�� trois lieues; un courant fort rapide nous poussait du sud au nord parall��lement �� elle. Je n'avais pas mang�� depuis pr��s de dix heures, et je sentais que mes forces s'��puisaient. Taillevent s'en aper?ut:
?--Je n'ai que vingt et un ans, me dit-il, mais ce n'est pas pour la premi��re fois, capitaine, que je coule avec mon navire. Ce matin, voyant les deux fr��gates nous gagner, j'ai eu souvenance de mon plus grand mal de l'autre fois, �� savoir de souffrir la faim et la soif deux jours et deux nuits d'une bord��e.
?--Ah! ah! m'��criai-je, tu aurais des vivres sur toi?
?--Une ration de fromage, �� votre service, capitaine, et mieux que ?a, une topette de sec dans cette corne d'amorce.?
Nous partageames fraternellement le fromage et l'eau-de-vie, apr��s avoir mis en r��serve la moiti�� de notre petite provision pour le lendemain matin.--Le soleil se couchait.
Au beau milieu de la nuit, notre tron?on de mat heurta violemment un corps dur; nous nous retrouvames �� la nage.
?--Diable de roche! disait Taillevent.
?--Rattrapons notre espar avant tout!? criai-je.
Mais l'obscurit�� profonde nous emp��chait de le revoir, il ��tait emport�� dans le remous du r��cif el verdugo (le bourreau) trop tranchant et trop accore pour que nous pussions y grimper.
?--Je ne trouve rien! faisons la planche! le courant nous emportera vers l'espar!...
?--Peut-��tre!...?
Peut-��tre, car repouss�� par le choc, notre mat avait aussi bien pu glisser dans le contre-courant. Tout �� coup, une vive fusillade illumine la mer; nous apercevons de tous c?t��s des balses p��ruviennes qui fuyaient, chass��es par une grande p��niche espagnole.
* * * * *
Isabelle de Garba, n��e au P��rou, n'avait pas besoin qu'on lui expliquat qu'on y appelle balsa, en fran?ais balse, une sorte de radeau d'un genre fort singulier.
Deux outres form��es de peaux de veaux marins fortement cousues ensemble, gonfl��es comme d'��normes vessies, et termin��es en pointe comme des souliers �� la poulaine, servent de base �� un plancher triangulaire de bois tr��s l��ger. L'ensemble est assez large pour que, d'ordinaire, trois passagers et un rameur y trouvent place. L'Indien qui conduit imprime le mouvement au moyen d'une pagaie �� deux pelles. On voit, en outre, des balses de grandes dimensions, qui ont plus de soixante pieds de long sur dix-huit ou vingt de large; elles naviguent fort bien le long des c?tes.
Grandes ou petites, les balses poursuivies ��taient charg��es d'une foule d'indig��nes de la faction de Jos�� Gabriel Cuntur Kanki, litt��ralement le condor par excellence, le grand ma?tre des cavaliers, chef de la grande insurrection contre la domination de l'Espagne et les habitants de race espagnole[1].
[Note 1: Historique.]
Prenant le nom et le titre de son a?eul Tupac Amaru, le dernier des Incas, le h��ros p��ruvien avait obtenu d'��clatants succ��s et r��gnait d��j�� sur plusieurs provinces. Mais ses partisans du littoral, mis en d��route, se trouvaient r��duits �� n'avoir d'autre refuge que leurs fr��les radeaux.
Les balles des soldats de la p��niche per?aient les outres de veau marin, les balses coulaient.
L��on et Taillevent n'h��sit��rent point �� s'accrocher aux d��bris de l'une des plus grandes.--Elle flottait encore.--Ils y montent, se trouvent confondus avec les Indiens au d��sespoir, arm��s pour la plupart, et qui, faisant de n��cessit�� vertu, s'appr��tent �� se d��fendre contre la p��niche.
Une foule de petites balses se groupaient autour du radeau.
La lune se leva. Les P��ruviens virent deux inconnus au milieu d'eux:
--Je suis le Lion de la mer! s'��crie L��on en langue espagnole; courage! cette p��niche est �� nous, suivez-moi!
Les indig��nes croient �� un secours du Ciel.
Le jeune ��tranger a les cheveux blonds et le teint d'une blancheur rare parmi les Espagnols; il vient de surgir par miracle du sein des flots. Il donne des ordres, il promet la victoire.
Est-ce un ange, est-ce un lion transform�� en guerrier, est-ce l'un des g��nies protecteurs de la race opprim��e? Quoi qu'il soit, c'est un vengeur. Il commande, on ob��it.
L��on et Taillevent, qui le seconde, sont d��j�� sur une balse de grandeur moyenne o�� pagaient plusieurs rameurs habiles. Ils ont saisi des armes, ils se montrent pleins d'une invincible ardeur.
De sauvages cris de triomphe ont retenti. Une confiance superstitieuse succ��de parmi les naturels �� leur terreur panique; les balses qui se dispersaient se rallient. Par les ordres de L��on, elles abordent de tous les c?t��s �� la fois la p��niche, prise d'assaut en quelques instants.
Le Lion de la mer en est proclam�� capitaine.
* * * * *
--Ce fut ainsi, mademoiselle, poursuivit Sans-Peur le Corsaire, que je combattis pour la premi��re fois en faveur de vos infortun��s compatriotes, dont la cause, d'ailleurs, avait d��j�� toutes mes sympathies. La force des choses m'y poussa. Je n'��tais point libre de rester neutre. Et du reste, la politique ombrageuse des Espagnols, qui nous fermaient leurs ports, me les rendait odieux. J'avais �� craindre, en abordant sur leurs terres, d'��tre tout au moins trait�� en suspect, honteusement fouill�� et d��pouill�� de mes
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.