sourcils �� peine teint��s, de petits yeux gris brillaient en un r��seau de rides.
--Pauvre m��re Jeanneton! Pauvre m��re Jeanneton! murmurait le marchand de poup��es, tu ��tais une vraie Gosselet, toi. Fille de mon grand-p��re Gosselet, tu ��pousas mon p��re, Henri Gosselet. Si Simone te ressemble, c'est l'autre, la Parisienne qui est coupable. Ah! l'autre, la Parisienne!
Et il fit un geste de menace qui parut amener un sourire approbateur sur les l��vres fines de m��re Jeanneton.
Quelqu'un heurta �� la porte de la chambre, puis une voix:
--Il y a d��j�� un bon quart d'heure que madame attend monsieur, un bon quart d'heure!
--J'y vais, Jenny.
Jenny, la femme de chambre de madame, s'��loigna �� petits pas... Jenny! encore une invention de la Parisienne. Pourquoi pas Eug��nie? Oui, mais Eug��nie, trop commun, Jenny, genre anglais!
Tr��s raide dans sa redingote mise �� la diable, le col relev��, Jean-Marie Gosselet fit son entr��e dans la salle �� manger.
R��solu �� observer sa femme et sa fille sans faire montre de son inqui��tude, il dit d'un ton doucereux:
--Me voil��, ma toute bonne, me voil��!
Puis, apr��s avoir plaqu�� un baiser sur le front de Simone, il se laissa tomber sur une chaise Henri II, dont le haut dossier sculpt�� en bosses rendait plus laborieuses ses digestions, mais qui faisait bien quand il y avait quelqu'un �� d?ner.
--Il ne fallait pas m'attendre, ma toute bonne, dit M. Gosselet apr��s avoir palp�� ses manchettes comme pour les retrousser: ancienne habitude de bon ouvrier qui va se mettre �� la besogne.
--On ne vous a pas attendu, mon cher!
��pluchant un radis, Mme Gosselet ne daigna pas lever les yeux sur son mari.
Ma toute bonne, mon cher, c'��taient l�� des expressions employ��es autrefois par M. et Mme Gosselet pour cacher aux yeux de Simone, petite fille, les dissentiments qui obligeaient les ��poux �� faire chambre �� part. Par habitude, ils se servaient toujours des m��mes locutions pot-au-feu, mais avec des intonations de voix variables qui avaient surpris Simone grandissante.
Apr��s avoir manoeuvr�� son couteau autour du radis avec l'habilet�� d'un chirurgien qui circonscrit un kyste du bout de son scalpel, Mme Gosselet voulut jouir de la grimace que sa r��ponse impertinente avait d? faire na?tre sur la face du marchand de poup��es. Brusquement, les bras tendus comme pour repousser une horrible vision, elle laissa choir son couteau sur son assiette, puis avec une moue et un tapotement de main impatient sur la nappe:
--Habillez-vous, monsieur... Pour les domestiques au moins!
M. Gosselet promena ses doigts tatonnants sur son gilet, son faux-col, puis sur le collet de sa redingote qu'il baissa tranquillement:
--Ce n'est que ?a, ma toute bonne! Jenny est �� la cuisine, je ne puis l'offenser.
--Mais, mon cher, il me semble:--puis d'une voix clairette pour mieux glisser sa m��chancet��,--il me semble que vous avez beaucoup �� faire pour ne pas ��tre ridicule, m��me la tenue aidant.
Et elle le lorgna comme il avait lorgn�� le portrait de m��re Jeanneton.
Il n'��tait pas beau, M. Gosselet, mais sur les routes d'Auvergne, il aurait pu figurer le roulier faraud qui taquine les filles d'auberge. Le visage large ras��, les machoires fortes, des muscles saillants sur les joues, semblant appliqu��s �� la main, le front poli et bomb��, il portait au dessus de son col haut un entourage de barbe grise qui se tenait raide, serr��e entre le menton �� fossettes et le linge durci par l'empois. Les cheveux coup��s ras, blancs et noirs, dessinaient toutes les courbures du crane plus large que haut.
De rouge qu'il ��tait autrefois, le teint de M. Gosselet ��tait devenu presque blanc, mais d'un blanc stri�� de petites raies roses qui historiaient l'��piderme de losanges, de carr��s, de mille figures microscopiques. Ses yeux gris gitaient en un fouillis de cils incurv��s comme des ronces.
Large d'��paules, le cou tr��s court, M. Gosselet portait la redingote de telle sorte qu'elle semblait lui ��tre toujours trop ��troite ou trop large. Quand il marchait, tra?nant la jambe, les bras lanc��s en un mouvement rythm�� de balanciers, les yeux l'habillaient instinctivement d'une blouse bleue et le coiffaient d'une casquette de soie.
Mme Gosselet, n��e Elvire Decambe, n'eut pas la douce joie d'avoir exasp��r�� son mari. Quand le fabricant de poup��es ��tait de mauvaise humeur, il le t��moignait �� son insu, par deux petites rides qui, partant du coin de la bouche, allaient rejoindre le nez un peu long.
M. Gosselet rit franchement, ce qui mit �� nu ses dents larges solidement plant��es:
--Il est certain, ma toute bonne, que je n'ai pas la tournure d'un muscadin,--fort heureusement pour nous.--Qu'en dis-tu, petite Simone?
Petite Simone, qui croquait ses radis sans les ��plucher, apr��s les avoir tamponn��s dans une pinc��e de sel, r��pondit en tournant les feuillets d'un gros volume pos�� pr��s de son assiette:
--Vous avez raison, p��re. Il n'est pas n��cessaire d'��tre tr��s beau pour gagner beaucoup d'argent.
Et Mme Gosselet, pour se venger de la r��flexion de sa
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.