Sapho | Page 4

Alphonse Daudet
d��escalier dans la grise tristesse du matin.
II
Il la garda deux jours; puis elle partit, lui laissant une impression de peau douce et de linge fin. Pas d��autre renseignement sur elle que son nom, son adresse et ceci: ?Quand vous me voudrez, appelez-moi... je serai toujours pr��te...?
La toute petite carte, ��l��gante, odorante, portait:
FANNY LEGRAND
_6, rue de l��Arcade_
Il la mit �� sa glace entre une invitation au dernier bal des Affaires ��trang��res et le programme enlumin�� et fantaisiste de la soir��e de D��chelette, ses deux seules sorties mondaines de l��ann��e; et le souvenir de la femme, rest�� quelques jours autour de la chemin��e dans ce d��licat et l��ger parfum, s����vapora en m��me temps que lui, sans que Gaussin, s��rieux, travailleur, se m��fiant par-dessus tout des entra?nements de Paris, e?t eu la fantaisie de renouveler cette amourette d��un soir.
L��examen, minist��riel aurait lieu en novembre. Il ne lui restait que trois mois pour le pr��parer. Apr��s, viendrait un stage de trois ou quatre ans dans les bureaux du service consulaire; puis il s��en irait quelque part, tr��s loin. Cette id��e d��exil ne l��effrayait pas; car une tradition chez les Gaussin d��Armandy, vieille famille avignonnaise, voulait que l��a?n�� des fils suiv?t ce qu��on appelle _la carri��re_, avec l��exemple, l��encouragement et la protection morale de ceux qui l��y avaient pr��c��d��. Pour ce provincial, Paris n����tait que la premi��re escale d��une tr��s longue travers��e, ce qui l��emp��chait de nouer aucune liaison s��rieuse en amour comme en amiti��.
Une semaine ou deux apr��s le bal de D��chelette, un soir que Gaussin, la lampe allum��e, ses livres pr��par��s sur la table, se mettait au travail, on frappa timidement; et, la porte ouverte, une femme apparut en toilette ��l��gante et claire. Il la reconnut seulement quand elle eut relev�� sa voilette.
-- Vous voyez, c��est moi... je reviens...
Puis surprenant le regard inquiet, g��n��, qu��il jetait sur la besogne en train:
-- Oh! je ne vous d��rangerai pas... je sais ce que c��est...
Elle d��fit son chapeau, prit une livraison du Tour du monde, s��installa et ne bougea plus, absorb��e en apparence par sa lecture; mais, chaque fois qu��il levait les yeux, il rencontrait son regard.
Et vraiment il lui fallait du courage pour ne pas la prendre tout de suite entre ses bras, car elle ��tait bien tentante et d��un grand charme avec sa toute petite t��te au front bas, au nez court, �� la l��vre sensuelle et bonne, et la maturit�� souple de sa taille dans cette robe d��une correction toute parisienne, moins effrayante pour lui que sa d��froque de fille d����gypte.
Partie le lendemain de bonne heure, elle revint plusieurs fois dans la semaine, et toujours elle entrait avec la m��me paleur, les m��mes mains froides et moites, la m��me voix serr��e d����motion.
-- Oh! je sais bien que je t��ennuie, lui disait-elle, que je te fatigue. Je devrais ��tre plus fi��re... Si tu crois!... Tous les matins en m��en allant de chez toi, je jure de ne plus venir; puis ?a me reprend, le soir, comme une folie.
Il la regardait, amus��, surpris dans son d��dain de la femme, par cette persistance amoureuse. Celles qu��il avait connues jusque-l��, des filles de brasserie ou de skating, quelquefois jeunes et jolies, lui laissaient toujours le d��go?t de leur rire b��te, de leurs mains de cuisini��res, d��une grossi��ret�� d��instincts et de propos qui lui faisait ouvrir la fen��tre derri��re elles. Dans sa croyance d��innocent, il pensait toutes les filles de plaisir pareilles. Aussi s����tonnait-il de trouver en Fanny une douceur, une r��serve vraiment femme, avec cette sup��riorit�� -- sur les bourgeoises qu��il rencontrait en province chez sa m��re -- d��un frottis d��art, d��une connaissance de toutes choses, qui rendaient les causeries int��ressantes et vari��es.
Puis elle ��tait musicienne, s��accompagnait au piano et chantait, d��une voix de contralto un peu fatigu��e, in��gale, mais exerc��e, quelque romance de Chopin ou de Schumann, des chansons de pays, des airs berrichons, bourguignons ou picards dont elle avait tout un r��pertoire.
Gaussin, fou de musique, cet art de paresse et de plein air o�� se plaisent ceux de son pays, s��exaltait par le son aux heures de travail, en ber?ait son repos d��licieusement. Et de Fanny, cela surtout le ravissait. Il s����tonnait qu��elle ne f?t pas dans un th��atre, et apprit ainsi qu��elle avait chant�� au Lyrique.
-- Mais pas longtemps... Je m��ennuyais trop...
En elle effectivement rien de l����tudi��, du convenu de la femme de th��atre; pas l��ombre de vanit�� ni de mensonge. Seulement un certain myst��re sur sa vie au-dehors, myst��re gard�� m��me aux heures de passion, et que son amant n��essayait pas de p��n��trer, ne se sentant ni jaloux ni curieux, la laissant arriver �� l��heure dite sans m��me regarder la pendule, ignorant encore la sensation de l��attente, ces grands coups �� pleine poitrine qui sonnent le d��sir et l��impatience.
De temps en temps, l����t�� ��tant tr��s beau cette ann��e-l��, ils s��en allaient �� la
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