Simone | Page 6

Victor Tissot
fille:
--Pourquoi lire �� table, Simone? Tu es d'un sans-g��ne!
--Maman, je n'��coute pas lorsque je lis.
--C'est une le?on, mademoiselle.
Sans confusion, Simone continua sa lecture.
--Voil�� un livre qui me semble t'int��resser, dit M. Gosselet en se penchant sur l'��paule de Simone.
--Ce n'est pas un roman, soyez-en persuad��, mon cher!
--Anatomie... Ma toute bonne, je ne veux pas m'en plaindre.
--J'ai renonc�� �� comprendre quoi que ce soit �� l'��ducation que l'on donne aujourd'hui �� nos filles, monsieur Gosselet.
Le fabricant de poup��es haussa les ��paules, puis, bravement, en homme d��cid�� �� entreprendre une tache peu agr��able:
--Ma toute bonne, c'est entendu! Il vaut mieux, qu'une jeune fille ne sache pas un mot de ce qu'apprennent les hommes m��me ignorants, mais...
--Peuh! des doctoresses... des acrobates... des...
--Permettez, ma toute bonne. On leur apprend aussi pas mal de choses utiles...
--Je vous dis bien, mon cher, la gymnastique!
--Et aussi la couture, la cuisine, le prix des l��gumes au march��. Sortant du lyc��e, elles ne savent gu��re de piano, il est vrai, mais cela vous fait de gentilles petites m��nag��res d��brouillardes qui s'int��ressent aux occupations de leur mari... et qui l'aiment.
--Vraiment, mon cher, l'��ducation la?que vous conduisant tout droit �� l'amour du monsieur que l'on vous impose parfois!
--Voyons, ma toute bonne. Vous ��tes d'un agressif �� laisser croire que l'on ne distribuait pas de prix de douceur dans votre couvent.
--Votre fille peut tout entendre, monsieur Gosselet. C'est une fille �� la la?que. Si je dis: ?votre fille?, c'est que Simone est ce que vous l'avez faite. Je l'aime moi aussi, mais comme je la vois, toute petite, avec une natte dans le dos et vou��e �� Marie.
--N'ai-je pas acquis, ma toute bonne, le droit de lui donner telle ��ducation qui me semble pr��f��rable?
--Certainement!
Simone continuait �� feuilleter son Anatomie, nullement ��mue d'une discussion devenue si fr��quente qu'elle figurait au menu de tous les repas, comme les parlottes sur la pluie et le beau temps.
--Quand on n'est pas une r��veuse, continua M. Gosselet, en fixant ses petits yeux gris sur le visage de sa femme, quand on sait, un peu de la vie, on ne batit pas de chateaux en Espagne, on ne se d��robe pas devant les devoirs de la vie de famille, on ne cherche pas le bonheur �� c?t��.
Mme Gosselet leva la t��te, surprise, mais non intimid��e.
--Vous avez d? apprendre cette tirade-l��, mon cher, au temps o�� vous fr��quentiez le poulailler du th��atre des Gobelins. Vous n'ignorez pas que je ne veux de l'existence que ce qu'elle m'a donn��. Je vous l'ai prouv��, n'est-ce pas!
?Je vous l'ai prouv��!?
Mme Gosselet, n��e Elvire Decambe, avait prouv�� �� son mari combien ��tait sinc��re sa r��signation conjugale.
N��e en la rue Saint-Denis, elle avait grandi dans un appartement situ�� au premier ��tage d'une maison occup��e bruyamment, au rez-de-chauss��e, par les ateliers de la maison Decambe et Frist: aux ��tages sup��rieurs par le d��p?t du Fil au n��gre. Dessus et dessous, c'��tait un bruit continuel de caisses emball��es, de heurts de monte-charge, de sonneries, de coups de sifflets, de tuyaux acoustiques.
Aussi, petite-fille, avait-elle beaucoup r��vass��, tapie pr��s du feu presque toujours allum��, aux pieds de m��re-grand qui, venue tard �� Paris, suppliait Dieu de d��tourner sa col��re de la rue Saint-Denis le jour o�� il voudrait an��antir la Babylone.
Plac��e dans un couvent pr��s de Paris, elle ��tudia et pria avec le m��me z��le, jouant peu, ��coutant plut?t les babillages des petites amies mondaines, apprenant le chic, inscrivant sur un carnet le ?ce qui se fait? et le ?ce qui ne se fait pas.?
A dix-huit ans, apr��s avoir beaucoup lu de romans �� l'eau de roses, tous empreints de la m��me tendresse fade et larmoyante, elle crut aimer un jeune homme pauvre. Papa Decambe n'eut qu'�� lui dire: ?Comment, Elvire, tu ��pouserais ce petit jeune homme qui gagne dix-huit cents francs par an?, pour la gu��rir de sa grande passion.
Puis vint M. Gosselet qui, �� trente-cinq ans, ��tait possesseur de la fabrique de b��b��s invent��s par le c��l��bre Numeau. Elle mit sa menotte dans sa grosse patte d'ouvrier en brave petite fille de boutiquiers qui sait la valeur de l'argent.
Elle ne fut pas heureuse amante, mais heureuse femme, libre de porter toilette, libre d'am��nager son nid comme elle l'entendait, tout ��tonn��e d'avoir sa voiture.
Malheureusement, les relations de son mari ne lui permirent que de go?ter aux joies mondaines les plus banales: loges de th��atre et f��tes de charit��. Elle ne dansa gu��re qu'en de mis��rables sauteries bourgeoises ou aux bals annuels de l'H?tel de Ville.
D��?ue mais r��sign��e, elle r��solut alors de s'habiller pour elle, de vivre pour elle, n'ayant d'autre plaisir que de feuilleter le grand livre de la maison, devenue apre au gain, esp��rant, pour ses enfants, la r��alisation des r��ves faits autrefois, au couvent, en compagnie des petites amies mondaines.
Avoir un amant! A quoi bon?
Ni brune, ni blonde, le nez un peu qu��teur de sensations
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