaillards: mais l'unit�� de son oeuvre? Cela ne serait plus du Paysant, et l'Acad��mie froncerait peut-��tre le sourcil. Il essaie de rire, mais on sent au fond de sa respectueuse cervelle une craintive v��n��ration. Un silence, et goul?ment il me d��crit la jeune femme que j'avais remarqu��e. La technique du praticien donne �� son ��loquence un ton d��sint��ress��, mais on devine la bouche mouill��e et la main, avec des gestes p��trisseurs, caresse les formes absentes. Je pr��tends que les femmes ne sont ni belles ni laides, et que tout leur charme s'irradie de leur sexe;
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