admirablement; mais on dirait que pour le moment, vous seriez enchant�� de me piquer, de me faire grincer des dents. Mettons donc des points sur les i. Eh bien! c'est tout ce menu et banal trantran de la vie moderne, dont vous semblez faire abstraction, vous, gar?on ind��pendant, vous, accoutum�� de vivre dans la compagnie de ce que le pass��, l'histoire, la po��sie vous offrent de plus beau, c'est toute cette pauvret�� de gens et de mani��res dont je redoute l'effet sur vous;... j'ai peur que vous riiez de nous tous et de moi. Oh! nous y pr��tons beaucoup par tout ce que nous avons de vulgaire. Ce ne serait pas, de votre part, la marque d'une grande faiblesse d'esprit!...
--Je vous assure que si.
--Bien vrai? Oh! dites-moi ?a, sans l'ombre de votre mani��re railleuse!
--Bien vrai. Je vous jure que je ne ris pas du tout.
Je ne riais pas. J'essayais d'��touffer ma rage et ma tendresse m��l��es dans un tumulte confus. Le coup violent de la nouvelle de ces fian?ailles, apr��s m'avoir assomm��, me laissait une col��re contre cette petite qui m'annon?ait cela avec tant de naturel. Je m'��tais fait, depuis huit jours, en pens��e, �� une telle familiarit�� avec elle, que l'id��e brutale de la prendre et de secouer ses membres fragiles, comme �� une ma?tresse surprise en trahison, me vint avec le retour de mes sens. Je lui en voulais de ne pas d��couvrir que j'��tais ivre d'elle et qu'il valait mieux ne pas m'inviter �� l'aller voir que me dire cela.
J'��tais furieux contre moi-m��me et contre tout le reste. Nous ��tions arriv��s, tout en causant, �� la corne extr��me de Venise, o�� sont les Jardins. Elle me dit:
--D��cid��ment, vous ��tes dans vos vilains moments, ce n'est pas la peine que je parle; je vois que vous ne m'��coutez pas.
Cette phrase anodine, mais qui marquait la sorte d'intimit�� boudeuse et grondeuse o�� nous en arrivions ais��ment et que j'adorais, me remit �� vif. Elle me donna un petit coup si voluptueux et si amer que je sentis les larmes me suffoquer. Je me contins par un brusque effort, mais je dus rester quelques instants sans r��pondre. Mon ravissement vis-��-vis d'elle ��tait dans la nuance des paroles. Je vis si clair et si proche l'instant o�� cette douce intimit�� minutieuse allait ��tre rompue, que j'eus la tentation de briser tout �� coup, pour en demeurer sur le pur parfum. Paris et la pens��e de l'homme de Chicago, pensai-je, vont me corrompre et m'empoisonner tout cela. Tournons sur nos talons, emportons le baume encore si d��licat! Puis, je r��fl��chis qu'il y avait quelques minutes �� peine qu'elle m'avait annonc�� ses fian?ailles--il me semblait d��j�� que j'en avais souffert depuis plusieurs jours;--la quitter si soudainement, ne serait-ce donner �� cet ��v��nement une importance que je ne voulais pas laisser para?tre? Enfin, ces dames nous avaient rejoints, et mon adieu non pr��par�� e?t ��t�� d'une s��cheresse ind��cente. Je n'osai pas l'ex��cuter. Mais je r��solus de me comporter imm��diatement vis-��-vis de moi-m��me, comme si ma s��paration e?t eu lieu en effet; de me tuer le sentiment; de n'��tre plus l�� qu'un ��tranger retenu par la politesse. Et si j'��tais tent�� de faiblir, une id��e me devait servir de cordial puissant: ?J'emporte au fond de moi, me devais-je dire, la petite amphore close sur le parfum sans m��lange; aussit?t seul, j'en soul��verai avec pr��caution le couvercle et en aspirerai les ar?mes l��gers.?
Je me mis �� parler �� tort et �� travers, dans les Jardins. Je m'int��ressai subitement �� des quantit��s de choses qui, depuis une quinzaine, m'��taient devenues ��trang��res. Je retrouvai l'homme que j'��tais avant la journ��e du Lido. Assis du c?t�� des lagunes, je retra?ai �� ces dames les beaux fastes de la R��publique de Venise. Elles s'��merveill��rent et me crurent un bien savant homme. J'annon?ai tr��s sinc��rement le projet de me livrer �� des travaux consid��rables.
--Vous ��tes bien ��l��gant, me dit la jeune fille, pour demeurer dans les biblioth��ques.
J'affirmai que j'avais des manches en lustrine et des lunettes �� longues branches minces et recourb��es qui tiennent solidement aux oreilles.
Le reste de la promenade s'acheva en humeur facile. Nous v?mes encore un beau soleil mourir en faisant palpiter les marbres. Je pris cong�� sur ce quai des Esclavons tant de fois parcouru; je fixai mon d��part au lendemain; je retins le toucher de mes doigts en pressant une derni��re fois des mains chaudement tendues; j'aveuglai m��me mon regard, en sorte qu'aucun oeil ne me troublat. J'��tais persuad�� que j'avais le coeur le plus sec et que tout plaisir ��tait d��sormais vulgaire au prix de celui qui m'��tait r��serv��, sans m��lange, et que j'emportais comme un souvenir merveilleux de ce que Venise a de plus subtile beaut��: respirer ma petite amphore parfum��e!
II
J'avais r��solu de filer tout d'une traite �� Paris. Je me m��fiais d'un lent
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.